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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 37

Le jeudi 28 avril 2022
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 28 avril 2022

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les artistes canadiens

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je remercie aujourd’hui tous ceux qui ont permis au Sénat de prendre des mesures, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ces murs, pour explorer et entendre la voix des artistes canadiens de tous les domaines. Ce matin, dans le foyer du Sénat, nous avons installé les œuvres de deux grands artistes canadiens. Il s’agit des photographies Endangered Shadows, de Roberta Bondar, et Alberta Oil Sands #6, d’Edward Burtynsky. Les œuvres de ces artistes canadiens de renommée internationale portent sur les changements environnementaux et climatiques. Elles reflètent et renforcent les débats du Sénat concernant la santé de notre planète.

Je les remercie tous les deux de nous avoir prêté leurs œuvres, dont j’ai déjà parlé. Ces deux artistes, qui travaillent avec l’industrie, font la lumière sur les conséquences environnementales : Bondar avec la NASA et Burtynsky avec l’industrie pétrolière de l’Alberta. Cette dernière l’appuie, ainsi que cette série et sa présentation à divers endroits. Ces deux artistes ont un effet très positif dans le monde.

Nous avons aussi déménagé Les Cameron du Yukon, l’œuvre de l’artiste yukonnais et britanno-colombien Ted Harrison, du quatrième étage au foyer, juste à l’extérieur de l’enceinte.

Je remercie également les artistes dont les œuvres sont exposées dans les installations qui rendent hommage aux artistes noirs du Canada. Ce projet a fait en sorte que le Canada a été invité à participer à l’inauguration du Musée mondial du patrimoine panafricain, qui doit ouvrir ses portes l’an prochain. Remarqué par La Presse canadienne, il a attiré l’attention de la publication internationale The Art Newspaper, qui m’a demandé de rédiger la lettre d’opinion de mars concernant ce projet. Je l’en remercie, car ce fut un privilège de le faire.

Je viens de revenir du Royaume-Uni, où j’ai été heureuse de constater que les gens ont vu et remarqué cet article. Je suis également heureuse que certains artistes de Cape Dorset qui ont participé à la première exposition du programme Musées au Sénat, dans la salle B-30, aient réussi à exposer leurs œuvres à Varsovie, où elles se trouvent en ce moment.

Grâce au reportage de Greg Hill, nous étendons la représentation des artistes autochtones à la Salle des peuples autochtones. De plus, 13 autres conservateurs canadiens rédigent des textes sur l’art et les articles patrimoniaux du Sénat; ces essais seront publiés avec ceux de l’année dernière.

Cette semaine seulement, j’ai eu le privilège de prononcer le discours des compagnons de l’Association des musées canadiens, qui élabore une nouvelle politique sur les musées. Bien sûr, j’ai parlé de nos projets. Il incombe au Sénat de nouer des liens avec l’ensemble du secteur artistique, comme il le fait avec tous les autres secteurs.

Je remercie la conservatrice du Sénat, Tamara Dolan, ainsi que ses collègues de leur travail soigné dans la mise en œuvre de nos nouvelles politiques fondées sur les normes de l’industrie. Merci, chers collègues, et surtout chers membres du Groupe de travail consultatif sur les œuvres d’art et le patrimoine, de votre reconnaissance du passé et du présent des artistes du Canada. C’est important, c’est bienvenu et c’est très apprécié partout dans le pays. Merci.

Le Jour de la Terre

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, Stephen Augustine, chef héréditaire mi’kmaq et vice-président adjoint de l’Université du Cap-Breton, raconte l’histoire de la création à sept niveaux des Mi’kmaqs. Aujourd’hui, alors que nous célébrons en retard la Jour de la Terre, je vous raconte le niveau trois.

Le troisième niveau de la création se trouve sous nos pieds. C’est la Terre mère dont nous foulons le sol et qui porte les esprits de nos ancêtres. L’interrelation entre la Terre mère et l’ensemble de la création se reflète dans la langue mi’kmaq. Les mots mi’kmaqs pour désigner le peuple, la Terre, la mère et le tambour dérivent tous du terme qui fait référence à « la surface sur laquelle nous nous tenons et que nous partageons avec ceux qui s’y trouvent ».

[...] Quand nous entendons le rythme du tambour, nous entendons aussi le rythme cardiaque de la Terre mère. Il est donc entendu que [...] nous sommes les enfants de la Terre et que [...] « nous reconnaissons son rythme cardiaque de la même manière qu’un nouveau-né reconnaît le rythme cardiaque de sa propre mère ».

Honorables sénateurs, le premier Jour de la Terre a été inauguré en 1970 par le sénateur démocrate américain Gaylord Nelson et par le membre républicain du Congrès Pete McCloskey.

Le thème de ce premier jour de la Terre était « Une question de survie » et son message, comme l’a souligné Walter Cronkite, était « Agir ou mourir ».

Honorables sénateurs, le thème du Jour de la Terre cette année est « Investir dans notre planète ». Les gens du monde entier sont appelés à faire des investissements judicieux de toute urgence. À la COP26, le premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson, a déclaré ceci :

L’humanité a longtemps fait preuve d’attentisme sur le climat. Il est minuit moins une sur l’horloge de l’apocalypse. Nous devons agir maintenant.

Chers collègues, en tant que sénateurs de la Chambre haute du Canada, nous avons le devoir de légiférer, d’étudier les dossiers et de représenter les Canadiens. Avec ce solide mandat, les avantages de l’indépendance du Sénat, notre vision à long terme et nos ressources collectives, nous sommes bien placés pour agir au sujet des changements climatiques et joindre les efforts des législateurs d’ailleurs dans le monde.

Je souligne aux Canadiens que, jusqu’à maintenant, 43 sénateurs de toutes les allégeances se sont joints au groupe Sénateurs pour des solutions climatiques afin de s’informer et d’agir. Nous collaborons également avec le groupe Peers for the Planet du Royaume-Uni et nous sommes en communication avec nos homologues des États-Unis et de l’Irlande.

Honorables sénateurs, l’horloge de l’apocalypse, dont les aiguilles se rapprochent rapidement de minuit, est liée à la machine qui surveille le pouls de plus en plus rapide et irrégulier de la Terre mère. Augmentons nos investissements dans la santé de notre planète. C’est absolument essentiel pour notre économie, pour notre bien-être et, bien franchement, pour notre vie et celle de toutes les créatures terrestres.

Welalioq. Merci.

La bataille de la crête de Vimy

Le cent cinquième anniversaire

L’honorable Jim Quinn : Honorables sénateurs, plus tôt ce mois-ci, c’était le 150e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy. Cette bataille, qui a commencé le 9 avril 1917 et s’est conclue le 12 avril, s’est avérée un moment décisif de notre histoire. Il s’agit de l’une des victoires militaires du Canada les plus célébrées, mais cette victoire a coûté cher. Quelque 100 000 Canadiens y ont participé et, parmi eux, plus de 10 600 ont été blessés, dont près de 3 600 mortellement. Le dévouement, la bravoure et le courage des Canadiens dans cette bataille et les autres théâtres d’opérations de la Première Guerre mondiale se sont perpétués dans les décennies qui ont suivi, notamment à la Seconde Guerre mondiale, à la guerre de Corée et en Afghanistan, et perdurent encore aujourd’hui, alors que des membres des Forces armées canadiennes sont déployés un peu partout dans le monde pour défendre la liberté et la démocratie. Les femmes et les hommes qui s’enrôlent servent le pays avec le même dévouement, la même bravoure et le même courage qui ont marqué l’épique bataille de la crête de Vimy il y a si longtemps.

(1410)

Jamais nous ne devons oublier que ce sont également nos militaires qui se portent au secours des Canadiens en temps de crise, notamment à la suite d’incendies, d’inondations ou de tempêtes, et qui assurent notre sécurité en situation d’urgence.

Il ne fait aucun doute que les Forces armées canadiennes d’aujourd’hui sont aux prises avec de nombreuses difficultés, mais je crois que tous mes honorables collègues conviendront que les dizaines de milliers d’hommes et de femmes qui font partie des Forces armées canadiennes demeurent prêts à intervenir et à servir le Canada en cas de besoin, ici comme à l’étranger. Je les en remercie. Au nom de tous les Canadiens, nous vous remercions d’être prêts à servir le Canada.

Des voix : Bravo!

Le Jour de la Terre

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, la semaine dernière, le 22 avril, nous soulignions le Jour de la Terre. Notre planète soutient une multitude de formes de vie en leur offrant des services écologiques qui rendent la vie possible pour les humains et des millions d’espèces. Ainsi, chaque jour devrait être le Jour de la Terre.

Malheureusement, les humains ne se sont pas souciés de leur unique planète. Nous l’avons plongée dans une crise climatique, alimentée par un système illogique qui favorise un modèle économique linéaire d’extraction des ressources, de production, de consommation, de gaspillage et de pollution, sans songer aux limites de la planète et aux seuils raisonnables qui permettent aux humains de vivre sur la Terre.

[Français]

Plus tôt ce mois-ci, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a publié son plus récent rapport qui établit les différentes options de décarbonisation pour la planète. Sans surprise, le rapport sonne l’alarme plus fort que jamais et nous donne un ultimatum. Nous avons jusqu’à 2025 pour faire plafonner nos émissions de gaz à effet de serre. Autrement, nous ferons face à un scénario climatique catastrophique avec un réchauffement bien au-delà de 1,5 degré Celsius. Nous ne sommes pas sur la bonne voie.

Cette semaine, le commissaire à l’environnement et au développement durable a publié cinq rapports démontrant que le Canada n’est pas prêt pour la transition. Entre autres, le gouvernement n’est pas encore en mesure d’assurer une transition juste pour la main-d’œuvre. Sa taxe sur le carbone comporte d’importantes faiblesses qui affaiblissent son efficacité, et ses propres activités ne sont pas alignées sur l’objectif d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050.

[Traduction]

Chers collègues, nous sommes la plus haute instance de décision et de démocratie au Canada, et nous devons faire notre part. Prenons part à la course disputée actuellement partout dans le monde pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050, et libérons le pouvoir de transformation que cette course nous accorde pour créer un meilleur avenir. Merci. Meegwetch.

[Français]

Le décès de Cécile Mulaire

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Chers collègues, aujourd’hui, je souhaite rendre hommage à la mémoire d’une femme de cœur, de foi et de famille, une femme de communauté. Cécile Mulaire est décédée paisiblement le 29 mars dernier à l’âge de 89 ans.

Mme Mulaire était reconnue pour son engagement communautaire, son éternel optimisme, son énergie positive, sa curiosité sans bornes et sa grande générosité. Elle témoignait d’un intérêt et d’un sens du soutien pour tous ceux et celles qui la côtoyaient. Cécile Mulaire nous rappelle l’importance d’encourager et de valoriser les autres ainsi que d’agir afin de changer les choses.

C’est dans la communauté de paroisses qu’elle est, dans un premier temps, appelée à servir, que ce soit dans le cadre du mouvement Jeunesse agricole catholique, des programmes Marriage Encounters et Nathanaël ou encore de la charge pastorale en l’absence de prêtre.

Jeunes mariés, elle et son époux, René, s’installent à St-Pierre-Jolys, mon village natal, pour ouvrir leur première pharmacie et fonder une famille. C’est dans cette entreprise que j’ai d’abord rencontré Mme Mulaire. Elle se distinguait par sa convivialité, sa courtoisie, son enthousiasme et sa bonté. Son sourire lumineux lui a aussi bel et bien servi à consolider la sociabilité et la solidarité avec sa communauté.

Il va sans dire que Cécile Mulaire a été un modèle pour ses sept enfants et ceux-ci ont été, pour elle, une source d’inspiration. En 1972, elle donne naissance au célèbre petit héros franco-manitobain au chapeau pointu, le fameux Bicolo, qui a habité les pages du journal La Liberté pendant plusieurs décennies. À partir de 1972, ce personnage fantaisiste est devenu un soutien éducatif au profit des enfants de 4 à 12 ans. L’apprentissage et la participation des jeunes à la culture et à la collectivité francophones étaient au cœur même des objectifs du projet Bicolo.

En 1991, lorsqu’elle a décidé de passer le flambeau à d’autres mécènes de la communauté, le Club Bicolo comptait 10 500 membres, dont mes deux enfants. Bicolo avait plus d’abonnés en 1991 que je ne puisse jamais espérer en avoir sur Twitter.

Mme Mulaire s’est vu décerner plusieurs prix et distinctions, entre autres le prix Riel, le prix Réseau et le Prix du premier ministre pour service bénévole. Elle a été décorée de l’Ordre des francophones d’Amérique.

C’est tout un héritage que Cécile Mulaire lègue à ses enfants et à sa communauté. Comme l’a si bien écrit Sophie Gaulin dans La Liberté : « Le ciel manitobain vient d’accueillir une de nos étoiles. »

[Traduction]

Vladimir Kara-Murza

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je prends la parole pour exprimer ma solidarité envers Vladimir Kara-Murza, un leader de l’opposition démocratique en Russie qui a récemment été arrêté par le régime de Poutine pour le réduire au silence.

M. Kara-Murza, un journaliste et ancien chef adjoint du Parti de la liberté du peuple, est un collègue de longue date du défunt chef de l’opposition Boris Nemtsov, qui a été assassiné à l’extérieur du Kremlin en 2015. Il a survécu à deux empoisonnements quasi mortels en 2015 et en 2017 dont la responsabilité a été attribuée aux autorités russes.

M. Kara-Murza est également un ami de notre Parlement et un agrégé supérieur au Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne à Montréal. En 2016, il a comparu devant le Comité sénatorial des affaires étrangères pour exhorter le Canada à adopter la loi de Sergueï Magnitski, qui porte le nom d’une autre victime du régime de Poutine et qui est entrée en vigueur en 2017.

Le 11 avril, après être courageusement rentré en Russie à la suite d’un voyage en Europe, M. Kara-Murza a été arrêté devant son domicile après avoir donné une entrevue à CNN où il a critiqué l’invasion de l’Ukraine par la Russie et a qualifié le gouvernement de Vladimir Poutine à juste titre de « régime d’assassins ». Il fait maintenant face à des accusations criminelles orwelliennes qui pourraient lui valoir jusqu’à 15 ans de prison.

Comme l’a exhorté l’épouse de M. Kara-Murza, Evgenia Kara-Murza, dans une récente entrevue accordée au Globe and Mail, le Parlement du Canada et ses alliés doivent être solidaires de M. Kara-Murza. Le 12 avril, notre ministre des Affaires étrangères, l’honorable Mélanie Joly, a demandé sa libération immédiate. Hier, le député Anthony Housefather a pris la parole à la Chambre des communes pour joindre sa voix à cette demande. Hier encore, les présidents des comités des affaires étrangères de 20 pays, dont le Canada, ont répété cette demande.

J’espère, chers collègues, que vous vous joindrez aux efforts visant à soutenir Vladimir Kara-Murza, une étoile d’espoir dans le ciel russe. Il ne fait aucun doute que le Canada est solidaire des héros à l’intérieur et à l’extérieur de la Russie qui osent dénoncer le tyran Poutine et ses crimes de guerre et lutter contre eux.

Merci.


(1420)

AFFAIRES COURANTES

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à reconnaître que
la Fédération de Russie commet des actes de
génocide contre le peuple ukrainien

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, étant donné que :

a)il existe quantité de preuves manifestes que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité massifs et systématiques sont commis à l’endroit du peuple de l’Ukraine par les forces armées de la Fédération de Russie, sur ordre du président Vladimir Poutine et d’autres personnes au Parlement russe;

b)les crimes commis par les forces armées de la Fédération de Russie comprennent :

(i)des atrocités de masse dans les territoires ukrainiens envahis et occupés;

(ii)des cas systématiques de meurtres volontaires de civils ukrainiens et de profanation de cadavres;

(iii)le transfert forcé d’enfants ukrainiens vers le territoire russe;

(iv)des actes de torture et l’imposition de conditions de vie causant de graves souffrances;

(v)des cas généralisés de préjudices physiques, de préjudices psychologiques et de viols;

le Sénat reconnaisse que la Fédération de Russie commet des actes de génocide contre le peuple ukrainien.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)


PÉRIODE DES QUESTIONS


L’environnement et le changement climatique

Les déplacements du premier ministre

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold, le leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, dans un discours annonçant sa taxe sur le carbone prononcé le 16 octobre dernier, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré ce qui suit :

Il est prouvé que c’est un bon moyen d’empêcher les grands pollueurs d’émettre les gaz à effet de serre qui alimentent les changements climatiques et menacent toute la planète.

Même si le premier ministre a passé six ans à faire la leçon aux Canadiens pour qu’ils réduisent leurs émissions, il est clair que la taxe sur le carbone n’a pas modifié son propre comportement. Au début du mois, afin de promouvoir l’augmentation de la taxe sur le carbone et le budget néo-démocrate—libéral, le premier ministre a pris l’avion d’Ottawa à destination de Victoria, en Colombie-Britannique, puis d’Edmonton, puis de Laval, au Québec, avant de faire demi-tour et de retourner en Colombie-Britannique pour aller skier à Pâques.

Monsieur le leader, quelle quantité de gaz à effet de serre ont émis les déplacements du premier ministre au cours de ce seul mois?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Le premier ministre, comme tous les dirigeants du monde, a le devoir de s’acquitter de ses responsabilités envers les citoyens et de ses nombreuses fonctions. Dans un pays aussi vaste que le nôtre, il est tout à fait approprié que le premier ministre utilise l’avion, exactement de la même façon qu’il est approprié que les sénateurs utilisent l’avion pour s’acquitter de leurs fonctions constitutionnelles lorsqu’ils viennent à Ottawa.

Le sénateur Plett : Le slogan du premier ministre Justin Trudeau est « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ».

Monsieur le leader, n’est-il pas vrai que le premier ministre n’a jamais eu à s’inquiéter du coût de la vie depuis sa naissance et qu’il est fort probable qu’il n’aura jamais à s’en soucier? N’est-il pas vrai que le premier ministre ne s’est jamais préoccupé du coût de ses moyens de transport? Il a le luxe de pouvoir payer la taxe sur le carbone, peu importe le montant, et de s’envoler vers la destination de son choix d’un bout à l’autre du pays. En outre, n’est-il pas vrai, monsieur le leader, que la taxe sur le carbone n’a eu aucune incidence sur les déplacements personnels du premier ministre; que ce qu’il dit et ce qu’il fait sont deux choses complètement différentes; et que ce qu’il demande aux Canadiens, il ne le fait pas lui-même?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. La vérité, c’est que le premier ministre dirige un gouvernement qui est résolu à travailler pour le compte des Canadiens, comme il le fait depuis le début de la pandémie et comme il continuera à le faire pour s’occuper des enjeux qui préoccupent les Canadiens. Peu importe les circonstances personnelles d’une personne et la bonne étoile sous laquelle elle est née — je parle autant des personnes dans cette enceinte et que de celles dans l’autre endroit —, c’est sa contribution à la société qui résistera à l’épreuve du temps.

Les ressources naturelles

La transition équitable

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Toujours à propos du premier ministre, celui-ci n’aura peut-être jamais à se préoccuper du coût de la taxe sur le carbone ou du coût de quoi que ce soit, mais la réalité est tout autre pour les centaines de milliers de travailleurs du secteur canadien de l’énergie.

Dans sa plateforme électorale de 2019, le Parti libéral a promis aux travailleurs du secteur de l’énergie d’instaurer une Loi de transition équitable, « qui leur donnera accès à la formation et au soutien dont ils ont besoin pour saisir de nouvelles possibilités et réussir dans l’économie verte ».

Monsieur le leader, dans un rapport publié mardi, le commissaire à l’environnement, Jerry DeMarco, souligne que le gouvernement néo-démocrate—libéral n’a ni plan de mise en œuvre, ni structure de gouvernance formelle, ni système de suivi des résultats pour soutenir une transition équitable.

Le gouvernement a-t-il pour seul plan, depuis le début, de dénigrer le secteur, de détruire des emplois et de qualifier ces gestes d’« équitables »?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La réponse à cette question est non, honorables sénateurs. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice.

Le gouvernement cherche, au moyen de la transition équitable et des autres programmes, à faire de son mieux pour aider l’industrie, les travailleurs et les familles qui dépendent de ces secteurs à traverser la période de transition que nous imposent le monde, les marchés financiers et notre engagement dans la lutte contre les changements climatiques.

La sénatrice Martin : Monsieur le leader, en juin dernier, lorsque je vous ai demandé pourquoi le gouvernement avait omis de présenter comme promis un projet de loi pour une « transition équitable », vous avez attribué la situation au « contexte actuel, notamment celui d’un gouvernement minoritaire ».

En fait, selon le commissaire à l’environnement et au développement durable, le gouvernement Trudeau n’a pas rédigé le projet de loi. Je ne vois pas comment on peut attribuer l’inaction du gouvernement au fait qu’il est minoritaire. Le commissaire a carrément affirmé que le gouvernement néo-démocrate—libéral « n’était pas bien préparé et a été lent à agir ».

Monsieur le leader, les consultations sur la transition équitable, qui ont aussi été critiquées par le commissaire à l’environnement, se terminent le samedi 30 avril. Doit-on s’attendre à d’autres retards après leur conclusion — avant que nous puissions savoir ce qu’une transition équitable signifie exactement pour le gouvernement libéral?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. J’y répondrai directement, mais je tiens à rappeler et à signaler aux sénateurs l’innovation que comportent les rapports de la commission et que le gouvernement accueille favorablement, c’est-à-dire le fait que l’on effectue les audits en cours de route, plutôt qu’à la fin des programmes, afin d’offrir au gouvernement la possibilité de prendre en compte les recommandations formulées et d’ajuster le tir.

Pour répondre de manière explicite, plutôt qu’implicite, à votre question, je dirai que le gouvernement remercie le Commissariat à l’environnement et au développement durable de ses rapports et en accepte les recommandations, tout en tenant compte du contexte, comme je vais l’expliquer, de la portée étroite de l’audit et de la courte période qu’elle couvre.

L’audit couvre la période de janvier 2018 à septembre 2021. Par conséquent, elle ne permet pas d’évaluer pleinement les travaux en cours pour mettre en œuvre des mesures législatives à venir pour une transition équitable ni les programmes pertinents du budget de 2021 mis en œuvre par l’actuel gouvernement. Des activités récentes, telles que la table ronde ministérielle sur les emplois durables, la relance des consultations sur les mesures législatives et le centre de formation sur les emplois propres, témoignent de l’engagement soutenu du gouvernement à promouvoir une transition équitable. Enfin, le gouvernement ne ménage pas ses efforts pour qu’un projet de loi sur la transition équitable soit déposé au Parlement.

(1430)

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Le programme d’immigration Entrée Express

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold et elle concerne l’Ukraine. Comme vous le savez, pour les visiteurs souhaitant entrer au Canada, il existe deux catégories. Dans la première, les citoyens de pays comme le Royaume-Uni, l’Italie, le Portugal, l’Espagne, la Pologne, la Lettonie, le Mexique et la Croatie remplissent un formulaire en ligne et reçoivent une réponse les autorisant à entrer au Canada. Tout fonctionne comme sur des roulettes.

La seconde catégorie, qui englobe les citoyens de pays comme la Russie, mais aussi l’Ukraine, consiste à remplir une demande plutôt compliquée, à la présenter à une ambassade, à faire la queue pour obtenir une autorisation, et à faire la queue pour faire tamponner ses documents. Bien entendu, en temps normal, cela est acceptable.

L’Ukraine ne vit pas des temps normaux. Plus de 165 000 Ukrainiens ont présenté une demande pour entrer au Canada, mais seuls 54 000 ont été autorisés en vertu de la nouvelle autorisation de voyage d’urgence. Voilà donc un nouvel arriéré dans un système qui est déjà engorgé.

Aujourd’hui, au Comité sénatorial des affaires étrangères, nous avons reçu la ministre Joly, qui disait que le Canada était le meilleur ami de l’Ukraine.

Le Canada agira-t-il comme meilleur ami de l’Ukraine et offrira-t-il à ses citoyens l’autorisation de voyage express?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question et d’attirer l’attention sur ce dossier, sénatrice. Je ne suis pas en mesure de répondre précisément à la question, mais je dirais, comme la ministre l’a dit, que le gouvernement est déterminé à offrir un refuge sécuritaire à ceux qui fuient l’Ukraine à cause de l’invasion à grande échelle de la Russie. Honorables collègues, depuis janvier, plus de 17 000 Ukrainiens sont arrivés au Canada. On me dit que le gouvernement a mis en place une nouvelle autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine, qui vise à permettre aux Ukrainiens de venir au Canada plus facilement, plus rapidement et de façon plus sécuritaire. Plus de 72 000 demandes ont été approuvées dans le cadre de cette initiative.

Le gouvernement continue de travailler avec ses partenaires, y compris les provinces et les territoires, le milieu des affaires, la communauté ukrainienne du Canada et les organismes d’aide à l’établissement pour déterminer la meilleure façon d’aider les gens qui arrivent de l’Ukraine, et le gouvernement s’engage à continuer de surveiller de près l’ampleur des déplacements et des besoins et à prendre des mesures en conséquence.

L’innovation, les sciences et le développement économique

L’accès à des réseaux à haute vitesse à large bande

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, je souhaite faire un suivi au sujet des services à large bande pour les Canadiens. J’avais déjà demandé quelles étaient les possibilités en matière de spectre; un sujet qui a d’ailleurs aussi été abordé par le sénateur Patterson dans son projet de loi S-242. Aujourd’hui, j’aimerais me concentrer sur l’accès à des services Internet à large bande dans les communautés autochtones, en particulier dans les réserves des Premières Nations.

Le 23 mars, vous avez indiqué :

[...] que le Fonds pour la large bande universelle finance les initiatives gouvernementales visant à s’assurer que l’ensemble des ménages et des entreprises du pays ont accès à de vitesses de 50/10 mégaoctets par seconde d’ici 2030 [...]

Ces vitesses de téléversement et de téléchargement sont les normes du CRTC aujourd’hui, mais avec les rapides avancées technologiques en matière d’Internet à large bande, ces normes seront vite dépassées.

Le plus inquiétant aujourd’hui, c’est la date butoir de 2030, qui sera difficile à respecter, en particulier dans les foyers des Premières Nations situés dans des réserves.

Dans son rapport de surveillance des communications de 2020, le CRTC a publié une statistique fort étonnante concernant le pourcentage de foyers — dans les réserves des Premières Nations — qui avaient accès à des services Internet respectant la norme du CRTC de 50/10 mégaoctets par seconde.

Le rapport indique que l’accès à des services Internet à large bande — aux normes du CRTC — s’était élargi au Canada et que 87 % des ménages y avaient accès. Or, ce n’est pas le cas des ménages situés dans les réserves, qui eux sont à la traîne, car seuls 35 % ont accès à ces services. En plus, il existe de grandes disparités dans les réserves des Premières Nations d’une province ou d’un territoire à l’autre. En Saskatchewan, seulement 1,7 % des ménages dans les réserves ont accès à des services Internet conformes aux normes du CRTC. Pourtant, au Québec, cette proportion s’élève à 63 %, tandis qu’elle est de 2 % au Manitoba et qu’elle atteint presque 68 % en Colombie-Britannique. Fait digne de mention : à Terre-Neuve-et-Labrador, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, cette proportion est de 0 %.

Je sais que le gouvernement a investi des milliards pour améliorer le réseau à large bande au Canada. Il y a également ces annonces toutes récentes faites par le gouvernement du Canada et le gouvernement de l’Ontario...

Son Honneur le Président : Sénateur Klyne, si vous avez une question, pourriez-vous en venir au fait?

Le sénateur Klyne : Oui, certainement. Merci, Votre Honneur.

Sénateur Gold, quel plan ciblé le gouvernement a-t-il établi pour régler le problème d’accès aux services Internet à large bande dans les réserves des Premières Nations? Le gouvernement compte-t-il mettre en place une stratégie de transformation numérique qui mobiliserait les peuples autochtones et les préparerait à participer activement à la nouvelle économie numérique?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de cette question; elle est importante. Le gouvernement sait que l’amélioration de la connectivité donnera aux communautés autochtones un accès à l’apprentissage, à la formation professionnelle, aux soins de santé et aux services culturels et sociaux en ligne, ainsi qu’à des occasions d’affaires.

Les projets financés par le fédéral permettent de brancher près de 1 million de foyers, notamment dans 190 communautés autochtones. Pour venir en aide à tous les demandeurs, en particulier les demandeurs autochtones et les plus petits demandeurs, dans le cadre du Fonds pour la large bande universelle, le gouvernement a créé un service d’orientation pour faciliter l’établissement de partenariats, l’identification de sources potentielles de financement et la navigation dans le processus de demande. En outre, le Fonds pour la large bande universelle a attribué 50 millions de dollars à des projets liés au réseau cellulaire qui ont surtout profité à des communautés autochtones et le Volet de réponse rapide du fonds a déjà annoncé des projets de large bande visant à brancher 15 000 ménages autochtones d’ici la fin de l’année.

On m’a informé que le plan du gouvernement a été conçu en vue d’atteindre l’objectif dont vous avez parlé, soit de donner à tous les Canadiens accès à Internet haute vitesse d’ici 2030. C’est pour cette raison que le gouvernement collabore avec ses partenaires, notamment les gouvernements de tous les ordres, le secteur privé et, évidemment, les communautés autochtones.

Quant à la deuxième partie de votre question, le gouvernement reconnaît que le Canada n’a jamais permis aux groupes sous-représentés d’acquérir les connaissances et les compétences pour se tailler une place dans le domaine de l’innovation économique. C’est pour cette raison que le gouvernement donne à 190 collectivités autochtones aux prises avec des difficultés de connectivité particulières l’accès à un réseau Internet haute vitesse nouveau ou amélioré. Un des piliers de la Stratégie en matière de propriété intellectuelle du gouvernement fédéral est la promotion et la protection de savoir et de la culture autochtones. Le gouvernement s’engage à continuer à apporter du soutien efficace, plus simple et mieux ciblé aux entrepreneurs et aux entreprises autochtones.

Les transports

Les services de traversier intraprovinciaux

L’honorable Jim Quinn : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, depuis 1977, Transports Canada octroie à la Colombie-Britannique une subvention indexée pour l’aider à financer le coût de fonctionnement des services de traversier intraprovinciaux. Cette mesure fait partie de l’obligation fédérale de fournir des liaisons entre le système canadien de transport de surface et diverses régions éloignées de la Colombie-Britannique, y compris les îles. Selon les données de 2022, cette subvention est évaluée à 32 millions de dollars par année.

Ma province, le Nouveau-Brunswick, compte plusieurs îles situées dans des régions éloignées, dans la baie de Fundy, qui ne sont accessibles que par traversier. Outre l’île Campobello et l’île Deer, il y a l’île White Head, qui n’est accessible que par traversier à partir de l’île Grand Manan, qui, elle, est reliée au continent par un autre traversier.

Sénateur Gold, par souci d’équité interprovinciale, Transports Canada pourrait-il étudier une demande présentée par le gouvernement du Nouveau-Brunswick pour l’obtention d’une subvention similaire visant à soutenir le coût de fonctionnement des services de traversier intraprovinciaux en régions éloignées?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Je ne suis pas au fait d’une demande qui aurait été soumise ni d’une réponse du gouvernement. Je me permets de dire que le gouvernement continuera de soutenir les services de traversiers dans les provinces et les territoires, y compris dans l’Est du Canada, et on me dit que le gouvernement a fait des investissements considérables dans les services de traversiers de l’Est du pays, notamment en achetant nombre de nouveaux traversiers et en prenant des mesures pour que les tarifs demeurent abordables dans le contexte difficile de la pandémie de COVID-19.

Comme vous l’avez souligné dans votre question, les services de traversiers intraprovinciaux, en particulier dans les petites collectivités et les collectivités éloignées, présentent des difficultés considérables pour les provinces et les collectivités.

Le gouvernement croit comprendre que des discussions sont en cours entre le gouvernement provincial et la collectivité concernée, et le gouvernement encourage les parties à travailler ensemble en vue de trouver une solution à long terme pour les populations locales.

(1440)

Les affaires étrangères

La détention de Canadiens en République dominicaine

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, le 5 avril 2022, il y a un peu plus de deux semaines, lors d’un vol nolisé commercial, des membres d’équipage de Pivot Airlines, une compagnie canadienne, ont découvert ce qu’ils ont considéré comme de la marchandise de contrebande dans un compartiment de maintenance de l’appareil, dans le cadre de leurs fonctions normales à l’aéroport international de Punta Cana en République dominicaine. Comme l’exigent les politiques de Transports Canada et les lois internationales, l’équipage a immédiatement signalé la découverte aux autorités locales et canadiennes.

Même s’ils avaient signalé le cas de contrebande suspecté aux autorités, les cinq membres d’équipage concernés ont immédiatement été détenus. Pivot Airlines et les trois syndicats représentant l’équipage ont réussi à les faire libérer sous caution. Cependant, ces Canadiens doivent demeurer en République dominicaine jusqu’à ce que l’affaire soit résolue. Il s’agit ni plus ni moins d’une assignation à résidence compte tenu de la nature de ce qu’ils ont trouvé et, bien franchement, de la nature des contrebandiers.

La compagnie aérienne, les syndicats et les familles sont extrêmement inquiets pour la sécurité des membres d’équipage qui, bloqués en République dominicaine, font constamment l’objet de menaces et d’éventuelles poursuites judiciaires.

Qui plus est, cette situation suscite de sérieuses inquiétudes pour l’ensemble des voyageurs canadiens, en particulier pour ceux qui se rendent dans cette région dans le cadre de leur travail.

Monsieur le leader, pourriez-vous dire au Sénat et, surtout, aux familles comment la ministre des Affaires étrangères est intervenue et comment elle interviendra au sujet de cette affaire urgente? Va‑t‑elle, par exemple, demander au gouvernement dominicain de relâcher immédiatement les membres de l’équipage et de leur permettre de retourner en toute sécurité au Canada pour la durée de l’enquête?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur, merci de votre question et merci de parler de cette situation très troublante pour les familles et les personnes qui sont encore prises en République dominicaine.

Évidemment, le gouvernement canadien est au courant de cette situation qu’il trouve préoccupante. En fait, il prend des mesures en ce moment même. On m’a dit que l’équipage recevait de l’aide des agents consulaires, qui sont d’ailleurs en contact avec les familles des citoyens canadiens. Le secrétaire parlementaire de la ministre des Affaires étrangères se penche personnellement sur ce dossier.

Chers collègues, vu l’importance de cette affaire et les exigences relatives à la protection des renseignements personnels, je ne suis pas en mesure de fournir de plus amples informations sur les initiatives mises en œuvre. Je peux dire toutefois qu’elles sont en cours.

Le sénateur Wells : Je ne poserai qu’une seule question complémentaire, sénateur Gold. Je suis conscient de la nature délicate de ce dossier, mais je pense qu’une bonne solution — je ne sais pas si cette demande a déjà été formulée, mais vous pourriez la soumettre au secrétaire parlementaire chargé du dossier — serait de tout simplement demander que les membres de l’équipage soient autorisés à retourner au Canada pour la durée de l’enquête. Je suis certain qu’ils seraient heureux de témoigner une fois l’enquête terminée.

Le sénateur Gold : Merci, cher collègue. Je transmettrai sans faute cette information et me renseignerai pour m’assurer d’en savoir autant que possible sur ce dossier.

Les finances

Le taux d’inflation au Canada

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Il a reconnu que lui et ses lieutenants à la Banque du Canada avaient tout faux en ce qui a trait à l’inflation. Il a également reconnu qu’ils ont mal évalué la vigueur de l’inflation :

En janvier, nous disions que l’inflation atteindrait un sommet d’environ 5 %, et qu’on observerait en ce moment des signes de baisse. Elle est maintenant à 6,7 %, et il faudra plus de temps pour la faire baisser.

Monsieur le leader du gouvernement, allez-vous reconnaître que le premier ministre Trudeau et son gouvernement devraient commencer à suivre l’exemple du gouverneur de la Banque du Canada et admettre qu’ils se sont également trompés en matière d’inflation? En outre, conviendrez-vous également qu’il est grand temps que M. Trudeau commence à réfléchir à la politique monétaire?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Je ne suis pas d’accord avec vous lorsque vous dites que le gouvernement « avait tout faux ». Je crois que nous pouvons tous convenir que, tout comme le gouverneur, nous faisons des prédictions et des évaluations en fonction des meilleures données disponibles sur le moment. Toutefois, les circonstances changent et il faut revoir les évaluations, comme c’est le cas en l’occurrence.

Le gouvernement du Canada est préoccupé par la hausse du coût de la vie pour les Canadiens. Il est préoccupé par l’inflation et les répercussions qu’elle peut avoir sur le bien-être des gens et leurs attentes à l’égard de l’avenir, et il envisage d’utiliser tous les outils à sa disposition pour tenter de s’attaquer à cette grave question.

Le sénateur Housakos : Pour corriger une erreur, il faut d’abord reconnaître qu’on en a commis une. D’après votre réponse, je constate une certaine volonté de reconnaître que le gouvernement s’est trompé dans ses calculs.

Monsieur le leader du gouvernement, cette année, la famille canadienne moyenne de quatre personnes dépensera 966 $ de plus que l’an dernier en épicerie. En mars dernier, le panier d’épicerie coûtait 8,7 % de plus que l’année précédente. Le prix des œufs est en hausse de 8,5 %, plus que le mois dernier. Le prix du lait est en hausse de 7,7 %, et celui des pâtes d’un incroyable 17,8 %. Il ne s’agit pas de produits de luxe, mais bien d’aliments de base. Ces hausses surviennent alors que les familles paient déjà plus pour le logement et le carburant et pour transporter leurs enfants à l’école et en revenir. Le gouverneur de la Banque du Canada dit maintenant que l’inflation pourrait augmenter davantage. Le mot « transitoire », qui était le préféré de la ministre des Finances, n’est certainement plus d’actualité.

Sénateur Gold, comment diable pouvez-vous défendre les politiques d’impôts et de dépenses élevés de votre gouvernement qui continuent d’alimenter l’inflation, alors que les familles sont déjà à bout de ressources?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. En tant que représentant du gouvernement au Sénat, je crois savoir — et je tiens à l’affirmer catégoriquement — que l’objectif principal du gouvernement est de rendre le coût de la vie plus abordable pour les Canadiens, comme il est énoncé dans le budget de 2022 qui a été présenté récemment au Sénat.

Le gouvernement est d’avis qu’à long terme, les mesures du budget, ainsi que les autres mesures qu’il a déjà prises, contribueront à surmonter des difficultés structurelles de longue date et, à court terme, qu’elles contribueront à sensiblement améliorer les conditions de vie de plus de Canadiens. À court terme, les Canadiens peuvent avoir l’assurance qu’ils recevront le soutien du gouvernement lorsqu’ils en auront le plus besoin. Par exemple, dans le budget de 2022, on trouve toute une gamme de mesures pour contribuer à la réduction du coût de la vie, notamment 475 millions de dollars qui seront versés en 2022-2023 pour fournir un paiement unique de 500 $ aux personnes à qui l’inabordabilité du logement pose problème. Il y a d’autres mesures qui représentent toute une variété de tentatives pour régler ce problème sérieux et réel auquel les Canadiens sont confrontés.

Les affaires étrangères

Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires
des Nations unies

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold. J’aimerais revenir sur une question antérieure en y ajoutant des éléments. La question posée précédemment visait à savoir si le Canada entend former une délégation d’observateurs, à l’instar de la Norvège et de l’Allemagne, pour observer, au nom du Canada, la première réunion des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires des Nations unies, qui, comme vous le savez, est entré en vigueur en janvier dernier.

Nous avons entendu avec horreur les déclarations sans équivoque de Vladimir Poutine de la Fédération de Russie, qui a prévenu que des ripostes immédiates suivraient à la vitesse de l’éclair si les pays tels que le Canada continuent de soutenir le peuple ukrainien dans sa résistance à l’agression de la Russie. Ses menaces incluent le recours à des armes nucléaires.

Nous entendons de plus en plus des voix de tous les côtés, y compris l’OTAN, parler de la menace d’une guerre nucléaire comme d’une éventualité bien réelle.

Alors, sénateur Gold, puis-je encore une fois vous demander si vous auriez, par hasard, obtenu une réponse à ma question antérieure? Dans la négative, pourriez-vous, s’il vous plaît, faire sans faute un suivi dans ce dossier?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie d’avoir à nouveau porté cette question à mon attention. Malheureusement, je n’ai toujours pas obtenu de réponse, mais vous avez ma parole que je vais faire le suivi nécessaire et vous en faire part le plus rapidement possible.

La santé

Le Laboratoire national de microbiologie

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, en juin dernier, le gouvernement Trudeau cherchait désespérément à éviter que soient dévoilés des documents non censurés concernant le congédiement de deux chercheurs du Laboratoire national de microbiologie, à Winnipeg. Il a même intenté une poursuite contre le Président de la Chambre des communes devant la Cour fédérale, un geste sans précédent. Cette année, maintenant que le gouvernement Trudeau a acheté l’appui du NPD jusqu’en 2025, il croit pouvoir établir un comité spécial auquel ne siégeraient que les libéraux et leurs partenaires de la coalition, les néo-démocrates, présenter quelques documents à ce comité et décrire le tout comme un exemple de transparence. C’est une farce, monsieur le leader.

(1450)

Monsieur le leader, votre gouvernement a désobéi à quatre ordres de la Chambre et de ses comités qui lui demandaient de produire les documents en question. Pourquoi ne présente-t-il pas les documents demandés, de manière à faire preuve d’une réelle transparence et de montrer son respect envers le Parlement?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. En tout respect, je n’accepte pas l’hypothèse qui la sous-tend.

Depuis plusieurs mois, le gouvernement du Canada offre à tous les partis de l’opposition une démarche raisonnable et appropriée : il propose que les documents en question soient vérifiés par un panel de juges — lesquels auraient une habilitation de sécurité et seraient bien informés —, pour garantir qu’il n’y ait ni partisanerie, ni jeux politiques dans la façon de déterminer quels documents pourront être communiqués sans compromettre la sécurité nationale.

À ma connaissance, seul le NPD s’est dit prêt à participer à ces travaux, du moins jusqu’à maintenant. L’opposition officielle se montre réticente. Le gouvernement espère que tous les partis prendront part à ce processus ouvert, équitable et transparent pour lequel il existe des précédents au Parlement du Canada. Bref, le gouvernement espère que l’opposition officielle et le Bloc jugeront bon de participer à ce processus, qui trouve un juste équilibre entre le besoin de transparence et la protection de la sécurité nationale.

Le sénateur Plett : Sénateur Gold, en juin dernier, j’ai posé plusieurs questions au sujet du secret que le gouvernement maintient autour de la brèche de sécurité au laboratoire de Winnipeg. Par exemple, j’ai demandé comment un scientifique de l’armée chinoise s’était vu accorder une autorisation de haut niveau pour travailler au laboratoire. Je n’ai jamais reçu de réponses à mes questions. Il m’apparaît évident maintenant que je n’allais jamais obtenir de réponses.

Un gouvernement qui n’hésite pas à poursuivre le Président de la Chambre des communes ne prendra pas la peine de répondre aux questions du Sénat.

Le gouvernement défie les ordres de la Chambre, bafoue le privilège parlementaire et ignore des questions légitimes, monsieur le leader. Pourquoi les Canadiens devraient-ils croire qu’un comité néo-démocrate—libéral qui fait rapport à un gouvernement néo‑démocrate—libéral nous éclairera sur le sujet?

Le sénateur Gold : Encore une fois, je vous remercie de votre question. Je crois toutefois que la prémisse de la question est lacunaire, voire inexacte.

C’est aux partis, y compris le parti dont vous êtes membre, qu’il incombe de décider s’ils veulent participer et offrir aux Canadiens un processus juste, transparent et approprié, ou continuer à fanfaronner à ce sujet.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : l’étude des motions nos 35 et 34, suivies de la deuxième lecture du projet de loi S-7, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Le Sénat

Motion tendant à autoriser les séances hybrides jusqu’au 30 juin 2022—Débat

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 27 avril 2022, propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, les dispositions de l’ordre du 25 novembre 2021 concernant les séances hybrides du Sénat et des comités, et d’autres questions, prolongées le 31 mars 2022, s’appliquent jusqu’à la fin de la journée le 30 juin 2022, sous réserve des modifications suivantes :

1.les alinéas 7 a) à e) de l’ordre du 25 novembre 2021 soient remplacés par ce qui suit :

« a)lorsque le Sénat siège un lundi, la séance :

(i)commence à 14 heures;

(ii)soit levée à la fin des affaires du gouvernement ou à minuit, selon la première éventualité;

b)lorsque le Sénat siège un mardi, la séance :

(i)commence à 14 heures;

(ii)soit levée à la fin des affaires du gouvernement ou à 18 heures, selon la dernière éventualité;

c)lorsque le Sénat siège un mercredi, la séance :

(i)commence à 14 heures;

(ii)soit levée à la fin des affaires du gouvernement ou à 16 heures, selon la première éventualité;

d)lorsque le Sénat siège un jeudi, la séance :

(i)commence à 14 heures;

(ii)s’ajourne à la fin des travaux du jour ou à minuit, selon la première éventualité;

e)lorsque le Sénat siège un vendredi, la séance :

(i)commence à 9 heures;

(ii)soit levée à la fin des affaires du gouvernement ou à 16 heures, selon la première éventualité; »

2.les dispositions des paragraphes 12 et 13 de l’ordre du 25 novembre 2021 cessent de s’appliquer, de sorte que la suspension du soir soit celle prévue à l’article 3-3(1) du Règlement, y compris les lundis, et que, par conséquent, si le Règlement exige qu’une chose ait lieu à 20 heures, elle ait lieu à l’heure prévue par le Règlement;

Que le Sénat reconnaisse la nécessité de travailler en vue d’un retour à un horaire de réunions de comités reflétant les activités basées à Ottawa, et demande au Comité de sélection de continuer à travailler avec les leaders et les facilitateurs de tous les partis reconnus et les groupes parlementaires reconnus pour faire avancer cet objectif.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion no 35, qui autorisera les séances hybrides du Sénat et des comités sénatoriaux jusqu’à la fin de la journée du 30 juin 2022.

Je ne vais pas répéter tous les motifs et toutes les raisons liées à la santé publique qui justifient que l’on continue à tenir des séances hybrides. À mon humble avis, ils sont évidents. Cependant, pour tous ceux qui ne seraient pas au courant de la gravité persistante de la propagation de la COVID-19 et de ses ramifications, permettez-moi de prendre quelques instants pour citer officiellement quelques chiffres pertinents.

[Français]

Comme l’a souligné la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada, le 12 avril dernier, le Canada est maintenant en pleine sixième vague de la pandémie de COVID-19. Des données et des rapports provinciaux et territoriaux ont permis de constater une hausse marquée de cas confirmés de COVID-19, ainsi qu’une tendance à la hausse de maladies graves, en raison de la sous-lignée BA.2 d’Omicron, qui est plus contagieuse.

[Traduction]

Ces dernières semaines, depuis le 15 mars, il y a eu 49 cas confirmés de COVID-19 dans la Cité parlementaire seulement : 5 au Service de protection parlementaire, 12 à Services publics et Approvisionnement Canada, 26 au Sénat du Canada — dont, malheureusement, du personnel de mon bureau —, 3 à la Chambre des communes et 3 à la Bibliothèque du Parlement.

Dans la ville d’Ottawa, en date du 27 avril, le nombre moyen de cas confirmés de COVID-19 chaque jour était d’environ 178. À cette date, il y avait 1 719 cas actifs confirmés. Il y avait aussi 74 éclosions dans des établissements, 49 patients atteints de la COVID-19 hospitalisés aux soins actifs ou aux soins intensifs, et 69 patients hospitalisés atteints de la COVID-19, mais pas aux soins intensifs.

Chers collègues, nous devons aussi réaliser que la statistique de 1 719 cas actifs confirmés est assurément une grande sous-estimation puisqu’il n’y a plus de dépistage généralisé ni de suivi des cas. Les personnes qui utilisent des tests antigéniques rapides et qui restent à la maison ne sont pas incluses dans les statistiques publiées par la Santé publique d’Ottawa. Le groupe consultatif scientifique ontarien de lutte contre la COVID-19 estime qu’à l’échelle de la province, il y a au moins 100 000 cas actifs quotidiennement ou environ 2 852 infections à la COVID-19 chaque jour, d’après plusieurs tendances dans les données, y compris la quantité de virus détectée dans les eaux usées. Encore une fois, ce nombre est très probablement sous-estimé.

Honorables collègues, soyons clairs, la motion dont nous sommes saisis vise à prolonger la tenue des séances hybrides jusqu’à la fin de juin pour que nous puissions continuer de composer avec les risques auxquels nous devons faire face à cause de la COVID-19. Cette motion n’ouvre pas de discussion sur la possibilité de maintenir le modèle hybride indéfiniment. Certains aimeraient avoir cette discussion, mais l’étude de la motion no 35 n’est pas l’occasion de le faire.

L’objet de la motion dont nous sommes saisis se passe d’explications. Je pense que nous pouvons tous convenir que les restrictions qui ont été imposées aux travaux du Sénat à cause de la COVID-19 ont posé des difficultés. Cependant, selon les données mentionnées plus tôt, nous pouvons aussi convenir que nous ne sommes pas en mesure de retourner à une situation normale. Ce que cette motion permet de faire est cependant indiqué au dernier paragraphe.

[Français]

Que le Sénat reconnaisse la nécessité de travailler en vue d’un retour à un horaire de réunions de comités reflétant les activités basées à Ottawa, et demande au Comité de sélection de continuer à travailler avec les leaders et les facilitateurs de tous les partis reconnus et les groupes parlementaires reconnus pour faire avancer cet objectif.

[Traduction]

Honorables sénateurs, cette motion vise à maintenir le modèle de séance hybride dont nous avons encore besoin tout en amorçant une transition vers un horaire de séance plus normal. Elle permettra en même temps d’ouvrir plus de créneaux horaires pour les comités en ajustant nos heures de séance. Ces mesures sont modestes, mais prudentes. Elles nous donneront beaucoup plus de souplesse en cette période de l’année où les études en comité sont d’une importance cruciale.

(1500)

Honorables sénateurs, comme la plupart d’entre vous, je souhaiterais pouvoir revenir en arrière ou me projeter dans le futur de sorte que nous puissions nous réunir au quotidien, que les comités puissent siéger normalement et que nous puissions socialiser en plus grand nombre et dans des contextes plus variés. Je souhaiterais que nous puissions nous saluer convenablement plutôt qu’à partir de l’autre bout de la pièce. Certains d’entre nous vivent peut-être avec quelqu’un qui ne doit pas être exposé aux risques.

Par-dessus tout, aucun sénateur ne devrait être empêché de s’acquitter de ses devoirs constitutionnels en raison de problèmes de santé, qu’il s’agisse de la sienne ou de celle d’un être cher avec qui il vit ou dont il est proche, qui le forcent à ne pas participer en personne aux travaux.

Dès le départ, le modèle hybride du Sénat a permis à tous les sénateurs de participer à tous les travaux du Sénat et aux travaux importants des comités, ce qui, à mon avis, constitue véritablement l’aspect le plus important de nos responsabilités visant à procéder à un second examen objectif sur les questions législatives et de politique publique dont nous sommes saisis. Dans l’ensemble, je crois que le modèle hybride que le Parlement a instauré il y a presque deux ans nous a très bien servi. Sa prolongation jusqu’à la pause estivale, tout au moins, en tenant compte des modifications définies dans la motion du gouvernement no 35, qui est basée sur les commentaires de tous les leaders de cette enceinte, assurera l’inclusivité et fera en sorte que tous les sénateurs puissent soupeser, examiner et étudier les mesures législatives provenant de l’autre endroit ou qui émanent du Sénat.

En conclusion, je demande à tous les sénateurs d’approuver cette motion pour prolonger les séances hybrides au Sénat et aux comités jusqu’à la fin de juin. Merci.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion visant à maintenir la tenue de séances hybrides au Sénat. Je suis certain que vous ne serez pas surpris d’entendre que je m’oppose catégoriquement à cette motion. À mon avis, nous avons complètement cessé de mettre les choses en perspective en ce qui concerne la pandémie et nous manquons maintenant à nos obligations en tant que sénateurs. Je suis conscient que la pandémie entraîne toujours son lot de défis et d’incertitudes, mais traiter le Sénat comme s’il était un établissement de soins de longue durée est une insulte pour les contribuables et un affront à la portée constitutionnelle du rôle d’un sénateur.

Si nous cherchions une façon de ternir l’image du Sénat dans la population, nous n’aurions probablement pas pu trouver une meilleure stratégie que de persister à dire que nous ne sommes pas en mesure de faire notre travail convenablement. Honorables sénateurs, c’est exactement ce que nous faisons. Nous esquivons nos responsabilités et nous nous cachons derrière des prétextes peu convaincants relevant de la peur de l’inconnu au lieu de faire ce qui s’impose. Je rappelle au Sénat un extrait de la motion que nous avons adoptée le 31 mars dernier :

Que le Sénat s’engage à considérer une transition vers un retour aux séances en personne dès que possible à la lumière de tous les facteurs pertinents, y compris les lignes directrices en matière de santé publique, ainsi que la sécurité et le bien-être de tout le personnel parlementaire [...]

Honorables sénateurs, le point primordial qui devrait se situer en haut de la liste des facteurs pertinents à prendre en compte est le suivant : avec les séances hybrides, nous ne sommes pas en mesure d’effectuer notre travail en temps opportun et de façon productive.

Tout le monde au Sénat et sur Zoom comprend que le format hybride réduit de moitié le nombre de réunions de comités, ce qui diminue ainsi notre productivité dans son ensemble. Les changements proposés dans cette motion concernant l’horaire des séances nous permettront d’augmenter le nombre de réunions de comités, sans pour autant nous permettre d’atteindre la productivité requise. J’étais très favorable à cette partie de la motion, et j’ai beaucoup participé aux discussions à ce sujet. Toute décision consistant à maintenir les séances hybrides devrait être motivée par des facteurs qui sont évidents et convaincants pour tous. Ces facteurs ne nous ont pas été fournis. Au lieu de cela, nous assistons à un défilé d’angoisses à propos de ce qui pourrait se passer, qui sont loin d’être solidement ancrées dans la réalité.

Je tiens à préciser, honorables sénateurs, que je ne veux aucunement minimiser les répercussions de la pandémie et les risques qu’elle présente. Ces risques sont réels, mais c’est notre nouvelle réalité, et cela ne changera pas. Le virus évoluera, mais il ne disparaîtra pas. Il fera partie de nos vies dans les prochaines années.

C’est la raison pour laquelle nous voyons un consensus se former à l’échelle nationale : nous devons apprendre à vivre avec le virus. Nous ne pouvons pas attendre que toutes les incertitudes soient dissipées, car il est probable que ce jour n’arrivera jamais. Nous devons continuer à protéger les plus vulnérables. Nous devons nous attendre à des augmentations soudaines du nombre de cas, nous devons améliorer les capacités de notre système de santé, nous devons tenir nos vaccins à jour et faire preuve de sagesse dans nos décisions, mais surtout, nous devons reprendre le cours de nos vies — ce qui comprend nos fonctions des sénateurs.

Je l’ai déjà dit et je le répète, un sénateur ne peut s’acquitter adéquatement de ses fonctions si nous ne nous réunissons pas à Ottawa. Les vidéoconférences ne peuvent remplacer les rencontres, les débats et les autres interactions de personne à personne qui se tiennent au Sénat et dans les corridors du Sénat. Je sais que certains sénateurs aiment l’idée de travailler de la maison, soutenant que cela leur permet de faire plus de travail dans la région qu’ils représentent. C’est un argument valable. Toutefois, je rappelle que depuis 155 ans les sénateurs réussissent à faire leur travail en étant présents à Ottawa les jours de séance et en retournant dans leur province ou territoire d’appartenance la fin de semaine et les semaines où le Sénat fait relâche.

Pourquoi cela serait-il maintenant devenu si difficile? Les sénateurs sont-ils en train d’oublier que le but premier de leur nomination est d’être présent à Ottawa pour faire leur travail? C’est la raison pour laquelle on nous a nommés. C’est écrit dans le bref qui nous appelle au Sénat :

ET Nous vous ordonnons de passer outre à toute difficulté ou excuse et de vous trouver en personne, aux fins susmentionnées, au Sénat du Canada en tout temps et en tout lieu où Notre Parlement pourra être convoqué et réuni, au Canada, sans y manquer de quelque façon que ce soit.

Honorables sénateurs, il ne s’agit pas d’une simple suggestion. C’est un ordre, comme l’indique le libellé. Ce dernier indique noir sur blanc l’obligation pour les sénateurs d’être présents au Sénat pour faire leur travail. Même si les séances hybrides nous ont été utiles comme mesure temporaire pendant l’incertitude du début de la pandémie, cette période est maintenant loin derrière nous. Il est temps que nous regagnions notre milieu de travail.

Je trouve préoccupant, chers collègues, que nous soyons ici sur place — ou à la maison, payés par les fonds publics — à nous demander si nous devrions retourner sur notre lieu de travail alors que le reste du pays l’a déjà fait. Nous ne débattons pas d’un projet de loi. Nous n’étudions pas un projet de loi gouvernemental. Nous nous demandons si, plus de deux ans après le début de la pandémie, nous devrions recommencer à nous présenter au travail.

Chers collègues, les infirmières sont allées travailler pendant toute la pandémie, tout comme les médecins, les préposés aux bénéficiaires, les camionneurs, les commis d’épicerie et les pompistes et tout comme les fonctionnaires qui déneigent les rues, livrent le courrier ou font la collecte des ordures. C’est ce que nous appelons les services essentiels. Or, pour une raison que j’ignore, la majorité des sénateurs semblent considérer que leur travail n’est pas un service essentiel. Nous demandons plutôt que d’autres portent la responsabilité que nous ne sommes pas prêts à assumer, même si nous sommes titulaires d’une des plus hautes charges publiques au pays.

(1510)

Chers collègues, il fut un temps où faire preuve de leadership signifiait mener par l’exemple. C’est une notion qui inspire encore certaines personnes aujourd’hui. Ceux qui font preuve de ces qualités gagnent le respect de ceux qu’ils servent.

Le leadership dont fait preuve le président ukrainien Zelenski en est un exemple parfait. Lorsque la guerre a éclaté en Ukraine, le président Zelenski a refusé un ordre d’évacuation des États-Unis et a déclaré qu’il resterait à Kiev. Selon l’ambassade d’Ukraine en Grande-Bretagne, le président Zelenski aurait dit ceci : « Le combat est ici. J’ai besoin de munitions, pas d’un transport. » Cette citation, chers collègues, est devenue virale. Le président a ensuite commencé à diffuser des vidéos de lui tenant tête aux Russes dans les rues de Kiev. Dans une de ces vidéos, il a déclaré :

Je suis ici. Nous ne déposerons pas les armes. Nous allons défendre notre pays, car nos armes sont notre vérité. Notre vérité, c’est qu’il s’agit de nos terres, de notre pays, de nos enfants, et que nous allons protéger tout cela.

Chers collègues, voici un homme qui avait d’excellentes raisons d’accorder la priorité à sa propre sécurité au lieu de rester aux côtés de ceux qui défendaient son pays, mais il a refusé. Il savait qu’un chef doit mener par l’exemple afin d’inspirer confiance à son peuple et démontrer que nos gestes ne sont pas déterminés par ce qui est dans notre intérêt, mais par ce qui est dans l’intérêt de ceux qu’on sert.

Par son courage et son altruisme, le président Zelenski est devenu un symbole de leadership sur la scène mondiale. Sa bravoure a été applaudie à maintes et maintes reprises. Lorsqu’il s’est adressé par vidéoconférence aux gouvernements de divers pays, sa force, son cran et sa détermination inébranlable à prêcher par l’exemple au prix de grands sacrifices personnels ont inspiré des millions — si ce n’est des milliards — de personnes partout dans le monde.

Chers collègues, nous ne sommes pas en guerre avec un pays voisin comme c’est le cas de l’Ukraine. Nous ne sommes pas la cible de missiles qui visent des secteurs résidentiels tuant des femmes, des enfants et des aînés. Nous ne sommes pas confrontés à des crimes de guerre brutaux comme ceux que la Russie inflige aux Ukrainiens. La situation actuelle ne fait que renforcer la pertinence de cette analogie, plutôt que de la diminuer. Comme un maître l’a dit un jour dans sa grande sagesse : « Celui qui est fidèle dans les petites choses l’est aussi dans les grandes. »

Le simple fait que nous ne sommes pas bombardés ne veut pas dire que nous ne devrions pas montrer l’exemple. Chers collègues, je vous encourage à regarder au-delà de votre propre situation, de votre propre sécurité et de vos propres craintes et à considérer que nous vivons à une époque où la confiance du public dans ses institutions montre clairement des signes d’érosion. Notre conduite à titre de sénateurs n’est pas seulement dictée par les données scientifiques, mais aussi par les besoins du pays. Elle est guidée par les exigences de notre rôle. Les données scientifiques sont assez claires et nous y reviendrons sous peu, mais l’enjeu est plus important que le simple fait de déterminer le protocole de santé optimal. Nous vivons à une époque où de nombreux Canadiens remettent en question leur confiance dans les personnes en position d’autorité. Il est temps pour nous d’arrêter de faire seulement le minimum nécessaire et d’en faire plus.

On ne nous demande pas de mettre un gilet pare-balles et de nous aventurer dans une zone de conflit. On nous demande de nous acquitter des responsabilités qui nous ont été confiées par les Canadiens et de le faire en tenant compte de ce qui est le mieux pour le pays et non de ce qui est le mieux pour nous. On nous demande simplement d’être fidèles au serment que nous avons prêté à notre arrivée au Sénat et de ne pas s’en affranchir sans raison impérieuse.

Chers collègues, je suis d’avis que les conditions pour ce faire ne sont pas remplies. Il n’est pas nécessaire de poursuivre les séances hybrides, et nous devons revenir aux séances en personne, car cela correspond à la coutume de cette enceinte, à l’intention initiale des fondateurs de notre pays et aux attentes des personnes que nous servons.

Au début de la pandémie, nous faisions face à beaucoup d’incertitude. Nous ne savions pas à quoi nous attendre, car il s’agissait d’un nouveau coronavirus. Nous n’avions jamais vu ce virus chez l’humain et nous ne savions pas vraiment comment il se transmettait, quelle était sa létalité, quelles seraient ses répercussions à long terme sur la santé et si la maladie se rapprocherait davantage du rhume ou de la fièvre d’Ebola.

Chers collègues, c’était il y a 25 mois. Depuis, des milliers d’études ont été réalisées sur ce virus et des centaines d’études sur ces études. Il y a eu des articles, des bulletins de recherche, des revues de la littérature, des essais cliniques et des commentaires du milieu universitaire. Il y a eu des rapports hebdomadaires sur la morbidité et la mortalité, des résumés épidémiologiques quotidiens et des rapports périodiques sur la surveillance des vaccins. Il y a eu des tableaux, des graphiques, des projections, des réflexions et des recommandations au point de nous étourdir et de nous faire bourdonner les oreilles.

Chers collègues, nous n’avons pas fini d’en apprendre au sujet du virus, loin de là, mais nous sommes déjà à des années-lumière d’où nous en étions en mars 2020. Le Canada a maintenant approuvé six vaccins différents, soit ceux de Pfizer, Moderna, AstraZeneca, Johnson & Johnson, Novavax et Medicago. De plus, pour ceux qui se rendent à l’étranger ou qui en arrivent, le gouvernement a aussi approuvé les vaccins Sinopharm, Sinovac et Covaxin. Nous avons des vaccins à ARN messager, des vaccins à base de vecteurs viraux, des vaccins à sous-unités protéiques et des vaccins à base de plantes. La semaine dernière, la société Moderna a annoncé que les résultats préliminaires d’une nouvelle version de son vaccin contre la COVID indiquent une meilleure durée et un meilleur facteur de protection contre le variant Omicron. Ces résultats ont suscité des réactions mitigées, mais ils indiquent que la science et notre compréhension de ce virus continuent d’évoluer.

Chers collègues, nous gagnons cette bataille lentement, mais sûrement. Je sais que bon nombre d’entre nous espèrent un vaccin qui procurera une immunité contre la COVID, comme cela a été le cas avec le vaccin contre la rougeole qui, une fois inoculé, protège totalement une personne contre cette maladie. Nous nous attendions à parvenir au même résultat dans la lutte contre la COVID. Même si cela demeure une possibilité, ce n’est certainement pas le cas en ce moment.

Néanmoins, les vaccins ont été un outil important dans la lutte pour maintenir les taux d’infection à un bas niveau, protéger les populations vulnérables, réduire les effets délétères et atténuer l’incidence globale sur le système de santé. En date du 25 avril, les données de Santé Canada ont montré que les gens pleinement vaccinés qui ont reçu le vaccin de rappel sont sept fois moins susceptibles d’être hospitalisés à cause de la COVID et onze fois moins susceptibles de mourir de l’infection. Puisqu’il s’agit d’un taux normalisé selon l’âge sur une période de quatre semaines, ces données évoluent d’une semaine à l’autre, mais elles montrent clairement que la vaccination présente d’importants avantages pour la santé.

Chers collègues, ces données témoignent du chemin parcouru grâce à la science. La science nous a donné des outils incroyables pour combattre la pandémie, mais ces données montrent aussi que la pandémie contre laquelle nous luttons aujourd’hui est loin d’être celle à laquelle nous étions confrontés en 2020 et en 2021. Une partie de cette différence est attribuable au taux élevé de vaccination, et une autre, aux changements résultants du variant Omicron, qui est plus contagieux, mais moins néfaste.

(1520)

Si l’on sépare la pandémie en deux périodes, celle avant le variant Omicron et celle avec Omicron, il y a deux scénarios bien distincts. Du début de la pandémie jusqu’à la fin de novembre 2021, soit quand le variant Omicron a été détecté au Canada pour la première fois, on comptait seulement 1,8 million de cas de COVID-19 et près de 30 000 décès. Cela représente un taux de mortalité de 1,64 %.

Puis, du 1er décembre 2021 au 24 avril de cette année, 1,9 million de cas de COVID-19 se sont ajoutés, avec un peu plus de 9 000 décès. Ainsi, le taux de décès depuis l’apparition du variant Omicron a chuté à 0,49 %. Cela correspond à une baisse de 64 %. Cependant, parce que les Canadiens ne sont plus testés pour la COVID-19 comme avant l’arrivée du variant Omicron, nous savons que la baisse réelle du taux de décès est encore plus prononcée. Les études menées dans d’autres pays ont démontré une baisse de 75 % du taux de décès entre le variant Delta et le variant Omicron. Il est tout indiqué de croire que les pourcentages pour le Canada correspondent à des taux similaires.

On a remarqué une baisse dans des taux semblables pour les infections au variant Omicron. Durant la période qui a précédé l’arrivée d’Omicron, on comptait 6 400 admissions aux soins intensifs, ce qui correspond à 0,36 % des cas. De leur côté, les infections au variant Omicron ont entraîné un peu plus de 2 900 admissions aux soins intensifs, ce qui est une baisse considérable malgré que les cas de COVID-19 ont été plus nombreux au cours des cinq derniers mois que durant les 20 mois précédents. Le taux des admissions aux soins intensifs a chuté à 0,16 %, ce qui équivaut à une baisse de 56 %.

Il faudra aux scientifiques un certain temps pour déterminer les causes exactes de ces baisses. Celles-ci viennent en partie du fait qu’Omicron cause des formes moins graves de la maladie et que les taux de vaccination élevés que nous avons au Canada contribuent à mieux protéger les gens.

De plus, nous protégeons plus adéquatement les personnes très vulnérables qui se trouvent dans les établissements de soins de longue durée que nous le faisions pendant la première année de la pandémie.

Tous ces éléments feront partie du portrait d’ensemble. Peu importe les détails exacts, chers collègues, une chose est claire : la pandémie qui existe actuellement diffère de celle qui sévissait quand les premières séances hybrides du Sénat ont eu lieu. Nous connaissons le virus beaucoup mieux qu’en 2020, et nous savons que ses effets sont maintenant beaucoup moins graves qu’auparavant, comme je viens de le souligner.

De plus, les risques que comportent les voyages nécessaires pour se rendre à Ottawa sont minimes si on les compare aux risques qui existaient en 2020, lorsqu’a été présentée la première motion au sujet des séances hybrides. Il n’y avait pas de vaccins, à l’époque. Aujourd’hui, les sénateurs sont triplement vaccinés. Nous pouvons nous rendre à l’aéroport dans notre propre véhicule ou faire appel à un chauffeur pleinement vacciné. Quand nous sommes à l’aéroport, tous les employés sont pleinement vaccinés et la moitié des autres personnes aussi.

Nous montons à bord d’un avion où les passagers sont entièrement vaccinés, tout comme les membres de l’équipage. Une fois à Ottawa, nous prenons un taxi avec un chauffeur entièrement vacciné ou nous louons une voiture que nous conduisons nous-mêmes à notre lieu d’hébergement. À l’hôtel, lorsque nous réglons les formalités, tout le monde est vacciné.

Il est difficile de voir comment on peut réduire davantage le risque que comporte un déplacement à Ottawa, à moins, peut-être, de porter une combinaison de protection contre les matières dangereuses. En fait, pour être honnête, il est probablement plus dangereux de demeurer chez soi que de se déplacer à Ottawa, car les restrictions sanitaires dans nos propres circonscriptions sont beaucoup plus souples que celles qu’il nous faut respecter en voyage. Quand on est chez soi, ne sort-on pas de la maison? Ne va‑t‑on pas faire l’épicerie? Ne va-t-on pas voir nos petits-enfants participer à des événements sportifs? Ne va-t-on pas à l’église? Toutes ces activités sont plus dangereuses que de venir à Ottawa. Donc, à moins d’être en quarantaine et de ne pas quitter la maison, il n’y a pas de raison de ne pas se présenter à Ottawa.

Franchement, à ce stade-ci, je ne vois pas au juste ce que nous attendons. Quelle est la justification pour maintenir les séances hybrides? Elle n’existe tout simplement pas.

Au Canada, le nombre de cas de COVID diminue rapidement depuis le 11 avril, la moyenne sur sept jours ayant chuté de 11 000 à un peu plus de 8 000. En Ontario, le taux de reproduction net, qui mesure le nombre moyen de nouvelles infections que cause une infection, est dorénavant inférieur à 1. À Ottawa, le signal viral de COVID-19 est à la baisse depuis le 11 avril.

Il n’y a plus de confinements nulle part au pays, et les exigences liées à la vaccination contre la COVID sont en train de tomber d’un bout à l’autre du Canada. La plupart des provinces ont levé leurs mesures sur le port du masque dans la plupart des situations, dont la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador. Les territoires ont levé presque toutes leurs mesures sur le port du masque. À l’Île-du-Prince-Édouard, l’exigence de porter un masque sera levée le 6 mai. La Saskatchewan n’a aucune mesure de santé publique en place concernant la COVID. Pourquoi est-il plus sécuritaire d’être en Saskatchewan sans quelque mesure que ce soit que d’être à Ottawa?

Bien entendu, le Sénat du Canada, comme un petit chien, suit le gouvernement néo-démocrate—libéral et reproduit toutes ses décisions plutôt que de se fier à la science. En fait, il semble que ce gouvernement néo-démocrate—libéral ait arrêté de s’intéresser à la science il y a longtemps, s’il a même déjà eu un tel intérêt.

L’autre semaine, mon épouse et moi sommes allés à un bureau de Service Canada au Manitoba. Nous avons constaté à notre arrivée que la porte était verrouillée, non pas parce que le bureau était fermé, mais à cause de la COVID. Un agent de sécurité a dû déverrouiller la porte pour nous laisser entrer. Après nous avoir posé des questions sur les symptômes de la COVID, il nous a fourni un masque et a insisté pour que nous le portions. Tous les employés portaient un masque et étaient protégés par des panneaux de plexiglas. La scène était irréelle, chers collègues.

Ensuite, nous sommes allés dans une épicerie Sobeys, à quelques pas de là. Le magasin n’avait pas de limites de capacité liées à la COVID. Le port du masque n’était pas obligatoire ni la distanciation sociale. Nous sommes entrés dans le magasin. Des centaines de personnes s’y trouvaient, certaines portaient le masque, d’autres non. Tous faisaient leur épicerie, déambulaient dans les allées, le sourire aux lèvres, et vaquaient à leurs occupations. Certains caissiers portaient le masque, mais aucun ne se cachait derrière un plexiglas de crainte de recevoir les postillons des clients. Nous avions l’impression de voir deux univers coexister : d’une part, l’épicerie Sobeys régie par les directives fondées sur la science de l’administrateur en chef de la santé publique, et d’autre part, le monde parallèle et fantaisiste du fédéral créé par les angoisses des premiers ministres Jagmeet Singh et Justin Trudeau. Ce genre d’incohérence est passablement répandue.

Si vous allez dans un stade, vous verrez des gradins pleins à craquer de gens qui scandent des encouragements tout en mangeant et en buvant de la bière sans porter masque et sans pratiquer la distanciation sociale. Les gens reprennent une vie normale conformément aux recommandations fondées sur la science.

Mais ici, au Sénat, les membres du personnel administratif ont reçu le 23 mars un message leur indiquant que 25 % d’entre eux pouvaient commencer, graduellement et volontairement, à revenir au bureau à compter du 11 avril. Puis, le 8 avril, soudainement, cette date a été repoussée au 25 avril.

Je ne suis pas certain de comprendre à quoi ressemble un retour graduel au bureau. Je m’imagine les employés parcourir quelques rues par jour, jusqu’à ce qu’ils soient rendus au bureau.

Chers collègues, il y a pire. Voici le contenu d’un courriel envoyé le 21 mars par les Services à la clientèle :

(1530)

À compter d’aujourd’hui, le 21 mars 2022, l’exigence provinciale de porter le masque est levée en Ontario. Par conséquent, le port du masque ne sera plus obligatoire dans les endroits assujettis aux lois provinciales. Pour ceux qui travaillent dans un immeuble privé où le Sénat est locataire, dont le 40, rue Elgin, le 90, rue Sparks, le 56, rue Sparks et le 60, rue Queen, le port du masque est maintenant facultatif et n’est pas officiellement exigé dans les aires communes comme les ascenseurs, les halls d’entrée et les stationnements souterrains.

Veuillez toutefois noter que ces directives ne s’appliquent pas aux locaux appartenant à la Couronne, comme l’édifice de l’Est, l’édifice Victoria, l’Édifice national de la presse, le 1, rue Wellington et l’édifice du Sénat du Canada. Les directives de santé et de sécurité pour les lieux de travail du Sénat restent en vigueur, et nous continuons d’exiger le port du masque.

J’ai d’abord pensé que la formulation du courriel portait à confusion. Puis, j’ai réalisé que c’était plutôt une politique qui portait à confusion. Le courriel ne faisait que refléter ce fait. Voilà ce qui arrive lorsque tout le monde affirme se fier à la science, mais que personne ne semble avoir les mêmes données.

Voyons si nous pouvons démêler tout cela.

Premièrement, le port du masque n’est plus obligatoire dans les immeubles privés parce que les exigences provinciales ont changé. Jusque-là, tout va bien.

Deuxièmement, comme le courriel l’indique, « le port du masque est maintenant facultatif et n’est pas officiellement exigé » dans les immeubles privés où le Sénat est locataire, comme le 40, rue Elgin ou le 56, rue Sparks.

Cependant, le courriel indique que les masques sont facultatifs dans les aires communes, y compris les ascenseurs, les halls d’entrée et les stationnements souterrains. Pourquoi se donnerait-on la peine de mentionner les aires communes comme les ascenseurs, les halls d’entrée et les stationnements souterrains si tout l’édifice est une propriété privée qui relève de la réglementation provinciale? Est-ce à dire qu’il y a des endroits dans les édifices privés où on peut quand même être obligé de porter un masque? Le courriel ne dit rien là-dessus.

Troisièmement, on dit que cette directive sur le port facultatif du masque ne s’applique pas aux locaux appartenant à la Couronne. Si vous êtes dans l’édifice de l’Est, l’édifice Victoria, l’Édifice national de la presse, le 1, rue Wellington ou l’édifice du Sénat du Canada, vous devez porter le masque. C’est complètement insensé, honorables collègues.

Quatrièmement, on nous a dit que les directives de santé et de sécurité visant les lieux de travail du Sénat demeurent en vigueur et que les personnes qui se trouvent sur les lieux de travail du Sénat sont obligées de porter un couvre-visage.

Ce qui n’est pas clair, c’est ce qui arrive si votre lieu de travail du Sénat se trouve dans l’un des édifices privés. Est-ce qu’on peut se passer du masque parce que l’édifice est visé par les directives provinciales, ou doit-on porter le masque parce qu’il s’agit quand même d’un lieu de travail du Sénat? Ce n’est pas clair.

C’est peut-être la raison pour laquelle le courriel soulignait que le port du masque était facultatif dans les aires communes. Peut-être que si votre bureau sénatorial se trouve dans un édifice privé, vous n’êtes pas obligé de porter un masque dans l’ascenseur ou dans les corridors, mais dès que vous arrivez au Sénat, vous devez immédiatement mettre un masque.

Apparemment, nous sommes censés croire qu’agir en fonction des données scientifiques, cela ressemble à cela.

Deux jours après ce courriel déroutant, un autre courriel a été diffusé le 23 mars. Il émanait du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. En objet, on pouvait y lire « Allégement de certaines mesures de prévention de la COVID-19 dans les lieux de travail du Sénat ». Ce courriel indiquait que le port du masque demeurait obligatoire dans toutes les aires communes, mais qu’il était permis d’enlever le masque à son poste de travail ou à son bureau, lorsque la distanciation physique est possible.

Le courriel ne faisait aucune distinction entre les édifices. Il disait simplement : « De nombreuses mesures préventives, telles que le port obligatoire du masque, restent en place dans tous les lieux de travail du Sénat. » Le mot « tous » signifie-t-il dans chaque édifice, appartenant à la Couronne ou pas? Ce n’est pas clair. C’est déroutant.

Deux jours plus tard, un autre courriel du Comité de la régie interne a été distribué. Il reprenait la majorité de ce qui se trouvait dans le courriel envoyé deux jours avant, mais on y trouvait une phrase supplémentaire à la fin :

En vertu de la Loi sur le Parlement du Canada, le comité CIBA est considéré comme l’employeur au nom du Sénat et a le pouvoir de mettre en œuvre des mesures en milieu de travail.

Autrement dit, quel que soit le bâtiment où vous vous trouviez et quelles que soient les règles à suivre dans ce bâtiment, les règles que vous devrez suivre pourraient être différentes, parce que le Comité de la régie interne a décidé d’ignorer la science et les responsables de la santé publique et de n’en faire qu’à sa tête.

Mais ce n’est pas tout.

Le 8 avril, le Comité de la régie interne a envoyé un autre mémo dont l’objet était : « Mise à jour sur les protocoles concernant la COVID-19 ». Ce courriel disait : « Veuillez prendre note que le Sénat s’aligne maintenant sur les dernières lignes directrices de la Ville d’Ottawa. » On ne nous a donné aucune précision sur la signification de ce courriel en dehors du fait que la période de quarantaine après un test positif passait de 10 à 5 jours.

Si nous nous alignons sur les lignes directrices de la Ville d’Ottawa, quelles sont-elles? Si vous consultez le site de la Ville d’Ottawa, ces lignes directrices se trouvent sous l’onglet Ordres et instructions en vigueur. Voici ce que nous pouvons y lire :

Ordonnance pour les résidents

Il n’y a pas d’Ordonnances actuellement en vigueur.

Instructions pour le secteur des sports, des loisirs et du conditionnement physique

Il n’y a pas d’Instructions actuellement en vigueur.

Instructions pour les entreprises et les lieux de travail.

Il n’y a pas d’Instructions actuellement en vigueur.

Qu’en est-il du port du masque? Pour le savoir, il faut pousser les recherches un peu plus loin, et si on le fait, on trouve sur le site Web de la ville une page qui s’intitule « Port du masque ». Sur cette page, on constate que la Ville d’Ottawa n’a pas prolongé son règlement sur le port obligatoire du masque au-delà de sa date d’expiration, le 26 août 2021. Plutôt, elle signale qu’une réglementation sur le port du masque demeure en vigueur dans l’ensemble de la province.

Donc, quel est le règlement de la province concernant le port du masque? Le site Web de la province indique ce qui suit :

À partir du 21 mars 2022, vous devrez porter un masque dans les espaces intérieurs suivants :

les transports en commun, incluant les zones intérieures et les véhicules […];

les établissements de soins de santé, y compris :

les hôpitaux

les établissements psychiatriques

les bureaux de médecins

les cliniques de vaccination

les laboratoires

les centres de prélèvement

les établissements de soins à domicile et en milieu communautaire, uniquement si vous êtes un employé ou un contractant;

les maisons de retraite et de soins de longue durée;

les maisons d’hébergement et autres établissements de soins collectifs qui fournissent des soins et des services aux personnes vulnérables sur le plan médical et social.

C’est tout. Les masques ne sont obligatoires ni dans les commerces, ni dans les centres commerciaux, ni dans les bureaux, ni dans les restaurants, ni dans les clubs, ni dans les centres de conditionnement physique ni où que ce soit d’autre, excepté le transport en commun et les établissements de soins de santé.

Ainsi, on nous dit que nous nous conformons aux lignes directrices les plus récentes de la Ville d’Ottawa alors qu’il est évident que ce n’est pas le cas.

Chers collègues, je peux traverser la rue pour aller au restaurant Métropolitain sans porter de masque, et je peux m’asseoir avec autant de personnes que je veux, les unes à côté des autres. Je peux manger, prendre un verre, et participer à des conversations intéressantes.

Cependant, si je vais de l’autre côté de la rue à l’édifice du Sénat, je dois immédiatement mettre mon masque. Aucune nourriture n’est permise lors des réunions, à moins de m’asseoir à six pieds des autres et de manger des aliments emballés individuellement.

J’ignorais que la science n’était pas la même du côté nord et du côté sud de la rue Wellington. Je n’avais aucune idée que le fait de traverser 40 pieds d’asphalte me plongerait dans une réalité parallèle régie par d’autres données scientifiques qui contredisent ce que je venais de vivre de l’autre côté de la rue.

Je n’ai jamais vraiment cru à la magie, mais je commence à penser que c’est la seule explication possible.

On nous dit, des semaines à l’avance, que la tribune publique du Sénat ouvrira à une certaine date. Pourquoi a-t-on choisi cette date? Pourquoi pas une autre date? Pourquoi pas immédiatement? Pourquoi pas plus tard? Sur quels fondements scientifiques reposent des décisions arbitraires comme celle-ci?

(1540)

Notre cher Président est-il devin pour savoir qu’à une date précise il serait sécuritaire de rouvrir la tribune et de recommencer à accueillir des visiteurs? Le virus disparaît-il comme par magie lorsqu’on traverse la rue ou qu’on quitte la Cité parlementaire? Si les autorités s’en tiennent aux avis scientifiques, comment explique-t-on alors toutes ces incohérences et ces contradictions dans les règles?

La science dit que si je monte sur le toit de l’édifice du Sénat du Canada et que je mets le pied dans le vide, je vais tomber. Comme je ne veux pas vous donner de faux espoirs, sachez que je n’ai pas l’intention de vérifier cette théorie. Je suis certain que certains dans cette enceinte pourraient calculer le taux de ma chute et la vitesse à laquelle je m’écraserais au sol. C’est ainsi que fonctionne la science, chers collègues.

La science dit également que si je traverse la rue et que je me jette du toit du Château Laurier, la même loi de la gravité s’exercera là aussi. Si je saute du toit d’un édifice, je ne vais pas monter vers le haut de ce côté-ci de la rue Wellington et tomber vers le bas de l’autre côté de la rue. Les données scientifiques sont cohérentes et mesurables.

Cependant, le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration semble être en désaccord avec moi. Les membres du comité semblent croire que la science est différente de ce côté-ci de la rue Wellington. Je me demande bien où le comité prend ses informations. Y a-t-il des scientifiques à son service enfermés dans une pièce secrète? Si c’est le cas, il faudrait les informer que leurs recommandations vont à l’encontre de celles de pratiquement tous les responsables de la santé publique au pays. S’il n’y a pas de savants fous en coulisses, ces décisions relèvent-elles entièrement des quatre membres du comité directeur?

J’ai le plus grand des respects et beaucoup de reconnaissance pour tous les membres du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration, ainsi que pour les quatre membres du comité directeur, le président et les trois autres membres, dont mon collègue le sénateur Smith, mais je commence à penser que ce genre de décisions devraient être prises de façon beaucoup plus transparente de concert avec tous les membres du comité et peut-être même avec l’ensemble des sénateurs.

Je suis membre du Comité de la régie interne. Peut-être que cela m’a échappé, mais je ne me souviens pas qu’on m’ait présenté des données indiquant une situation différente de celle que nous présentent les autorités de la santé publique.

Chers collègues, je ne sais pas quand nous avons cessé de nous fier à la science, mais il est temps d’écouter les responsables de la santé publique, de suivre les directives des provinces et de retourner au travail. Il reste peu de temps avant l’ajournement d’été et je crois que nous devrions l’utiliser de façon judicieuse et efficiente. Rien ne justifie que nous fassions bande à part du reste du pays, à moins, bien sûr, que le gouvernement ne souhaite simplement pas que nous reprenions nos activités normales, que les théories du complot que nous avons tous reçues par courriel présentent la vérité et que tout ceci ne soit qu’une vile machination de forces obscures cachées dans l’ombre qui tirent les ficelles et souhaitent détruire la société, que l’Organisation mondiale de la santé dicte les politiques sanitaires du Canada et que Justin Trudeau ne soit en fait qu’une marionnette du Forum économique mondial.

Je me suis souvent demandé comment les gens pouvaient croire à de telles sornettes, mais la réalité est que le gouvernement verse régulièrement de l’huile sur le feu. Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons appris qu’après nous avoir houspillés sans fin au sujet du changement climatique — nous en avons parlé à la période des questions il y a quelques minutes —, le premier ministre a parcouru plus de 127 000 kilomètres en avion en 10 mois. Chers collègues, c’est l’équivalent de trois voyages autour du globe. Ce gouvernement dit une chose et en fait une autre. Ils établissent des règles pour tous les autres qu’ils ne suivent pas eux-mêmes. Ils disent qu’ils suivent la science, mais ensuite ils ignorent commodément la science quand cela les arrange.

Chers collègues, le premier ministre porte un masque pour monter dans un avion à Ottawa, mais, rendu à destination, il débarque sans masque. Il met en scène des photos le montrant seul avec son épouse et ils portent des masques, même s’il n’y a personne près d’eux. Puis, après une réunion du G7, on le voit faire la fête dans un bar, sans masque et sans distanciation physique.

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les gens deviennent cyniques et créent des théories du complot à partir de cela. Lorsque quelqu’un essaie de donner un sens à des absurdités, il ne faut pas s’étonner qu’il arrive à des conclusions insensées. Le gouvernement rend logique le fait de croire l’incroyable. Lorsqu’on normalise l’absurdité, on commence à en voir davantage, et on en voit certainement beaucoup sous l’actuel gouvernement.

Voici un autre exemple de cette absurdité. Il y a quelques semaines, encore une fois, mon épouse et moi avons traversé la frontière des États-Unis vers le Canada. Après la levée des tests obligatoires, nous avons traversé la frontière sans problème. Quelques semaines plus tard, on a porté à mon attention que, avec ou sans exigence de tests obligatoires, le gouvernement exige toujours que tout voyageur entrant au Canada, y compris les enfants âgés de 5 ans et plus, porte un masque bien construit et bien ajusté pendant 14 jours lorsqu’il se trouve dans des espaces publics intérieurs et extérieurs.

Premièrement, le gouvernement a carrément omis de faire mention de l’existence de cette politique. Deuxièmement, et ce qui est encore plus important, cette politique est insensée. Je ne peux pas me rappeler une seule occasion pendant la pandémie où un responsable de la santé publique a recommandé que les gens commencent à porter le masque à l’extérieur lorsque la distanciation physique était possible. Je ne me rappelle pas non plus une seule étude qui estime qu’il s’agit d’une pratique judicieuse pour aider à minimiser la transmission de la COVID-19.

Nous avons tous vu dans la rue des gens seuls qui portaient le masque. C’est une chose de décider de porter le masque à l’extérieur pour des raisons pratiques et c’en est une autre que le gouvernement présente cette pratique comme une politique de santé publique reposant sur des fondements scientifiques.

C’est bien ce qui figure sur le site Web du gouvernement. CTV a publié un article sur la question dans lequel on peut lire ceci :

Lors d’une entrevue téléphonique mercredi, le Dr Peter Juni, directeur scientifique de l’Ontario COVID-19 Science Advisory Table a déclaré à CTVNews.ca qu’il ne voit pas la nécessité d’une telle exigence à la présente étape de la pandémie.

Voici ce qu’il a dit :

Je ne pense pas que le fait d’imposer le port du masque aux voyageurs qui arrivent de l’étranger, et non à la population locale, change la donne actuelle au Canada.

Vous venez d’entendre le directeur scientifique de l’Ontario COVID-19 Science Advisory Table affirmer que la politique du gouvernement ne tient pas la route sur le plan scientifique.

Qu’a répondu le gouvernement? Dans l’article, on indique qu’un représentant du gouvernement a déclaré :

La priorité du gouvernement du Canada est et continuera d’être la santé et la sécurité de tous les Canadiens [...] Tout au long de la pandémie, c’est sur les données scientifiques que le gouvernement a fondé sa réponse, ainsi que ses décisions, ses actions et ses conseils aux Canadiens afin de réduire la propagation de la COVID-19 dans les collectivités.

D’une part, le gouvernement prétend s’appuyer sur des données scientifiques, mais, d’autre part, ses politiques ne sont pas fondées sur des données scientifiques. Il est difficile de faire la quadrature du cercle.

La semaine dernière, le ministre des Transports répondait à une autre politique relative à la COVID-19 et a dit ceci :

Nous consultons constamment nos experts et nous modifions nos règles lorsque les conseils que nous recevons changent en raison de l’évolution de la situation.

Le premier ministre — je ne parle pas de M. Singh, mais de l’autre premier ministre — est également intervenu dans le dossier et a déclaré ceci :

Les gens veulent rester en sécurité, mais ils veulent aussi recommencer à faire les choses qu’ils aiment. La meilleure façon d’y parvenir est de s’appuyer sur ce que les données scientifiques et les experts nous disent et d’avancer dans la bonne direction.

Je vois que le gouvernement a entendu raison au cours de la fin de semaine et qu’il a annulé cette exigence particulière. Cependant, s’il avait vraiment voulu s’appuyer sur ce que disent les données scientifiques et les experts, beaucoup de choses auraient été gérées différemment tout au long de la pandémie.

Vous vous souviendrez peut-être qu’au début de 2020, lorsque nous avons appris que le virus circulait, Justin Trudeau a refusé d’interdire les vols entre le Canada et Pékin. Il a dit que ce serait raciste. D’autres pays ont pris le virus au sérieux. Des dizaines d’entre eux ont rapidement mis en place des mesures de protection, y compris l’interdiction de vols internationaux. Mais pas notre gouvernement. Il a été lent à reconnaître que nous avions un problème et lent à réagir. Maintenant, il est lent à se rendre compte que ses politiques relativement à la pandémie sont dépassées.

(1550)

Certains membres de l’équipe de leaders du Sénat se souviendront que j’ai demandé, avec insistance, au Président de fermer cette enceinte en mars 2020, lorsque le virus a commencé à circuler. Nous étions confrontés à des risques sanitaires dont l’incidence était inconnue et devions agir. Le Président, bien qu’il ait été sensible à ma demande, y était réfractaire. J’ai vu l’importance d’agir rapidement, et d’autres s’y sont opposés. Aujourd’hui, alors qu’il est clair que nous devons aller de l’avant, ces mêmes personnes s’opposent une fois de plus à toute mesure.

Quel est l’objectif final de ce gouvernement? Pourquoi n’y a-t-il aucun plan pour mettre fin à ces mesures restrictives? Pourquoi le leader du gouvernement au Sénat n’a-t-il aucun plan pour la levée de ces restrictions au Sénat? Le gouvernement souhaite-t-il que les choses se poursuivent indéfiniment parce qu’il aime contrôler la vie des gens?

Il est clair qu’il préfère le format des séances hybrides qui lui permet de rendre moins de comptes. Mais pourquoi accepterions-nous cela, chers collègues? La reddition de comptes et la démocratie au Parlement sont cruciales, quels que soient les défis auxquels le pays est confronté et quel que soit notre niveau de soutien au gouvernement. Nous, sénateurs, devons rendre des comptes à la population.

Les circonstances inhabituelles de la pandémie ont forcé le Parlement à s’adapter, mais il est temps de revenir à la normale. La reddition de comptes ne peut attendre un jour de plus.

Chers collègues, nous avons adopté la motion initiale sur les séances hybrides le 27 octobre 2020. Notre première séance en format hybride a eu lieu le 4 novembre 2020. Cette approche a été utile pendant les moments d’incertitude, mais elle n’est plus d’actualité et nous devons passer à autre chose. Elle n’est plus appuyée par des données scientifiques et ne répond plus à un objectif clair. Elle nuit plutôt à notre capacité de faire notre travail avec efficacité et efficience.

Il ne s’agit pas d’agir avec complaisance envers nous même pour éviter de nous exposer à des risques. Il s’agit plutôt de nous aligner sur la réalité actuelle afin d’assumer les responsabilités professionnelles qui nous ont été confiées et de nous acquitter adéquatement de notre charge publique.

La COVID a changé, mais elle n’a pas disparu. Il est temps pour nous d’apprendre à vivre avec. Il est temps pour nous d’aligner cette politique et toutes nos politiques liées à la COVID avec les données scientifiques et la réalité actuelle, et non les craintes et les anxiétés d’hier.

Chers collègues, dans la motion que nous avons approuvée le 31 mars, nous nous étions engagés à envisager un retour aux séances en personne :

[...] dès que possible à la lumière de tous les facteurs pertinents, y compris les lignes directrices en matière de santé publique, ainsi que la sécurité et le bien-être de tout le personnel parlementaire;

Que toute prolongation ultérieure de cet ordre ne soit effectuée qu’après consultation avec les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus.

C’est tiré directement du libellé de la motion, chers collègues.

Aucune considération n’a été accordée aux « facteurs pertinents », aucun examen des « lignes directrices en matière de santé publique » n’a été mené, pas plus que des aspects concernant « la sécurité et le bien-être de tout le personnel parlementaire », et aucune véritable « consultation » n’a eu lieu. Au contraire, nous avons écouté, bien installés sur notre siège, le représentant du gouvernement au Sénat nous répéter les notes d’allocution du gouvernement néo-démocrate—libéral, qui ne tiennent absolument pas compte de la science et des lignes directrices en matière de santé publique en vigueur à l’heure actuelle.

Chers collègues, c’est inacceptable. Nous nous trouvons dans la Chambre de second examen objectif, pas dans la Chambre qui hoche sagement la tête et qui se conforme à la dernière rengaine du gouvernement. Nous devons respecter l’engagement que nous avions pris le 31 mars et prendre une décision fondée sur les faits réels, les vraies données et les preuves scientifiques éprouvées.

Si le gouvernement veut continuer d’entraver notre travail, il doit présenter un dossier solide qui repose sur des données scientifiques probantes et les conseils des meilleurs experts pour démontrer pourquoi il est nécessaire d’adopter cette motion.

Ne vous y trompez pas : ce n’est pas la motion du sénateur Gold; c’est la motion du gouvernement. Le sénateur Gold est le représentant du gouvernement au Sénat et quand il prend la parole pour présenter une motion, c’est au nom du gouvernement du Canada.

Le gouvernement doit nous fournir des preuves qui soutiennent son affirmation selon laquelle nous ne pouvons pas nous réunir en personne. Il doit expliquer pourquoi il insiste pour nous empêcher de retourner sur notre lieu de travail. Il doit nous fournir des données, et si celles-ci ne justifient pas la tenue de séances hybrides, il doit alors nous fournir un plan de reprise des séances en personne.

Chers collègues, nous avons convenu de retourner aux séances en personne « dès que possible ». Il nous incombe donc d’effectuer la transition aussitôt que possible, et non aussi lentement que possible. Il ne faut pas oublier que, par défaut, nos séances ne se tiennent pas en mode hybride, mais en personne. Toute dérogation aux séances en personne doit être accompagnée de preuves solides fondées sur des critères scientifiques clairs.

Nous n’avons pas obtenu ces preuves du gouvernement.

À mon avis, nous devrions continuer de siéger de manière hybride jusqu’au 9 mai, ce qui laissera au gouvernement le temps de nous fournir les renseignements dont nous avons besoin, ce dont il a convenu, pour prendre la décision qu’il attend de nous.

Que le vote porte sur la fin des séances hybrides ou leur prolongation, il devrait seulement avoir lieu une fois les renseignements nécessaires obtenus et après la tenue de consultations en bonne et due forme. Nos décisions doivent se baser sur des faits et non pas sur la peur. Or, le gouvernement ne nous a pas présenté les faits.

Motion d’amendement

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1. par substitution, aux mots « 30 juin 2022 », des mots « 9 mai 2022 »;

2.par adjonction, après le mot « objectif » à la fin de la motion, de ce qui suit :

« ;

Que, avant de présenter toute motion pour prolonger ou reprendre des séances hybrides du Sénat, le leader du gouvernement au Sénat doit :

1.déposer au Sénat :

a)tous les avis et directives des responsables de la santé publique du gouvernement fédéral concernant les rencontres en personne au sein de la fonction publique fédérale;

b)tous les avis et directives des responsables de la santé publique des gouvernements de l’Ontario et du Québec concernant les rencontres en personne;

c)une lettre du greffier du Sénat décrivant comment le Sénat siégeant uniquement en personne contreviendrait à tout avis ou directive mentionné aux points a) et b);

d)un plan de transition pour revenir aux séances du Sénat en personne dès que possible, conformément à l’engagement pris par le Sénat le 31 mars 2022;

2.consulter, de manière ouverte et constructive, les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus ».

Merci, chers collègues.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénateur Carignan, propose :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1. par substitution, aux mots « 30 juin 2022 », des mots « 9 mai 2022 »;

2.par adjonction, après le mot « objectif » à la fin de la motion, de ce qui suit :

« ;

Que, avant de présenter toute motion pour prolonger ou reprendre des séances hybrides du Sénat, le leader du gouvernement au Sénat doit :

1.déposer au Sénat :

a)tous les avis et directives des responsables de la santé publique du gouvernement fédéral concernant les rencontres en personne au sein de la fonction publique fédérale;

b)tous les avis et directives des responsables de la santé publique des gouvernements de l’Ontario et du Québec concernant les rencontres en personne;

c)une lettre du greffier du Sénat décrivant comment le Sénat siégeant uniquement en personne contreviendrait à tout avis ou directive mentionné aux points a) et b);

d)un plan de transition pour revenir aux séances du Sénat en personne dès que possible, conformément à l’engagement pris par le Sénat le 31 mars 2022;

2.consulter, de manière ouverte et constructive, les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus ».

Nous passons au débat. La sénatrice Batters a la parole.

(1600)

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, j’interviens au sujet de l’amendement que le sénateur Plett propose d’apporter à la motion du gouvernement Trudeau qui vise à prolonger encore les séances hybrides du Sénat, cette fois-ci jusqu’au 30 juin.

Le sénateur Plett propose qu’avant de demander la prolongation des séances hybrides du Sénat, le gouvernement dépose les avis et directives sur les réunions en personne provenant de plusieurs intervenants, dont les responsables de la santé publique. Dans un contexte où plusieurs provinces mettent fin, notamment, aux obligations concernant le port du masque et les vaccins, il ne semble pas cohérent que le Sénat envisage de tenir seulement des rencontres hybrides. L’amendement du sénateur Plett permettrait de déterminer si la demande du gouvernement, qui souhaite prolonger les séances hybrides, est fondée sur les meilleures données scientifiques disponibles.

L’amendement du sénateur Plett demande aussi ceci :

[…] un plan de transition pour revenir aux séances du Sénat en personne dès que possible, conformément à l’engagement pris par le Sénat le 31 mars 2022;

Les sénateurs ne seront pas surpris d’apprendre que je suis tout à fait favorable au retour des séances en personne, puisque j’ai déjà prononcé deux discours à ce sujet. Je soutiens que nous avons absolument besoin des séances en personne pour accomplir notre travail parlementaire du mieux possible, comme le méritent les Canadiens.

Bien entendu, je suis consternée que nous discutions une fois de plus de la prolongation des dispositions pour la tenue des séances hybrides. Nous aurions déjà dû travailler au retour aux séances en personne, comme le prévoyaient les dispositions de la motion du 31 mars. Je suppose que je suis ici depuis assez longtemps pour savoir qu’il ne faut pas s’attendre à ce que le gouvernement Trudeau remplisse ses obligations.

Quoi qu’il en soit, il suffit de regarder toutes les choses qui ont repris depuis la dernière fois que nous avons discuté du Parlement hybride, à la fin du mois de mars, il y a seulement quelques semaines. Encore plus de provinces ont levé les exigences relatives à la vaccination et au port du masque. Les stades de hockey sont régulièrement remplis de 20 000 personnes. Les concerts ont repris. Sting sera en spectacle au Centre Canadian Tire d’Ottawa la semaine prochaine. Même le Ribfest sera de retour sur la rue Sparks au début du mois de juin, et le Jurassic Park de Toronto est de nouveau rempli d’une foule immense de gens qui célèbrent la course aux séries éliminatoires de l’équipe de basketball des Raptors. Tous ces endroits reviennent à la normale.

Même certains aspects du Parlement ont commencé à changer. La Chambre des communes a ouvert ses galeries publiques au début de cette semaine et ses comités ont recommencé à recevoir des visiteurs. Hier, notre propre président a de nouveau présenté des invités dans la tribune du Sénat. Nous pouvons maintenant recommencer à recevoir des visiteurs dans nos bureaux du Sénat pour des réunions, et les groupes intéressés et lobbys ont recommencé à organiser de grandes réceptions sur la Colline et ailleurs.

Je trouve cela curieux. Nous avons établi qu’il est sécuritaire pour les sénateurs de se mêler à des intervenants dans des réunions et des réceptions, d’accueillir le public dans leurs bureaux ou dans cette enceinte, et de se mêler aux autres sénateurs lors de réceptions et dans les salles de caucus, mais, si nous nous trouvons ici, en personne, dans cette Chambre — portant un masque et ayant reçu au moins deux doses de vaccins — que se passera-t-il? Prendrons-nous en feu? La seule différence que je vois, c’est que dans les Chambres du Parlement, le gouvernement doit être tenu responsable, et c’est pour cette raison que le gouvernement Trudeau veut éviter comme la peste — pardonnez-moi le jeu de mots — de se présenter en personne.

Je l’ai déjà dit et je le redis : un Parlement hybride est un Parlement ennuyeux. C’est un Parlement sans intérêt qui n’attire pas autant l’embêtante attention des médias, et échappe ainsi à l’examen public. C’est parfait pour le gouvernement Trudeau, qui semble en avoir beaucoup à cacher.

Les responsables de la santé publique nous disent depuis le début de la pandémie de COVID-19 qu’à un certain moment, nous atteindrons un point où il nous faudra simplement apprendre à vivre avec la réalité de la COVID et cesser de tenter de l’éviter. La société est en train d’atteindre ce stade. Nous vivons avec la COVID depuis maintenant plus de deux ans. Nous avons écouté les conseils sur les façons de nous protéger le mieux possible : en nous faisant vacciner, en portant le masque, en pratiquant la distanciation sociale et en améliorant la ventilation. Je suis fière d’avoir reçu trois doses de vaccin et j’en fais beaucoup la promotion sur les médias sociaux.

En réalité, le Sénat demeure l’un des très rares endroits au pays qui exigent encore la vaccination et le port du masque. Il faut aussi porter un masque dans les avions, la principale méthode de transport de beaucoup d’entre nous dans le cadre de notre travail sénatorial. Il est par conséquent curieux que l’enceinte du Sénat ne soit pas considérée comme l’un des lieux les plus sûrs où revenir travailler en personne.

Au lieu de cela, on dirait qu’on essaie de préserver la précieuse « bulle » du Sénat. Honorables sénateurs, en quoi sommes-nous si exceptionnels? Des gens de tous les milieux, qu’ils soient dentistes, chauffeurs de taxi ou mécaniciens, sont de retour au travail en personne, et la plupart sont de retour depuis très longtemps. Tous ces gens sont retournés au travail grâce à l’ensemble de mesures de protection que j’ai mentionnées, soit les vaccins, les masques, la distanciation sociale et la ventilation, car ce sont des mesures appropriées et adaptées aux besoins. Il n’y a pas de raison pour que le Sénat n’en fasse pas tout autant.

La dernière fois que j’ai parlé des séances hybrides, j’ai mentionné que le Sénat avait publié un plan de « retour au travail » pour 25 % des employés de l’Administration du Sénat. Il se trouve que le Sénat a retardé de nouveau la mise en œuvre de ce plan de « retour au travail ». Ce n’est que cette semaine que 25 % des employés de l’Administration du Sénat sont retournés à leurs bureaux. Il n’y a toujours pas de plan de « retour au travail » pour les 75 % restants, dont certains n’ont pas un travail qui se prête particulièrement bien au travail à distance. Dans le secteur privé, la réponse à cela serait de permettre aux gens de recommencer à travailler sur place. Ce n’est cependant pas le cas du Sénat du Canada.

Le centre-ville d’Ottawa ressemble encore à une ville fantôme. Deux ans après le début de la pandémie de COVID, peu de fonctionnaires fédéraux ont déjà repris le travail en présentiel. Les exigences gouvernementales liées à la COVID et les mesures de confinement se sont avérées dévastatrices pour le centre-ville d’Ottawa. Même à quelques pas de la Colline du Parlement, des entreprises familiales de longue date ont maintenant fermé définitivement leurs portes, ayant souffert des mesures de confinement imposées durant les deux années de pandémie, puis de la fermeture des rues qui a été imposée durant des semaines par la Ville dans le cadre de la manifestation des camionneurs.

Il est exaspérant de constater que la rue Wellington demeure fermée devant le Parlement, sans raison apparente. Quand on y pense, c’est représentatif de l’approche du gouvernement fédéral en matière d’exigences liées à la COVID. Tout ce qui entoure ce petit bout de rue a pu rouvrir. Personne ne semble trop savoir pourquoi ces barrières sont toujours en place ni par quelle autorité elles le sont. Cela nuit à la liberté de mouvement au centre-ville. Pourquoi? Nous n’en sommes par sûrs. Nous nous contentons de contourner cette section de la rue, qui ne semble plus servir à rien pour l’instant. Cette histoire vous semble familière, n’est-ce pas?

C’est comme les exigences du gouvernement relatives à la vaccination et son entêtement à maintenir les séances hybrides à ce stade de la pandémie. Lorsque je lis votre motion, sénateur Gold, je me demande en quelle année nous sommes. Sommes-nous revenus en arrière, en mars 2020, au tout début de la pandémie? Démarrons la DeLorean. Cette motion est un véritable Retour vers le futur, honorables sénateurs. Les séances hybrides ne sont tout simplement plus en phase avec ce que fait le reste du monde à l’égard de la COVID.

Le gouvernement Trudeau jouera-t-il un jour franc jeu et admettra-t-il que ce qu’il veut vraiment, c’est de maintenir les séances hybrides ad vitam aeternam? Dans ce format, il est beaucoup plus facile de contrôler, de contenir et de dissimuler les choses. La motion sur les séances hybrides est un petit coup de gouvernail dans cette direction. De cette manière, le gouvernement peut museler le Sénat et le contrôler pour ne pas qu’il devienne trop gênant.

Les honorables sénateurs peuvent modeler leur conduite en regardant ce qui se passe en ce moment à la Chambre des communes. Le gouvernement Trudeau ne trouvait pas suffisant de mettre en place une coalition pour former un gouvernement majoritaire avec un partenaire néo-démocrate presque servile. Le voilà qui présente la motion parlementaire la plus draconienne qui soit. Lorsque la soupe sera chaude à la Chambre des communes, ils pourront tout simplement ajourner sans préavis jusqu’à l’automne. Ils échapperont alors totalement à la reddition de comptes. C’est choquant et honteux, mais il n’est pas du tout surprenant que cette motion déplorable soit présentée au moment où les vacances de Justin Trudeau sur l’île du milliardaire refont surface.

Ce scénario du gouvernement Trudeau est du déjà vu. Comme on le dit dans l’Ouest, ce n’est pas mon premier rodéo.

(1610)

Le gouvernement Trudeau s’y prend peut-être plus subtilement pour éviter de rendre des comptes au Sénat, mais l’effet est le même.

La stratégie de communication du gouvernement par rapport aux exigences liées à la COVID vise précisément, elle aussi, à éviter de rendre des comptes. D’autres pays partout dans le monde abandonnent les restrictions liées à la COVID. Pendant ce temps, le gouvernement fédéral du Canada persiste à jouer le parent surprotecteur. Lorsque le premier ministre Trudeau se fait poser des questions à ce sujet, non seulement il refuse de parler d’une quelconque intention de lever les mesures obligatoires au Canada, mais il ne peut même pas présenter un plan ou un échéancier pour y arriver. On peut compter sur le premier ministre Trudeau pour une seule chose : une déclaration qui sème la discorde en ciblant les Canadiens qui ont décidé, pour une raison ou une autre, de ne pas se faire vacciner. Après tout, s’il continue de diviser les Canadiens, ils ont moins de temps et d’énergie pour demander au premier ministre et au gouvernement de rendre des comptes. Arrivez-vous à voir le thème qui se dégage?

Le gouvernement suit l’exemple du premier ministre Trudeau. Son ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a témoigné cette semaine au comité parlementaire chargé d’étudier l’application de la Loi sur les mesures d’urgence. Il a déclaré qu’un feu avait été déclenché dans un immeuble résidentiel du centre-ville et que les auteurs du crime seraient des membres du convoi, selon les rumeurs. Cette affirmation a bien sûr été dénoncée comme une fausseté à plusieurs reprises, notamment par la police d’Ottawa. Cela n’a pas dissuadé le ministre Mendicino, qui est pourtant avocat et ancien procureur. Je suppose que la désinformation est utile quand elle masque la vérité, et le gouvernement Trudeau est connu pour utiliser cette tactique. Cela permet de détourner l’attention du vrai problème — soit que le gouvernement ne dispose pas forcément des preuves concrètes et crédibles dont il a besoin pour justifier le recours à la Loi sur les mesures d’urgence — tout en suscitant de l’animosité à l’endroit des participants au convoi des camionneurs.

Nous devrions tous être préoccupés par cette tendance du gouvernement Trudeau à miner la démocratie, en se cachant ensuite derrière l’excuse du secret du Cabinet. Il semble que cette tendance soit bien établie. Ce manque de transparence est une raison de plus pour motiver les sénateurs à revenir en personne, afin de remettre en question les décisions prises par le gouvernement. On le fait bien mieux en personne que derrière un écran — et le gouvernement Trudeau ne le sait que trop bien.

Pas plus tard qu’hier, le ministre de la Justice, David Lametti, a comparu devant le Comité sénatorial des affaires juridiques. Nous avons pu avoir un robuste échange en personne où les sénateurs et lui intervenaient tour à tour et nous avons ainsi pu poser des questions pour clarifier son témoignage. C’est plus intéressant à regarder et cela permet au Parlement de mieux faire son travail que lorsqu’on doit constamment dire « vous devez activer votre micro » ou « nous éprouvons des problèmes techniques ».

Mes premières années au Sénat ont coïncidé avec une période de profonde introspection pour cette institution. Nous avons consacré beaucoup de temps à parler du Sénat, de sa raison d’être et de son mandat. L’un des principaux objectifs était de rendre le Sénat plus pertinent dans la vie des Canadiens.

Honorables sénateurs, j’estime que les séances hybrides au Parlement minent ces efforts. Nous nous sommes battus pour que le Parlement soit télédiffusé en direct afin que les Canadiens puissent voir le bon travail que nous y effectuons. Or, à l’heure actuelle, je suis peu enthousiaste à l’idée que le public regarde une séance du Sénat et ne voit que des sénateurs qui lisent par vidéoconférence un discours préparé sans vraiment échanger entre eux. Le Sénat devrait être un lieu de débat et de discussion dynamiques, une assemblée où nous représentons notre région et protégeons les droits de minorités, une tribune où les Canadiens se reconnaissent dans le débat. Je crains que cet élément soit absent lorsque le Sénat fonctionne en mode hybride.

Honorables sénateurs, je vous demande de bien réfléchir avant de décider de prolonger les séances hybrides. Si cela peut sembler sans grande importance, si on peut penser qu’il s’agit seulement d’une question de commodité, je vous demande de penser aux conséquences futures potentielles pour le Sénat. Je crains, comme certains d’entre vous je pense, que la prolongation à répétition du modèle hybride finisse par mener à quelque chose de plus permanent. Quelles seront les conséquences pour la gouvernance future du Sénat? Risquons-nous peut-être de compromettre les caractéristiques mêmes qui contribuent à l’unicité du Sénat? Les séances hybrides du Parlement favoriseront-elles la responsabilité gouvernementale ou lui nuiront-elles? Est-ce que siéger par Zoom nuit à l’indépendance des sénateurs? Quelle image du Sénat les séances hybrides du Parlement présentent-elles au public? Est-ce que cela nuit à la réputation du Sénat à long terme? Je crois que la grande question qu’il faut ultimement se poser est la suivante : est-ce que le Parlement hybride sert la démocratie? Je dirais que non et je crois qu’il est dangereux pour nous de nous engager sur ce terrain.

En outre — ce qui me ramène à l’amendement proposé par le sénateur Plett —, la situation actuelle justifie-t-elle la tenue de séances hybrides, alors que les autorités sanitaires sont en train de lever les mesures obligatoires? Nous sommes arrivés à un point de la pandémie où il est possible d’organiser des activités de groupe tout en limitant les risques liés à la COVID. Il n’est pas possible de continuer à simplement tout annuler. Les parlementaires, le personnel et les visiteurs doivent avoir reçu au moins deux doses du vaccin seulement pour accéder aux installations de la Cité parlementaire; nous devons tous porter un masque lorsque nous nous déplaçons à l’intérieur des édifices. À l’heure où la plupart des mesures obligatoires sont en voie d’être levées, il semble que le Sénat est en fait l’un des endroits les plus sûrs où se réunir.

C’est pour cette raison que j’appuie l’amendement du sénateur Plett et que je voterai contre la motion principale. Je vous invite à vous joindre à moi pour empêcher un recul supplémentaire de nos plus importantes institutions démocratiques. Merci.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer sans réserve l’amendement du sénateur Plett.

Honorables collègues, lorsque les temps sont difficiles, les gens tenaces doivent passer à l’action. Lorsque notre pays connaît une crise existentielle comme celle qu’il traverse actuellement, ses institutions doivent être prêtes à traverser la tempête. Toutes nos institutions doivent être prêtes à se montrer à la hauteur de la situation, et aucune institution n’est plus importante en période de crise que le Parlement, la Chambre des communes, le Sénat, nos instances judiciaires, nos lois et nos gouvernements. En ces temps difficiles, ces derniers doivent répondre présent et faire preuve de leadership.

Je l’ai dit maintes fois, avec regret : je crois que les Canadiens ont le sentiment que ces institutions — qui ont été mises en place pour assurer le bon fonctionnement de la démocratie et nous permettre de relever les défis qui se posent à nous — les ont abandonnés. Nous le constatons par la frustration toujours croissante envers le gouvernement et ces institutions. Nous le constatons par les manifestations dans les rues partout au pays et par les Canadiens frustrés d’avoir plus de mal que jamais à joindre les deux bouts, à nourrir leurs enfants et à rêver d’un avenir meilleur que celui qu’ont vécu leurs parents.

Étant donné les privilèges dont nous jouissons dans ces institutions, il nous incombe à nous tous de faire figure de chefs de file en cette période. On ne peut pas assurer de leadership quand certaines mesures visent à nous protéger davantage qu’un chauffeur de camion, un employé de pharmacie ou d’épicerie, ou un travailleur d’usine.

Il y a un mois, j’ai mentionné que lors d’un séjour à Montréal, je suis allé visiter l’entreprise Jack Victor qui est établie dans le cœur du centre-ville. Il s’agit d’un fabricant de vêtements qui compte 800 employés qui se présentent tous les matins au travail et font des semaines de 40 heures. Ces gens évoluent les uns près des autres, comme la majorité des travailleurs au Canada.

Mon épouse se lève tous les matins depuis deux ans pour aller à l’Hôpital général juif, où elle fournit des services à de nombreux Canadiens qui ont malheureusement besoin de soins à cause du virus de la COVID. Pourtant, dans cette auguste institution qu’est le Sénat — je l’ai dit précédemment et je le redis —, la productivité a baissé au cours de la crise existentielle la plus aiguë qu’ait jamais connue le Canada. Les comités se réunissent deux fois moins souvent qu’auparavant. Le présent gouvernement affiche un bien piètre bilan législatif pour les sept dernières années, abstraction faite de la COVID. En effet, c’est au cours de ces sept années que le Sénat a présenté le moins grand nombre de mesures législatives du gouvernement depuis sa création il y a 153 ans. Allez faire des recherches à la bibliothèque, vous serez surpris. Cependant, le gouvernement a déboursé des centaines de milliards de dollars pendant une période de travaux plus courte que jamais dans l’histoire de notre pays.

Je l’ai déjà dit et je le répète, chers collègues : chacun d’entre nous, lorsque nous faisons des investissements pour rénover notre maison ou que nous achetons une voiture ou une paire de chaussures, nous y réfléchissons parfois davantage qu’au moment d’attribuer les dizaines de milliards de dollars que nous avons dépensés dans cette enceinte en mesures contre la COVID, sous la menace d’un gouvernement qui nous dit que nous devons défendre les Canadiens. Premièrement, nous n’avons pas été cohérents en tant qu’institution. Voilà pourquoi les Canadiens sont si frustrés. Deuxièmement, une grande partie des mesures que nous avons prises au cours des deux dernières années est sur le point de mener à un taux d’inflation historique, qui mènera à une crise économique historique, de laquelle, encore une fois, cette institution devra en partie rendre compte.

Le leader du gouvernement a pris la parole aujourd’hui et a déclaré que cette motion n’est qu’une mesure à court terme et que le gouvernement ne souhaite pas prolonger les séances hybrides à perpétuité. Cela ressemble à ce que nous avons entendu il y a un mois, lorsque nous avons eu le même débat. Le gouvernement a dit qu’il allait prolonger les séances hybrides pendant un mois. Chers collègues, comme le sénateur Plett l’a si bien souligné dans son discours, dans tout le pays, les professionnels de la santé — les scientifiques qui donnent des conseils aux provinces et qui sont les responsables de donner des conseils sur les soins de santé publique — lèvent maintenant les exigences. Toutes les provinces, les unes après les autres, ont levé les exigences relatives au passeport vaccinal et au port du masque. Elles permettent aux Canadiens de se réunir. Vous avez tout à fait raison, madame la sénatrice, le Parc jurassique est à nouveau ouvert, pleinement opérationnel et rempli de milliers de personnes. Cet après-midi, mon fils assiste à une partie des Blue Jays avec des milliers d’autres personnes au Centre Rogers, à Toronto. Les Canadiens se rendent dans les arénas de toutes les régions du pays — à raison de 20 000 spectateurs par soirée — afin d’assister à des parties de hockey de la LNH et de la Ligue de hockey junior. Les travailleurs sont de retour sur leurs lieux de travail. L’industrie de l’hôtellerie a repris ses activités. Des milliers de Canadiens ont recommencé à se réunir dans un contexte social, que ce soit pour célébrer Pâques, le ramadan et toutes les autres occasions. Pourtant, le Sénat du Canada veut maintenir le statu quo. Nous allons maintenir les exigences. Nous allons continuer de travailler en mode virtuel. Comme je l’ai dit, pour moi, le vrai problème, ce n’est pas que je déteste travailler à distance — j’aime beaucoup le confort de mon foyer, comme tout le monde —, mais, au final, notre rendement n’y est tout simplement pas, chers collègues.

(1620)

Nos comités, qui sont responsables des travaux les plus importants de cette institution, ne produisent simplement pas le travail que l’on nous paie pour accomplir. Cela fait maintenant deux ans que nous tergiversons là-dessus. Je pense que nous devrions donner l’exemple, car les politiciens de ce pays répètent aux Canadiens de se faire vacciner. Plus nous nous ferons vacciner rapidement, plus nous pourrons revenir à la normale rapidement. Eh bien, chers collègues, 83 % ou 84 % des Canadiens ont reçu deux doses de vaccin. J’en connais qui en ont reçu quatre doses. Certains Canadiens ont déjà reçu une quatrième dose. Si les gouvernements disent aux Canadiens de recevoir leurs deux doses pour que nous puissions retrouver une vie normale, mais que nous en sommes encore là avec trois ou quatre doses, alors ce que disent les dirigeants du pays, c’est : « vous, les contribuables, retrouverez la vie normale, mais pas nous. Nous ne bougerons pas et nous continuerons de travailler à capacité réduite. » Cela n’a aucun sens. Je pense que nous devons, en tant que parlementaires, emboîter le pas au reste du pays. Nous devons diriger, mais aussi, au minimum, nous mettre sur le même pied d’égalité que les Canadiens dans leur quotidien.

Nous avons des tests de dépistage rapide. Nous sommes tous des gens matures et intelligents. Ceux d’entre nous qui sont vulnérables devraient prendre ces mesures supplémentaires. C’est ce qui se passe en ce moment alors que notre société apprend à vivre avec la COVID-19. Si la population s’adapte à ces réalités, je ne vois pas pourquoi environ 95 sénateurs n’en feraient pas autant ici, à Ottawa. Si nous attendons cela des Canadiens, je crois que nous devrions en faire autant. Ce ne sont pas les tests de dépistage rapide qui manquent. Ceux d’entre nous qui viennent à Ottawa peuvent faire leur travail sur place — et heureusement, un plus grand nombre l’ont fait dans les derniers mois — tout en prenant des mesures de précaution quand ils se rencontrent, mais nous devons nous remettre au travail. Plus que jamais, le pays a besoin que nous reprenions le travail.

Un autre élément du débat qui me préoccupe — et je l’ai entendu dans le discours que le sénateur Plett a prononcé aujourd’hui, ainsi que de la bouche de plusieurs collègues au cours des derniers jours —, c’est que le Comité de la régie interne n’a pas débattu de cette question. On n’en a pas discuté au Comité de la régie interne. Au bout du compte, je crois comprendre — et il y a longtemps que je siège au Sénat — que ce sont les sénateurs qui dirigent le Sénat. Si des décisions importantes de cette nature — c’est-à-dire si nous devons travailler en mode hybride, à distance et ainsi de suite — ne sont pas prises de façon ouverte et transparente au Comité de la régie interne puis transmises aux divers caucus et groupes à des fins de discussion, c’est qu’il y a un problème. J’ai présidé le Comité de la régie interne pendant un certain nombre d’années. Le Président actuel est en place depuis un certain nombre d’années. Nous avons depuis longtemps une entente au Sénat voulant que le Comité de la régie interne soit un organe de consensus, que le mandataire de cette enceinte travaille en consultation avec les leaders et les divers groupes, et qu’ils prennent des décisions fondées sur le consensus. Non seulement nous nous sommes éloignés de ce principe — ce qui est troublant —, mais le leader de mon caucus et moi n’arrivons pas à comprendre l’élément moteur de cette décision.

Nous parlons de la science, mais laissons cette question de côté. D’un point de vue administratif, je veux savoir qui a pris la décision. Était-ce le leader du gouvernement de façon isolée? Était-ce plutôt le président du Comité de la régie interne qui l’a fait de façon isolée? En ont-ils discuté dans un obscur corridor ou ailleurs? Le sénateur Gold me regarde avec un air perplexe. Je ne connais pas la réponse. Si nous n’avons pas eu de discussion ouverte et transparente au comité au sujet de cette motion en particulier, où en a-t-il été question? Vous pouvez participer au débat, monsieur le leader du gouvernement, et nous éclairer sur ce point. Il demeure que la question est importante. Nous avons été témoins à maintes reprises de l’érosion de ces institutions parlementaires et d’un recul de notre capacité à demander des comptes au gouvernement. Je comprends. Ce n’est pas quelque chose qui plaît à l’organe exécutif du gouvernement.

Nous savons tous que lorsque les chefs de parti occupent les banquettes de l’opposition à la Chambre des communes, ils ont tout le temps voulu pour parler de la démocratie et de l’utilité du Parlement et de toutes les institutions parlementaires. Cependant, dès qu’ils deviennent premiers ministres, ils estiment qu’ils ont un mandat de la population et qu’ils ne devraient pas devoir rendre des comptes à quiconque. Je ne suis pas de cet avis. Pardonnez-moi, mais je crois que nous avons un rôle important à jouer ici. Notre rôle principal ne se limite pas à examiner les projets de loi du gouvernement : nous devons aussi exiger que le gouvernement rende des comptes et lui poser des questions difficiles au sujet des mesures obligatoires, des vaccins, des programmes d’aide en réponse à la COVID et des dépenses pour les mesures de soutien. Notre rôle ne revient pas à tout approuver les yeux fermés.

Je comprends tout à fait que le gouvernement veuille que le Parlement fonctionne de faction de façon hybride ad vitam æternam. Ils peuvent certainement l’imposer à la Chambre des communes, car même si le gouvernement est minoritaire, il y a un gouvernement de coalition entre le NPD et les libéraux, ce qui leur donne carte blanche. J’aime à penser que la plupart des sénateurs sont véritablement indépendants, et qu’ils pensent qu’il est important de demander des comptes au gouvernement, en particulier alors que nous traversons une crise existentielle. Cette mission n’est pas seulement celle d’un petit groupe de sénateurs de l’opposition. Elle nous incombe à tous, en vertu de notre indépendance dans cette enceinte, en vertu de notre mandat, et en vertu du fait que nous ne relevons pas d’un premier ministre, y compris du premier ministre qui a nommé une bonne partie de mes collègues. En vérité, lorsque vous êtes appelés à faire partie de cette institution, vous n’avez de comptes à rendre à personne, à part au peuple canadien. Je prends ce serment très au sérieux et je pense que c’est le cas de la plupart d’entre vous.

Lorsque nous regardons les faits par rapport à la situation actuelle dans notre pays, nous pouvons constater que les exigences ont été levées. Les Canadiens sont retournés au travail. Notre défi est de redevenir une nation aussi productive qu’avant la pandémie. C’est le plus grand défi que nous avons à relever pour notre économie et pour notre peuple, et la productivité du Sénat ne fait pas exception.

Plus que jamais, il est important, du point de vue moral, que nous fassions notre travail avec diligence, de manière concrète, en toute sécurité, en nous respectant mutuellement et en étant conscients des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Toutefois, chers collègues, il est on ne peut plus évident que nous amorçons une nouvelle phase dans cette pandémie. Nous devons en tenir compte et montrer l’exemple en nous y préparant. Cependant, nous devons d’abord rattraper notre retard et nous rallier aux lignes directrices des gouvernements provinciaux, aux conseils des experts en santé publique et à ce que fait le reste du pays.

Pour ces raisons que je tenais à exposer — je n’avais pas prévu d’intervenir dans le débat, mais je tenais à faire part à tous de ces observations importantes —, j’appuierai l’amendement du sénateur Plett. J’estime qu’il est tout simplement logique. Je ne crois pas qu’il soit exagéré. En réalité, le sénateur Plett demande un délai d’une semaine et demie pour faire le travail de diligence qui, à ce qu’il me semble, n’a pas été fait par l’entité administrative du Sénat, le Comité de la régie interne, afin de déterminer si cette mesure extrême, c’est-à-dire le prolongement jusqu’à la fin juin, est réellement nécessaire. En fin de compte, je n’en vois pas la nécessité. Il faudra que quelqu’un réussisse à me convaincre de la nécessité de poursuivre ainsi pour que je change d’idée. Dire que c’est ainsi que la Chambre des communes procède ne suffit pas. Comme je l’ai dit, ce n’est pas parce que la Chambre des communes a décidé de prendre son travail à la légère à des fins d’opportunisme politique que nous devons faire de même.

Étant donné que le Sénat n’a pas fait preuve de la diligence qui s’impose, j’estime que l’amendement du sénateur Plett est très raisonnable et qu’il devrait nous permettre d’avoir en main, à compter du 9 mai, tous les renseignements voulus pour prendre une décision ferme concernant le maintien ou l’abandon du mode de fonctionnement hybride. Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Lucie Moncion : J’aimerais soulever deux ou trois points en ce qui concerne cette motion. Premièrement, la prémisse de cette motion, qui suggère que le seul travail qui peut être fait au Sénat se fait lorsque nous sommes en présentiel à Ottawa, est erronée. Beaucoup de travaux sont effectués lorsque nous sommes en séances hybrides et en présentiel à Ottawa. La prémisse suggérée lors des discours présentés en ce qui concerne les travaux du Sénat est, à mon avis, erronée.

(1630)

Le second commentaire que je voudrais faire porte sur la modernisation, autrement dit sur les technologies modernes. On sait désormais qu’on peut faire nos transactions bancaires en ligne, qu’on peut faire des achats ou se commander un repas en ligne; la pandémie nous a donné la chance de travailler autrement, de nous brancher et de rester tous connectés les uns aux autres.

On sait que la pandémie nous a donné l’occasion de rester productifs tout au long de la pandémie et de faire notre travail, tant notre travail au Sénat et au sein des comités que les travaux personnels que nous faisons tous chacun de notre côté. Je crois que dire que notre productivité a baissé est une affirmation qui n’est pas justifiée.

Peut-être que la productivité de certains sénateurs a baissé, mais ce n’est pas le cas pour la majorité d’entre nous. Notre productivité a augmenté, car nous avons organisé des rencontres et nous avons continué de voir des représentants de tous nos groupes d’intérêt. Nous avons aussi continué à travailler sur des projets de loi, tout comme nous avons développé des projets de loi qui étaient d’intérêt public.

Donc, à mon avis, notre productivité n’a pas baissé, et le fait que nous ne soyons pas à Ottawa ne nous rend pas moins productifs. Nous sommes en mesure d’utiliser les technologies modernes, d’avoir accès à tous nos collègues en même temps et d’être productifs et autonomes, que nous soyons sur place à Ottawa ou dans le confort de nos maisons, comme le disent certains. On semble dire que le seul travail que l’on fait est celui qui se fait en personne, ce qui me ramène aux arguments que je viens d’évoquer.

L’autre élément en ce qui concerne la motion est que l’on donne une semaine, environ 10 jours, pour respecter la série d’exigences qui sont associées à cette motion. Je crois que 10 jours ne sont pas suffisants pour obtenir toutes les informations demandées. Demander une prolongation qui nous permettrait de siéger en mode hybride jusqu’à la fin du mois de juin est une requête qui me semble acceptable.

Le fait que l’on donne jusqu’au 9 mai est une façon de limiter, si vous voulez, ou d’utiliser le temps important et limité que nous avons pour débattre de projets de loi pour recommencer à discuter de cette motion, qui nous demande encore une fois de tenir des séances et des réunions en mode hybride. De mon côté, je voterai donc contre cet amendement et je voterai en faveur de la proposition originale. Je vous remercie.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Moncion, acceptez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Moncion : Bien sûr.

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Sénatrice Moncion, vos propos me désarçonnent. Puisque vous venez du secteur bancaire, je croyais que vos connaissances mathématiques étaient plus avancées. Vous avez parlé de productivité. Avant la pandémie, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunissait entre quatre heures et six heures par semaine.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Boisvenu, avez-vous une question?

Le sénateur Boisvenu : Oui, j’ai une question. Puis-je avoir un préambule de 30 secondes, s’il vous plaît? Ma question est la suivante. La sénatrice a dit que nous pouvions être aussi productifs maintenant qu’auparavant. Voici deux exemples. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunissait auparavant de quatre à six heures par semaine; il se réunit maintenant deux heures par semaine. Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunissait quatre heures par semaine; maintenant, on parle de deux heures par semaine. Nous passons donc entre 30 et 60 % moins de temps dans les comités, où se fait le vrai travail. Vous dites que nous pouvons être aussi productifs, mais n’ai-je pas démontré le contraire de ce que vous avez affirmé?

La sénatrice Moncion : Je vous remercie de votre question, sénateur Boisvenu. Si vous parlez de productivité et que vous ne faites l’analyse de la productivité qu’en vous basant sur le temps passé en comité, je crois que votre prémisse — ou votre schème de pensée — est associée au fait que vous croyez que le seul travail que nous faisons se fait en comité. C’est dommage. Vous et moi savons très bien que nous avons travaillé sur le projet de loi au sujet des membres du jury et que plus de 90 % de notre travail ne s’est pas fait en comité. Vous travaillez actuellement sur une série de projets de loi que vous voulez présenter, et je fais la même chose du côté des universités et dans d’autres domaines; ce travail-là ne se fait pas en comité.

Lorsque nous travaillons en comité, nous travaillons sur des projets de loi qui se sont rendus à l’étape de l’étude en comité. Au cours des deux dernières années, nous avons fait moins de travail au sein des comités, mais beaucoup de travaux se sont effectués dans d’autres domaines. Vous, sénateur Boisvenu, êtes un excellent exemple de la grande quantité de travail que vous avez fait, même si vous n’étiez pas en comité ou que vous n’étiez pas au Sénat. Vous avez travaillé dans votre bureau, à Ottawa ou chez vous, pour faire avancer vos dossiers. Donc, il faut prendre en considération que la productivité ne se calcule pas nécessairement seulement avec nos interventions ou nos réunions de comité, ou même en personne au Sénat.

Le sénateur Boisvenu : Ma prochaine question est tout aussi simple. Selon votre démonstration, ai-je bien compris que vous avez dit que notre devoir de législateurs est secondaire, ici au Sénat, par comparaison avec d’autres activités de nature plus sociale ou plus professionnelle?

La sénatrice Moncion : Ce n’est pas le cas et ce n’est pas ce que j’ai dit, sénateur Boisvenu.

De plus, j’éliminerais le « côté social » de ma réponse, parce que pour moi, le travail que nous faisons au Sénat n’est pas un travail social. Il est bien davantage un travail professionnel et législatif. Non, je ne suis pas d’accord avec votre affirmation; ce que je vous dis, c’est qu’il y a d’excellents travaux, d’importants travaux, des travaux nécessaires qui se font au sein des comités, mais qu’il y a des travaux qui se font ailleurs également.

[Traduction]

L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l’amendement du sénateur Plett à la motion concernant les séances hybrides du Sénat.

J’appuie l’amendement parce que j’apprécie la prise de décisions fondées sur des données probantes. Nous avons peut-être tous nos opinions et nos préférences concernant les séances hybrides ou en personne, mais c’est la science qui devrait orienter nos décisions.

C’est ce que demande l’amendement du sénateur Plett : les données qui nous fourniront les renseignements nécessaires à l’élaboration des lignes directrices qui s’imposent. Ce n’est qu’une fois que nous disposerons de ces données que nous pourrons être certains de prendre la décision la plus sage.

En tant qu’épidémiologue, je prends au sérieux la recherche — en constante évolution — qui oriente les décisions des responsables de la santé publique lors de l’élaboration des protocoles et des précautions sanitaires relatifs à la COVID-19. Il s’agit d’outils essentiels, toujours fondés sur la science, qui alimentent notre prise de décision et qui sont souvent mis à jour. Ces protocoles sont destinés à protéger les Canadiens des pires conséquences de la pandémie : la maladie grave et la mort.

(1640)

Nous entendons souvent des gens critiquer les lignes directrices relatives à la COVID parce qu’elles ont changé au fil du temps. C’est pourtant l’essence même de la science. Dans le cas de la COVID-19, il y a plus de deux ans, nous avons commencé à étudier un nouveau coronavirus, qui était essentiellement inconnu.

Notre expérience des pandémies aurait pu mieux éclairer notre prise de décision. En 2010, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a effectué un examen complet de la réponse du Canada à la pandémie de grippe H1N1 de 2009. À titre de membre de ce comité, j’ai eu l’occasion de participer à cette étude.

Le rapport final, intitulé La réponse du Canada à la pandémie de grippe H1N1 de 2009, publié en décembre 2010, comprenait 17 recommandations clés visant à renforcer le futur plan de préparation du Canada en cas de nouvelle pandémie. Bien que la pandémie de H1N1 n’ait pas eu la même incidence mondiale que la pandémie de COVID-19, les leçons apprises sont inestimables.

Je tiens à réitérer qu’il est vrai que la recherche scientifique sur une question donnée évolue au fil du temps et que les données probantes ne cessent de s’accumuler. Il est également vrai que certaines études se contredisent. Il y a toujours des études aberrantes. Cependant, les responsables de la santé publique ne peuvent pas se permettre d’attendre que la science évolue pour proposer des approches efficaces visant à détecter et à gérer une pandémie. Ils doivent mettre en œuvre continuellement des plans fondés sur une quantité croissante de données probantes cumulées qui fournissent les meilleures informations dont nous disposons à ce moment-là.

Cela ne signifie pas que les conseils de demain ou de la semaine prochaine seront les mêmes, car les responsables de la santé publique doivent faire preuve de suffisamment de souplesse pour mettre à jour continuellement leurs conseils.

Au cours de la pandémie, nous avons vu les responsables de la santé publique changer leurs conseils à plusieurs reprises. Au début, ils nous ont dit qu’il n’était pas nécessaire de porter un masque. Cependant, après que les données probantes se sont accumulées, ils nous ont dit que les masques fournissaient une couche de protection importante. Ils nous ont même donné des renseignements à jour sur les types de masques que nous devrions utiliser selon les circonstances.

Il y a deux ans, ils nous disaient de désinfecter les surfaces puisque le virus pouvait survivre longtemps sur certaines d’entre elles. Pour se protéger, les gens allaient même jusqu’à désinfecter leurs aliments. Au fur et à mesure que les données probantes se sont accumulées, il est devenu évident que nous devions nous inquiéter de la transmission par aérosol plutôt que de la transmission par matière contaminée.

C’est un exemple de la façon dont fonctionne la santé publique. On doit prendre des décisions en fonction des meilleures données probantes du moment. C’est un processus incessant de collecte de données et de probabilités. En toute honnêteté, la certitude est rare. Il faut néanmoins l’accepter et prendre des décisions importantes.

Même en ce moment, après plus de deux ans de ce nouveau coronavirus qui circule sur la planète, nous savons que les incertitudes au sujet de la COVID-19 ne cessent de s’accumuler : efficacité des vaccins de rappel, durée des périodes d’immunité et niveau d’infectiosité et de mortalité du variant Omicron et des autres variants. Selon les données accumulées jusqu’à présent, toutefois, on constate que le variant Omicron a des conséquences moins graves pour la santé et qu’il entraîne moins d’hospitalisations, de visites aux soins intensifs et de décès. La santé publique continuera donc de publier des conseils à jour.

Vous avez peut-être entendu dire que la courbe du taux d’incidence des cas de cette sixième vague est en train de s’aplatir un peu partout au Canada. Par exemple, certains disent que jusqu’à 30 % de la population de l’Ontario aurait contracté le variant Omicron. Nous savons toutefois qu’il ne s’agit que d’estimations, car les tests de dépistage n’ont pas été menés de façon uniforme. En fait, la plupart des gens utilisent maintenant des tests de dépistage rapide, dont les résultats ne sont pas du tout déclarés à la santé publique.

Donc, la pandémie d’aujourd’hui n’est pas la même que celle de l’an dernier. Les responsables de la santé publique d’un bout à l’autre du pays, dans chaque province et territoire, ont modifié leurs conseils pour tenir compte de l’évolution des données probantes et de la recherche. Toutefois, chers collègues, nous ne disposons pas encore de preuves pour affirmer avec une profonde certitude que la pandémie tire à sa fin. Alors nos décisions demeurent fondées sur les données cumulées.

Chers collègues, puisque nous nous trouvons à la croisée des chemins, je pense que nous pourrions apporter un ajout à cet amendement. Ainsi, j’aimerais proposer un sous-amendement.

Comme nous le savons tous, le Canada a une administratrice en chef de la santé publique, la Dre Theresa Tam. Dans le cadre de ses fonctions, elle est la principale experte en matière de santé publique du gouvernement fédéral et elle nous a aidés à traverser la pandémie. Le rôle de la Dre Tam est de conseiller le ministre de la Santé et le président de l’Agence de la santé publique du Canada sur les questions relatives à la santé. Elle travaille également en collaboration avec les autres ordres de gouvernement, les administrations, les organismes, les agences et les autres pays en ce qui concerne les enjeux de santé, en plus de préparer un rapport annuel sur l’état de la santé publique au Canada.

En raison de son rôle et de ses responsabilités, elle est tenue de demeurer bien au fait des dernières données sur la santé et de prodiguer des conseils pour les intégrer de manière pratique dans la lutte contre la pandémie.

À mon avis, ses conseils seraient très précieux pour nous.

Dans le cadre de notre collecte de données sur lesquelles prennent appui nos décisions, mon sous-amendement propose seulement d’inviter la Dre Tam à nous conseiller sur les risques entourant le retour exclusif aux séances en personne au Sénat et le moment opportun pour le faire. Cet ajout a simplement pour but d’obtenir les conseils de la plus haute autorité en matière de santé publique au pays avant de prendre notre décision.

Motion de sous-amendement—Report du vote

L’honorable Judith G. Seidman : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion d’amendement ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1. par adjonction, après le point b) de l’amendement, du nouveau point c) suivant :

« c)une lettre de la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada, décrivant comment le fait que le Sénat siège uniquement en personne contreviendrait aux directives émises par son bureau »;

2.en changeant la désignation alphabétique des points c) et d) de l’amendement par celle des points d) et e).

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Seidman, avec l’appui de l’honorable sénateur Wells, propose :

Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion d’amendement ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1. par adjonction, après le point b) de l’amendement, du nouveau point c) suivant :

« c)une lettre de la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada, décrivant comment le fait que le Sénat siège uniquement en personne contreviendrait aux directives émises par son bureau »;

2.en changeant la désignation alphabétique des points c) et d) de l’amendement par celle des points d) et e).

Nous passons au débat.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’interviens pour participer au débat sur le sous-amendement de la sénatrice Seidman et pour faire quelques remarques générales sur l’évolution du débat jusqu’ici.

Je tiens tout d’abord à remercier le sénateur Plett de son discours, qu’il a présenté avec toute la passion et la conviction à laquelle nous pouvions nous attendre, et de sa suggestion pour la suite des événements. Je remercie aussi la sénatrice Seidman d’ajouter une autre facette.

Cela dit, à titre de représentant du gouvernement, je m’oppose au sous-amendement proposé.

Chers collègues, je tiens à rappeler que le processus qui nous amène à ce point aujourd’hui — ou qui nous y a menés hier, quand j’ai déposé la motion qui a depuis fait l’objet d’un amendement et d’un sous-amendement — fait suite à de sérieuses discussions qui ont été précédées de consultations, et que ce processus est fondé sur la compréhension de données et de renseignements sur la santé publique qui sont, en partie, à la disposition du public. La sénatrice Seidman a fait remarquer avec justesse que la science n’est pas une science exacte, si je peux interpréter ses propos ainsi. Pensons, par exemple, aux estimations que nous devons tirer des eaux usées parce que nous n’avons plus la capacité pour mener des tests.

(1650)

Il est important de comprendre ce que nous savons et de connaître les limites de notre savoir. La décision de proposer la prolongation des séances hybrides jusqu’au 30 juin a été prise dans un souci de prudence et de précaution, par égard pour la santé et la sécurité des sénateurs, de leurs familles et de leur personnel. Cela demeure, même si nous ne sommes pas d’accord en ce qui concerne le niveau de risque. Je pense que nous partageons tous cette préoccupation, comme il se doit, en tant que citoyens et parlementaires responsables.

Tous les groupes se sont consultés, ont négocié et travaillé de bonne foi pour parvenir au texte dont j’ai parlé et qui a été présenté aujourd’hui. Je ne répéterai pas mon discours, rassurez-vous. Le texte se voulait un moyen d’établir un équilibre entre les besoins d’augmenter la durée des séances du Sénat et des réunions des comités et de maintenir les séances hybrides pour les semaines qui restent d’ici au 30 juin. C’est une position qu’appuient trois des quatre groupes outre le bureau du représentant du gouvernement au Sénat.

Je n’essaie pas de défendre une position idéologique à cet égard. J’essaie d’être pragmatique et d’être respectueux — comme j’ai tenté et je tenterai toujours de l’être — à l’égard du Sénat et de son pouvoir de prendre la décision finale sur la façon dont il veut s’organiser. Cependant, à l’heure actuelle, je crois vraiment qu’il est raisonnable de se pencher sur l’importance de ne pas priver les sénateurs de leurs droits. C’est pourquoi je crois quand même que la solution proposée dans la motion dont nous sommes saisis, qui sera en vigueur jusqu’à la fin de juin, est la meilleure solution.

Soyons clairs. Il ne s’agit pas là d’une politique gouvernementale. La décision de tenir des séances hybrides et de prolonger l’application de ce modèle a été prise par le Sénat. En effet, le modèle hybride a été conçu au Sénat et par le Sénat. L’information en matière de santé et de sécurité sur laquelle je me suis fondé pour en arriver à la conclusion établie n’a pas été fournie par le Cabinet du premier ministre. Elle a été fournie par le Sénat et par le Comité exécutif du Sénat.

Si le Sénat veut qu’on reprenne les séances en personne, ce sera à lui de décider. Nous n’allons pas nous y opposer. La décision ne nous appartient pas. Le Sénat a décidé collectivement d’adopter ce modèle jusqu’à présent, et j’encourage les sénateurs à maintenir cette façon de faire jusqu’à la fin de juin.

Je vais voter contre cet amendement. Nous avons passé beaucoup de temps là-dessus, et je ne parle pas seulement d’aujourd’hui. Il est temps que nous nous concentrions sur le travail que nous avons à faire, que ce soit en comité ou au Sénat, et que les séances soient hybrides ou non. Nous avons du travail à faire pour étudier des projets de loi et des politiques publiques, et je crois qu’il est vraiment temps que nous le fassions.

À ceux qui appuient la proposition, je dirai respectueusement que je vais voter contre cet amendement, et j’encourage les autres à faire de même.

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Housakos, voulez-vous poser une question ou intervenir dans le débat?

L’honorable Leo Housakos : Le sénateur Gold accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Gold : Bien sûr.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, je voudrais comprendre clairement ce que vous avez dit. La motion n’a pas été débattue au Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. Ce comité n’a pas fait comparaître de hauts fonctionnaires ou de responsables de la santé pour débattre de la motion ou tirer une conclusion. La motion ne repose pas sur un examen mené par le comité à la suite de discussions avec les membres des caucus. La motion que vous avez présentée est une motion du gouvernement. Pourtant, vous nous dites qu’elle n’a rien à voir avec le gouvernement. Comment expliquez-vous cela?

Le sénateur Gold : Non. En fait, j’ai dit que la décision de promouvoir la prolongation du format hybride se fonde sur des informations sur la santé qui nous ont été fournies par le Sénat, et non pas par le Cabinet du premier ministre. Ensuite, j’ai dit que cette décision avait reçu l’aval des dirigeants de trois des quatre groupes, lesquels se sont tous penchés sur la motion à l’étude.

Donc, ce que je vous dis, c’est que cette motion est sans conteste une motion du gouvernement, car j’ai voulu, comme je l’ai déjà fait dans le passé, m’assurer, lorsque le Sénat arriverait à un consensus — ce qui me semblait être le cas lorsque j’ai déposé la motion hier — de faire en sorte que la motion soit débattue et adoptée rapidement et efficacement, comme le sont les motions du gouvernement.

Si nos règles étaient différentes, je soupçonne que la motion aurait pu être présentée par quelqu’un d’autre. Mais dans le cas d’une motion raisonnable, comme l’est la motion que je vous ai présentée, je voterais en sa faveur.

J’espère que cela répond à votre question.

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, plus tôt aujourd’hui, dans votre discours sur les séances hybrides, vous avez dit que nous ne vouliez vraiment pas que les séances hybrides deviennent permanentes, mais je pense que vous avez un peu montré votre jeu vers la fin de ce discours, quand vous avez dit qu’il était question de prolonger cette situation au moins jusqu’à la fin de juin. Jusqu’à quand voulez-vous vraiment prolonger les séances hybrides? Vous avez vraiment dit au moins jusqu’à la fin de juin.

Le sénateur Gold : Oui, merci de le mentionner. Je me suis dit, en lisant cela, que ce n’était pas tout à fait ce que je voulais dire.

Il n’y a pas d’intentions cachées ici. Je l’ai dit clairement, et je vais le dire clairement en répondant à votre question : la seule chose qui nous préoccupe et qui devrait nous préoccuper, c’est si les séances hybrides devraient se poursuivre jusqu’au 30 juin. Ce n’est pas la position du bureau du représentant du gouvernement au Sénat ni la position du gouvernement de présenter un écran de fumée.

Il faut nous concentrer à déterminer si, entre maintenant et la pause estivale, nous pouvons travailler dans un environnement sécuritaire et approprié. C’est la position du gouvernement et c’est aussi la mienne. Merci de m’avoir permis d’éclaircir ce détail.

Des voix : Le vote!

La sénatrice Batters : Aussi, dans les commentaires que vous venez de faire, vous avez indiqué que l’information sur la santé que vous avez fournie émanait du Sénat et non du Cabinet du premier ministre ou quelque chose du genre. Cette information sur la santé concerne-t-elle seulement le nombre total de personnes qui ont contracté la COVID au Sénat et dans la Cité parlementaire ces derniers temps? Est-ce de cette information sur la santé que vous parlez?

Sénateur Gold, ne convenez-vous pas que ce que le sénateur Plett et maintenant la sénatrice Seidman demandent, c’est de l’information sur la santé qui concerne les lignes directrices et les opinions du gouvernement fédéral sur la manière de tenir des rencontres en personne de façon sécuritaire? Voilà le type d’information que nous demandons. La sénatrice Seidman demande une lettre de la Dre Theresa Tam, l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, expliquant comment nous pouvons nous y prendre. Voilà le type d’information sur la santé qu’il nous faut.

Est-ce que l’information sur la santé dont vous avez parlé se limite à la somme des personnes ayant contracté la COVID, en précisant s’il ne s’agissait que d’un test positif avec symptômes mineurs ou de personnes étant gravement malades à cause de la COVID?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je veux encore une fois être bien clair : ma réponse s’inscrivait dans le contexte d’allégations ou d’insinuations selon lesquelles il y aurait eu une sorte de plan secret — le sénateur Housakos s’est demandé tout haut si de telles rencontres avaient eu lieu. La réponse est non.

L’information qui m’a permis de conclure qu’il était approprié de prolonger les séances hybrides — et c’est probablement le cas pour les autres sénateurs et leaders qui appuient la prolongation jusqu’en juin — provient de diverses sources. Il y a l’information du Sénat sur les cas dans la Cité parlementaire. Il y a les données publiques sur la situation non seulement à Ottawa ou en Ontario, mais également ailleurs au pays. Il faut aussi tenir compte de ce que nous ignorons, comme je l’ai dit plus tôt à la sénatrice Seidman : nous devons deviner la gravité réelle de la situation en utilisant les extrapolations à partir des données sur les eaux usées parce que nous ne faisons pas de dépistage.

C’est l’information qui était disponible pour prendre une décision éclairée.

(1700)

La sénatrice Batters : Sénateur Gold, si vous vous souciez à ce point d’obtenir les données appropriées sur la santé et de prendre une décision prudente, pourquoi ne seriez-vous pas d’avis que le genre d’information demandé dans les amendements du sénateur Plett et de la sénatrice Seidman correspond exactement à ce que vous souhaiteriez avoir? On parle de directives et d’opinions à jour de la santé publique du gouvernement fédéral sur les façons appropriées et sécuritaires d’avoir des réunions en personne. En tant que leader du gouvernement au Sénat, vous devriez facilement être en mesure d’obtenir de tels documents pour nous.

Le sénateur Gold : Comme je l’ai mentionné plus tôt dans mon discours ou en réponse à une question — je suis désolé, je ne me souviens pas exactement dans quel contexte c’était —, nous avons passé beaucoup de temps à débattre de cette question au lieu de nous occuper des enjeux pour lesquels on nous a nommés au Sénat. Je persiste à croire que nous avons toute l’information voulue pour justifier la prolongation relativement brève de deux mois demandée dans la motion. Je crois que ce serait faire un bien meilleur usage de notre temps que de régler cette question et de prolonger les séances hybrides de deux mois afin d’éviter de continuer la semaine prochaine et la semaine subséquente à parler de cette question au lieu de faire notre travail de sénateurs.

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Sénateur Gold, croyez-vous comme moi qu’il y a une certaine confusion dans ce débat quant au rôle du Comité de la régie interne dans la détermination du fonctionnement du Sénat et au fait qu’il revient au Sénat de déterminer son fonctionnement?

De plus, votre motion principale précise que la prolongation des séances hybrides ne se rend que jusqu’à la fin du mois de juin — le libellé dit « le 30 juin », pas « au moins » jusqu’au 30 juin; diriez-vous qu’il y a redondance dans le sous-amendement de la sénatrice Seidman, puisque la motion du sénateur Plett demande déjà que soient déposés tous les avis et directives des responsables de la santé publique du gouvernement fédéral, ce qui inclurait nécessairement l’avis de la Dre Tam?

Le sénateur Gold : Je suis entièrement d’accord avec vous. Merci de l’avoir exprimé plus élégamment que je n’aurais pu le faire.

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j’ai une question. Sénateur Gold, convenez-vous que tous les leaders se sont rencontrés lundi, mardi et mercredi de cette semaine pour mettre au point la motion que vous nous avez présentée hier? Tous les leaders ont participé à l’élaboration de la motion que vous nous avez présentée hier. Trois des quatre leaders — en dehors de vous-même — ont soutenu cette motion que vous nous avez présentée au Sénat hier. Et tous les leaders, comme je l’ai déjà dit, ont participé à la rédaction de cette motion que vous avez déposée en notre nom à tous.

Le sénateur Gold : C’est exactement cela, merci de votre intervention. Je suis reconnaissant envers tous les leaders d’avoir fait preuve de collaboration et de bonne volonté pour trouver un compromis afin d’élaborer cette motion qui — je pense — est appropriée. Même si j’imaginais bien qu’elle n’allait pas forcément plaire à l’opposition, j’espérais néanmoins que nous pourrions voter rapidement après en avoir débattu. J’espère encore que nous pourrons y arriver.

La sénatrice Cordy : En outre, lorsque je regarde la motion originale puis la seconde, cela me donne l’impression d’un travail artificiel. Comme lorsqu’il pleut et qu’on essaie d’occuper les enfants, et qu’on finit par leur donner des recherches à faire sur Internet. Ne croyez-vous pas que les renseignements demandés sont très faciles à trouver sur Internet?

Sénateur Gold, je sais que nous avons surtout parlé des chiffres en Ontario et au Québec, puisque nous nous trouvons à Ottawa. Or, j’ai regardé les chiffres pour la semaine du 11 au 18 avril dans ma province, la Nouvelle-Écosse, parce qu’il faut garder à l’esprit que nous devons voyager. Je ne viens pas de l’Ontario ou du Québec. Je viens de la Nouvelle-Écosse. La semaine dernière, en Nouvelle‑Écosse, il y a eu 7 508 nouveaux cas. En moyenne, cela représente — pour la semaine dernière — 1 073 nouveaux cas par jour, 84 admissions à l’hôpital, 64 personnes hospitalisées et 13 décès dans cette petite province qu’est la Nouvelle-Écosse. Êtes-vous d’accord pour dire que nous ne devons pas nous limiter aux chiffres de l’Ontario et du Québec, mais que nous devons aussi être au courant de la situation dans le reste du pays?

Le sénateur Gold : Je suis tout à fait d’accord. Merci.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je n’avais pas l’intention de poser de question, mais comme je vois tous les leaders s’y mettre, j’aimerais faire quelques remarques.

Des voix : Oh, oh.

Le sénateur Plett : Sachez que je pourrais vous distraire pendant encore une heure et demie étant donné que mon temps de parole est illimité, même pour une intervention au sujet de ce sous-amendement, mais je préfère poser deux questions au sénateur Gold.

Sénateur Gold, quelle est votre définition de consensus? C’est ma première question; j’en ai une deuxième.

Le sénateur Gold : D’où je viens, la tradition veut que l’on réponde à une question par une question. Je n’ai pas du tout parlé de consensus. J’ai parlé de consultation. Est-ce de cela que vous voulez parler, sénateur?

Le sénateur Plett : Je crois que si nous réécoutons le débat demain, vous constaterez que vous avez clairement employé le mot « consensus » lorsque vous avez dit avoir obtenu le consensus parmi les leaders.

Le sénateur Gold : Effectivement. Merci de me le rappeler. Il y avait consensus parmi les leaders concernant le libellé de la motion. C’est de cela que je parlais. J’ai également précisé, en réponse à une question qui vient de m’être posée, que je ne m’attendais pas nécessairement à ce que la motion plaise à l’opposition. Vous avez exprimé très clairement votre opposition au format hybride. Néanmoins, j’estime que la chose appropriée à faire pour le Sénat et les Canadiens est de nous permettre de voter sur l’amendement que j’ai proposé et de le faire dans le contexte d’une séance hybride à laquelle tous les sénateurs pourraient participer.

Le sénateur Plett : Permettez-moi de vous poser la question suivante : ai-je dit à un moment quelconque — et je ne vais pas parler de nos conversations personnelles — que j’appuierais cette motion? Ai-je fait quelque chose en ce sens? Si tel est le cas, j’aimerais savoir ce que j’ai fait. Sénateur Gold, j’ai dit clairement depuis le début que je n’appuyais pas cette motion.

La réalité, c’est que j’ai essayé d’être aimable, de faire preuve d’esprit d’équipe et de travailler sur le texte, car je réalise que nous ne sommes plus majoritaires au Sénat. Je comprends cela. Je comprends que lorsque de telles questions seront mises aux voix, je ne serai probablement pas du côté qui remportera le vote. Comme je vous l’ai dit, l’espoir fait vivre. Ce qu’il faut toutefois retenir, c’est que j’ai compris que nous perdrons probablement le vote. J’ai donc collaboré avec vous parce que je me disais que, si j’allais perdre le vote, je voulais au moins contribuer à une partie du texte de la motion. Vous ne cessez de dire le texte de la motion et c’est injuste. J’ai largement contribué à une partie du texte de la motion. D’ailleurs, je dirais que la majorité du texte découle de mes suggestions. J’en suis heureux. Je suis heureux que mes suggestions fassent au moins partie du texte même si nous perdons le vote sur cette motion, car cela permettra au moins aux comités de faire un meilleur travail que ce qu’ils faisaient jusqu’à maintenant. Il ne sera pas aussi bon qu’il devrait l’être, mais il sera meilleur que ce qu’il a été jusqu’à maintenant.

N’êtes-vous pas d’avis, sénateur Gold, que c’est ce que je vous ai dit dès le début, et qu’il n’est pas juste de votre part de laisser entendre au Sénat que, puisque trois ou quatre leaders disent qu’ils sont d’accord avec vous, cela devrait compter pour le vote, que nous ne devrions pas tenir de débat au Sénat et que nous ne devrions pas voter contre la motion? À mon avis, c’est ce que vous semblez insinuer.

Le sénateur Gold : Merci, sénateur, mais ce n’est pas ce que je voulais insinuer. Au contraire, je signalais simplement que la motion que j’ai présentée était le fruit de discussions entre tous les groupes. Je vais aussi respecter la confidentialité de nos conversations, mais je ne crois pas avoir dit au Sénat que je présumais que vous appuieriez la motion. Si le hansard indique le contraire, permettez-moi de m’en excuser à l’avance, mais je ne crois pas avoir dit cela.

(1710)

Comme je l’ai dit — je me répète inutilement —, je crois simplement qu’il faut un débat approprié. Nous sommes en plein débat, ce que j’apprécie, et nous devrions pouvoir parvenir à l’étape du vote afin de résoudre la question et enfin nous concentrer sur le travail qu’on nous a demandé de faire.

Le sénateur Housakos : Honorables sénateurs, je suis encore une fois quelque peu perturbé par le débat entre les leaders au Sénat. Sénateur Gold, vous avez été très rapide à acquiescer aux propos de ma collègue la sénatrice Saint-Germain concernant le fait que le Comité de la régie interne et tous les autres comités sont soumis à l’autorité du Sénat. Bien entendu, ce sont les sénateurs qui choisissent à quel moment le Sénat a le pouvoir de diriger et de guider les comités.

Comme je l’ai dit plus tôt dans mon discours, le Comité de la régie interne est l’organe administratif de cette Chambre. Monsieur le leader du gouvernement, je trouve quand même perturbant que les membres de ce comité n’aient pas traité une question aussi importante qui relève de leur compétence avec transparence, ardeur et ouverture avant qu’elle ne soit soumise au Sénat, qui est l’autorité finale.

Ma question à votre intention, monsieur le leader, est la suivante : pourquoi avez-vous présenté cette motion à la hâte au Sénat sans qu’elle ait fait l’objet d’un examen et d’un débat appropriés au Comité de la régie interne? Ne convenez-vous pas également qu’avant que le gouvernement ne prenne quelque mesure que ce soit pour réduire la capacité du Sénat de fonctionner à 100 %, vous devriez consulter le Comité de la régie interne et toutes les personnes concernées avant de présenter une telle motion du gouvernement?

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour votre question. Je crois comprendre que cela ne relève pas du Comité sénatorial de la régie interne, des budgets et de l’administration, et que par conséquent, celui-ci n’a pas été consulté. À cet égard, je maintiens ce que j’ai dit, à savoir que je crois que la motion que j’ai présentée est le fruit d’une consultation appropriée que nous étions tenus de faire, comme l’indique la motion, et qu’elle est appropriée pour le Sénat.

Concernant votre question sur la précipitation, nous sortons tout juste d’une pause parlementaire de deux semaines, de sorte que nous n’avions que cette semaine de séance pour décider de prolonger ou non les séances hybrides. Croyant, comme d’autres dirigeants, qu’il était approprié de les prolonger, j’ai présenté la motion presque à la première occasion. En fait, je n’ai pas donné de préavis pour cette motion, car les dirigeants étaient engagés dans des discussions pour tenter de l’améliorer. Par respect pour ce processus et pour témoigner de ma gratitude, j’ai attendu un jour avant de donner un préavis, puis j’ai donné un préavis d’un texte que trois dirigeants ont approuvé complètement et qu’un dirigeant, selon le sénateur Plett, n’a approuvé que partiellement.

Le sénateur Housakos : Encore une fois, avec tout le respect que je vous dois, monsieur le leader, le Comité de la régie interne peut se réunir n’importe quand, comme vous le savez. Si cette question est si importante, pourquoi avez-vous attendu jusqu’à la dernière minute pour présenter cette motion? Avec tout le respect que je vous dois, pour des décisions de ce genre — qui sont très importantes —, personnellement, je ne crois pas qu’il faut les prendre en vase clos entre leaders. Ce sont des décisions qui répercutent sur le Sénat et qui devraient respecter le protocole administratif. Le Comité de la régie interne avait l’autorisation de se réunir même pendant la relâche. Il avait l’autorisation d’examiner cette motion de façon appropriée et d’en faire rapport au Sénat avec des recommandations dont nous aurions pu débattre en conséquence.

Le sénateur Gold : Je crois que j’ai répondu à la question. Je n’ai vraiment rien d’autre à ajouter à la réponse que j’ai donnée.

Des voix : Le vote!

L’honorable Frances Lankin : J’aurais des questions à propos de quelques points. Je commencerai par ce que j’ai entendu et compris au sujet du processus.

Certains éléments de la motion que vous avez proposée contiennent le début d’un plan de transition, pour ce qui est de l’augmentation des heures consacrées aux comités sénatoriaux. Le sénateur Plett a participé à ces réflexions, d’après ce que j’ai entendu; je m’en réjouis, je tiens à le dire. Il m’apparaît important de prévoir une certaine transition et de pouvoir mieux comprendre et mieux saisir les possibilités dont nous disposons, par exemple pour accomplir le travail crucial lié à la Loi d’exécution du budget et à d’autres dossiers.

S’agit-il du seul aspect qui ne faisait pas l’unanimité? Ou, comme cela se produit habituellement dans les rencontres de leaders, y avait-il aussi une entente sur la façon de procéder, c’est-à-dire que la proposition serait déposée, qu’elle serait mise aux voix à un moment donné, qu’il y aurait peut-être un vote par appel nominal et une dissidence? Je ne comprends pas. Normalement, quand il y a une entente de ce genre, elle s’accompagne d’une entente sur le processus à suivre.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Tout en m’efforçant de respecter la confidentialité de l’entente, je peux dire que non, c’est nous qui présentons la motion. Je l’ai déposée sans qu’il y ait vraiment d’entente sur la structure exacte du débat ou sur ce que les gens diraient. Je n’avais pas connaissance de possibles amendements ou tactiques.

La sénatrice Lankin : Votre Honneur, je m’intéresse aussi à la transition, car je ne crois pas qu’il s’agisse seulement de reprendre les activités d’un plus grand nombre de comités. Par exemple, on pourrait considérer... Quelqu’un de la Chambre de communes m’a dit que son caucus revenait aux séances en personne, sauf pour les membres qui ont des problèmes de santé, comme une personne dont le système immunitaire serait compromis par des traitements contre le cancer. Ce serait reconnu comme une sage décision en matière de protection de la santé publique de permettre à une telle personne de continuer à travailler et à être productive, d’augmenter ou de maintenir sa productivité, en l’autorisant à travailler à distance.

Dans une transition, après juin, il faudrait... Y a-t-il eu des discussions ou envisageriez-vous de diriger des discussions avec les autres leaders au sujet de telles dispositions? Dans quelles circonstances une personne pourrait-elle continuer — lorsque c’est justifié — à travailler à distance, sans être pénalisée pour des questions d’assiduité et de participation ou critiquée parce qu’elle reste chez elle, bien qu’elle accomplisse tout de même son travail?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je sais que plusieurs groupes aimeraient qu’on discute de la situation au-delà de la fin de juin, et je respecte cela. Cependant, cela n’a pas fait partie des discussions, des consultations et des négociations. On s’est plutôt concentré sur la façon de répondre aux besoins du Sénat sur le plan de la santé, de la sécurité et du travail d’ici le jour où le Sénat devrait s’ajourner, à la fin de juin. Honorables collègues, même les moins expérimentés d’entre nous savent à quel point les travaux peuvent être intensifs aux mois de mai et de juin.

De nombreux groupes ont toujours été d’avis qu’il fallait prolonger les mesures jusqu’en juin. Nous l’avons fait seulement jusqu’à la fin de mars pour en arriver à un compromis avec les groupes qui avaient des réserves à ce sujet, mais il n’en demeure pas moins que nous avons et que nous aurons encore du travail important qui exige la pleine participation de l’ensemble des sénateurs. Nous sommes conscients que cela exigera aussi la participation active et soutenue des comités.

C’était dans cet esprit que nous avons mené les discussions, en nous concentrant seulement sur la façon de traverser cette période. J’accueillerais volontiers quiconque, tout sénateur ou groupe de sénateurs, qui voudrait mener la discussion sur la situation après juin. Nous serions ravis d’y participer. Si c’est le souhait du Sénat, nous serions ravis de demander conseil au Comité de la régie interne à cet égard, mais nous sommes ici pour servir le Sénat. Je le dis humblement, mais sincèrement. Notre attention a été très étroite, peut-être trop pour certains, mais nous croyons que cela était nécessaire pour nous permettre de traverser ce que nous prévoyons être une session parlementaire exigeante, intensive et, espérons-le, productive.

La sénatrice Lankin : Merci. Je vous poserai une dernière question, sénateur Gold. Je dois dire que j’ai écouté très attentivement les arguments qui ont été présentés. Je les ai trouvés vraiment rafraîchissants par rapport aux discours que j’ai entendus à la fin de mars sur le même genre de motion. Le ton était beaucoup plus sérieux, avec moins d’attaques, de pointes et ainsi de suite.

(1720)

J’ai écouté, et l’approche proposée est raisonnable. Ce serait bien qu’elle ait été suggérée et discutée avant que nous nous trouvions ici au Sénat, afin d’envisager quels autres types d’options pourraient être nécessaires.

Plus précisément, je veux vous parler de votre allusion au modèle hybride à l’avenir. Vous savez que certains sénateurs croient, pour des raisons d’innovation, de technologie ou d’empreinte carbone, qu’il y a un débat là-dessus. Je suis d’accord avec vous, ce n’est pas l’objet du débat aujourd’hui.

Cependant, je veux m’assurer que vous n’excluez pas un éventuel débat futur en fonction de notre décision d’aujourd’hui, quelle qu’elle soit, au sujet de la motion, avec ou sans modifications.

Deuxièmement, pour ce qui est de la transition, je dirais que j’aimerais voir un plan de transition qui tiendrait compte des sénateurs qui ne seront pas en mesure de revenir en personne au cours des deux prochains mois, mais qui sont tout de même capables de participer et de poursuivre leur travail. Les motions d’aujourd’hui ne nous permettront pas de nous doter d’un tel plan, malheureusement.

Je croyais que j’allais soutenir la modification proposée par le sénateur Plett, et je n’ai aucune objection à celle de la sénatrice Seidman, mais je trouve que la proposition modifiée présente des lacunes pour les collègues dont je viens de parler, et pas seulement pour les sénateurs.

Je sais que des membres du personnel aimeraient obtenir des précisions sur la façon de continuer à travailler sans s’exposer à des risques lorsque leur système immunitaire est compromis. Si cette question avait été incluse, je crois que vous auriez conservé mon appui. Cela dit, c’est peut-être un aspect sur lequel nous pourrons travailler d’ici la fin juin.

Le sénateur Gold : Je comprends la question.

En tant que représentant du gouvernement, je peux dire que nous sommes toujours ouverts à travailler avec les autres sénateurs, y compris les leaders, pour accroître la capacité du Sénat à faire son travail d’une façon qui soit efficace et qui tient compte des défis que les gens vivent lorsqu’ils ne peuvent pas être ici pour des raisons de santé. Nous serions donc ouverts à participer à des discussions de ce type. Il ne nous appartient pas de diriger ces discussions, mais nous serions heureux de travailler avec les personnes concernées au moment approprié, si telle est la volonté du Sénat.

Ma porte est ouverte. Mon esprit est ouvert, mais je suis convaincu que ce sous-amendement n’est pas nécessaire. En fait, je vais voter contre.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le vote aura lieu lors de la prochaine séance.

Projet de loi concernant la modernisation de la réglementation

Autorisation à certains comités d’étudier la teneur du projet de loi

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Gagné, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, et sans entraver les travaux relatifs au projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation :

1.les comités suivants soient individuellement autorisés à examiner la teneur des éléments suivants du projet de loi S-6 :

a)le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce : les éléments de la partie 1;

b)le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles : les éléments des parties 2 et 3;

c)le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts : les éléments des parties 4, 5 et 6;

d)le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans : les éléments de la partie 7;

e)le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie : les éléments de la partie 8;

f)le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international : les éléments de la partie 9;

g)le Comité sénatorial permanent des transports et des communications : les éléments de la partie 10;

2.chacun des comités qui sont autorisés à examiner la teneur de certains éléments du projet de loi S-6 soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 30 mai 2022, et soit autorisé à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là;

3.le comité auquel le projet de loi S-6 pourrait être renvoyé, s’il est adopté à l’étape de la deuxième lecture, soit autorisé à prendre ces rapports en considération au cours de son examen du projet de loi.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur les douanes
La Loi sur le précontrôle (2016)

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Débat

L’honorable Gwen Boniface propose que le projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle (2016), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorable sénateurs, je prends la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle (2016), concernant l’examen des appareils numériques personnels à la frontière.

Le mandat de l’Agence des services frontaliers du Canada est d’abord et avant tout de protéger la sécurité nationale et la sécurité publique à la frontière canadienne et de faciliter le passage légitime des personnes et des marchandises. Ce mandat est mené dans le respect de la législation régissant l’agence.

L’examen des appareils numériques personnels est une pratique menée de façon sélective et parcimonieuse. Cependant, ce genre d’examen présente un taux de succès élevé — ou taux d’examen fructueux — pour ce qui est de révéler la violation des règlements.

En 2021, l’agence a traité un peu moins de 19 millions de voyageurs et mené environ 1 800 examens des appareils numériques personnels. Cela représente un taux d’examen de moins de 0,01 %, soit environ 1 voyageur sur 10 000.

Or, plus de 27 % des quelque 1 800 examens des appareils numériques personnels ont permis de découvrir une violation de la réglementation. Ces violations allaient de l’identification d’articles prohibés qui peuvent être une menace pour la sécurité publique, dont de la pornographie juvénile et d’autres obscénités, à des preuves quant à des marchandises sous-évaluées ou non déclarées.

Cette donnée est importante et elle montre qu’il s’agit d’un moyen très efficace pour cerner des indicateurs.

En ce qui concerne la pornographie juvénile, les appareils numériques personnels sont aujourd’hui le principal moyen d’importation de ce matériel prohibé. Nous le savons, honorables sénateurs, la pornographie juvénile n’est pas qu’une question de photos, elle concerne les victimes — des enfants victimes.

En 2019, la WeProtect Global Alliance rapportait que 18,4 millions de contenus d’abus sexuel contre des enfants ont été signalés au National Center for Missing and Exploited Children.

Europol rapportait détenir plus de 46 millions d’images et de vidéos différentes d’abus sexuel contre des enfants dans son référentiel.

Le filtrage et l’examen des personnes et des marchandises à la frontière, y compris l’examen des appareils numériques personnels, sont essentiels au maintien de l’intégrité de la frontière et à la protection de la santé et de la sécurité de tous les Canadiens.

(1730)

Les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada, dont les activités quotidiennes seront touchées par les modifications proposées dans le projet de loi S-7, sont autorisés à examiner toutes les marchandises qui traversent la frontière canadienne, à exécuter le mandat de l’Agence et à intercepter les marchandises dangereuses avant qu’elles ne puissent entrer dans nos collectivités. L’Agence des services frontaliers du Canada tient ces pouvoirs de la Loi sur les douanes et assure également le respect d’autres lois, notamment la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur les mesures spéciales d’importation et de nombreuses autres lois définies comme des « législations frontalières » au titre de la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada.

Ce mandat comprend l’évaluation de la valeur des marchandises, la perception de l’ensemble des droits et des taxes dus et l’interception de toute marchandise prohibée, contrôlée ou réglementée. Les tribunaux ont depuis longtemps confirmé ces pouvoirs, c’est-à-dire les droits d’un État souverain à contrôler ce qui pénètre ses frontières et à dégonfler les attentes en matière de vie privée à la frontière.

Cependant, les pouvoirs de longue date de l’Agence des services frontaliers du Canada qui lui permettent d’examiner les marchandises importées ont fait l’objet d’un examen minutieux ces dernières années. Cet examen est axé sur les appareils numériques personnels, comme les téléphones intelligents, les ordinateurs portables et autres objets semblables, compte tenu de la capacité de stockage exceptionnelle dont ils disposent de nos jours et du degré de renseignements personnels qu’ils contiennent par rapport aux sacs à main et aux bagages.

Honorables sénateurs, quel est le lien avec le projet de loi S-7?

En octobre 2020, la Cour d’appel de l’Alberta a statué, dans les arrêts R. c. Canfield et R. c. Townsend, que la vérification du contenu des appareils numériques personnels par les agents des services frontaliers du Canada en vertu de l’alinéa 99(1)a) de la Loi sur les douanes était inconstitutionnel aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés, puisqu’aucune limite n’était fixée pour ce type de vérification. Dans les deux cas, il était question d’importation de pornographie juvénile au moyen des appareils numériques.

Le cas école en ce qui concerne les fouilles à la frontière remonte à 1988, dans l’arrêt R. c. Simmons de la Cour suprême, mais il fournit un contexte important pour bien comprendre où se situe l’Agence des services frontaliers du Canada aujourd’hui. À cette époque, la cour avait reconnu dans l’arrêt Simmons que le degré raisonnable de protection de la vie privée attendu par les individus est moindre à la frontière que dans d’autres situations. On a relevé trois types de fouilles à la frontière pour lesquels les individus s’attendent à un plus haut degré de protection de leur vie privée.

Le premier est l’interrogatoire de routine, ce à quoi tous les voyageurs doivent se soumettre à un point d’entrée. Il peut être complété par une fouille des bagages et d’une palpation par-dessus les vêtements. Je suis certaine que la majorité d’entre nous s’est pliée à cette procédure de routine. Le deuxième type est la fouille à nu, qui se déroule dans une pièce privée. Le troisième est la fouille des cavités corporelles, normalement exécutée dans le but de trouver de la drogue. Évidemment, c’est le type de fouille le plus intrusif et les individus s’attendent au plus haut degré de protection de leur vie privée. Bien entendu, plus approfondie est la fouille, plus il est nécessaire de fournir des justifications pour démontrer le caractère constitutionnel de la procédure.

Comme il est indiqué dans l’arrêt R. c. Simmons, le premier type de fouille, celui de l’interrogatoire de routine avec possiblement un examen des bagages ou une fouille par palpitation, est le type de fouille le moins intrusif et ne soulève pas de problème de constitutionnalité au regard de l’article 8 de la Charte, qui se lit comme suit : « Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. »

Cela s’explique par le fait que les attentes raisonnables en matière de vie privée sont moindres aux douanes, comme il est indiqué au paragraphe 52 de l’arrêt R. c. Simmons, qui se lit comme suit :

[...] les attentes raisonnables en matière de vie privée sont moindres aux douanes que dans la plupart des autres situations. En effet, les gens ne s’attendent pas à traverser les frontières internationales sans faire l’objet d’une vérification. Il est communément reconnu que les États souverains ont le droit de contrôler à la fois les personnes et les effets qui entrent dans leur territoire. On s’attend à ce que l’État joue ce rôle pour le bien-être général de la nation. Or, s’il était incapable d’établir que tous ceux qui cherchent à traverser ses frontières ainsi que leurs effets peuvent légalement pénétrer dans son territoire, l’État ne pourrait pas remplir cette fonction éminemment importante. Conséquemment, les voyageurs qui cherchent à traverser des frontières internationales s’attendent parfaitement à faire l’objet d’un processus d’examen.

Comme le note la cour, les fouilles à la frontière ont la particularité de devoir assurer un équilibre entre le droit à la vie privée et la sécurité publique, ce qui donne priorité à la sécurité publique par rapport à la vie privée, surtout pour le premier type de fouille défini dans l’arrêt R. c. Simmons.

Maintenant que nous savons que, selon la jurisprudence liée à l’arrêt Simmons, il existe trois niveaux de fouilles dans le contexte des douanes et que l’article 8 de la Charte n’intervient pas dans le premier niveau, quelle est la raison d’être du projet de loi à l’étude?

Sénateurs, ce qui pose problème, c’est le terme « marchandises » qui se trouve à l’alinéa 99(1)a) de la Loi sur les douanes, où on lit ceci :

99 (1) L’agent peut

a) tant qu’il n’y a pas eu dédouanement, examiner toutes marchandises importées et en ouvrir ou faire ouvrir tous colis ou contenants, ainsi qu’en prélever des échantillons en quantités raisonnables;

Comme les sénateurs l’auront remarqué, cet alinéa autorise les agents des services frontaliers à examiner toutes les marchandises mais ne fixe pas de critères juridiques pour ces examens. À titre de comparaison, l’alinéa b) du même paragraphe dit qu’il faut des « motifs raisonnables » pour ouvrir des envois, c’est-à-dire du courrier.

Selon la définition du terme « marchandises » fournie au paragraphe 2(1) de la Loi sur les douanes, « sont assimilés [aux marchandises] [...] les moyens de transport et les animaux, ainsi que tout document, quel que soit son support ». Dans le contexte des douanes, on a interprété le terme « marchandises » d’une façon qui couvre les documents électroniques qui peuvent se trouver sur un appareil personnel tel qu’un ordinateur portatif, un téléphone cellulaire ou une tablette. Pour en apprendre davantage sur ces interprétations, on peut consulter l’affaire R. c. Bialski de la Cour d’appel de la Saskatchewan et l’affaire R. c. Moroz de la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

Cette information nous amène à notre dilemme constitutionnel. Selon la définition de « marchandises » inscrite dans la Loi sur les douanes et son application à l’alinéa 99(1)a), les agents des services frontaliers peuvent fouiller les appareils numériques personnels sans que ces fouilles ne soient encadrées par des critères juridiques et sans qu’un recours constitutionnel puisse être exercé. La raison est que la première catégorie de fouille définie dans l’arrêt Simmons, qui comprend les « marchandises », ne relève pas de l’article 8 de la Charte.

Qui plus est, les avancées technologiques ont grandement évolué depuis l’arrêt Simmons en 1988. Les appareils numériques ont la capacité de contenir une quantité phénoménale de documents en format électronique, ce qui n’aurait pas pu être pris en considération l’année où la Cour suprême a rendu l’arrêtSimmons. En 1988, les types de documents qui pouvaient faire l’objet d’une fouille étaient des documents papier et la personne devait les avoir en sa possession au moment de franchir la frontière, par exemple dans un porte-documents, un sac à main ou toute autre forme de bagage. Il est facile de comprendre que ces types de documents pouvaient être vérifiés sans enfreindre l’article 8 de la Charte dans le cadre de ce qui était considéré comme une fouille normale.

Cependant, sénateurs, nous savons tous que les temps ont changé.

De nos jours, et en particulier depuis le début du nouveau millénaire, l’utilisation d’appareils électroniques est la norme. La plupart des Canadiens ont un appareil numérique, et la plupart des gens voyagent avec un appareil numérique. Ces outils renferment maintenant une foule de données, y compris des renseignements très personnels. On peut créer des albums de photos et des listes de lecture de musique ou déverrouiller sa porte principale à des milliers de kilomètres de distance simplement en appuyant sur un bouton. On peut effectuer des opérations bancaires à distance et payer l’épicerie sans jamais utiliser de carte de débit ou de crédit physique. Ces appareils renferment le contenu de nos calendriers et toute l’information sur ce qui nous a plu ou déplu et sur nos connexions. Ils donnent accès à nos renseignements les plus personnels et les plus confidentiels, et selon les lois actuelles, les agents des services frontaliers ont le droit d’y chercher de l’information sans devoir respecter de critères ni de protections garanties par la Charte.

Comme vous le savez tous, honorables sénateurs, la jurisprudence est un principe fondamental de notre système juridique. Comme c’est la Cour suprême du Canada qui a le dernier mot, lorsqu’elle rend une décision, comme elle l’a fait pour l’affaire Simmons, cette décision est maintenue. Cependant, cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas revoir les décisions de la Cour suprême. Comme on l’a dit dans la décision rendue en 2015 dans l’affaire Carter c. Canada (Procureur général), « [...] le principe du stare decisis ne constitue pas un carcan qui condamne le droit à l’inertie ».

Les tribunaux peuvent réexaminer des décisions des cours supérieures, y compris la Cour suprême, dans deux circonstances, la première étant lorsqu’une nouvelle question juridique se pose. La deuxième circonstance, qui est particulièrement importante dans le cas qui nous occupe, est lorsqu’une modification de la situation ou de la preuve change radicalement la donne.

Honorables sénateurs, entre la décision rendue en 1988 dans l’affaire Simmons et la décision rendue l’année dernière dans l’affaire Canfield, des progrès technologiques énormes ont été réalisés. La Cour d’appel de l’Alberta a reconnu que ces progrès « changent radicalement la donne », ce qui justifie la révision de la décision rendue par la Cour suprême dans l’arrêt Simmons.

C’est pour ces raisons que la Cour d’appel de l’Alberta a établi que l’alinéa 99(1)a) est inconstitutionnel, malgré la jurisprudence établie en 1988.

(1740)

Le tribunal a refusé d’établir un critère acceptable permettant d’examiner des appareils numériques personnels. Il a plutôt reconnu que quelque chose d’inférieur à des motifs raisonnables de soupçonner pourrait s’avérer plus approprié dans le contexte frontalier.

Au paragraphe 75 de la décision Canfield, le tribunal affirme :

[...] le fait que le critère approprié soit un soupçon raisonnable ou quelque chose d’inférieur en ce qui a trait à la nature unique du contexte frontalier doit être établi par le Parlement et étoffé dans d’autres affaires.

Le tribunal poursuit au paragraphe 112 :

Nous sommes conscients que la protection de la confidentialité du contenu des appareils électroniques personnels d’un individu tout en reconnaissant la nécessité d’assurer une sécurité efficace à la frontière fait appel à un équilibre complexe et fragile. Il reviendra au Parlement de définir, s’il le choisit, une nouvelle approche imposant des limites raisonnables à la possibilité de réaliser de telles fouilles à la frontière.

La Cour d’appel de l’Alberta a statué qu’une déclaration d’invalidité constitutionnelle d’un an était appropriée pour permettre au gouvernement de trouver une solution à cette disposition inconstitutionnelle. Le gouvernement du Canada a déposé une requête en appel auprès de la Cour suprême du Canada à la suite de cette décision de l’Alberta, mais celle-ci a été rejetée.

Comme l’indique le paragraphe 112 de la décision, le gouvernement a choisi de mettre au point une approche nouvelle ou novatrice pour établir un équilibre entre le respect de la vie privée, les appareils numériques personnels et la sécurité à la frontière.

Le gouvernement du Canada propose un projet de loi qui renforcera la loi actuelle régissant l’examen des appareils numériques personnels par les agents de l’ASFC et par ceux du Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis qui effectuent un précontrôle ici au Canada. Ce projet de loi établira des normes à respecter avant que l’appareil d’un voyageur puisse être examiné. Il propose des changements législatifs qui incluent les trois mesures suivantes : premièrement, la création d’un nouveau critère pour justifier l’examen d’un appareil numérique personnel, c’est-à-dire des préoccupations générales raisonnables, dont je vais parler plus en détail dans un instant; deuxièmement, l’ajout, dans la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle, du pouvoir d’examiner les documents qui se trouvent sur les appareils numériques personnels, ce qui est nécessaire pour distinguer ces appareils des autres biens, y compris les appareils numériques importés et exportés; troisièmement, l’ajout de limites propres au contexte, pour exiger que l’examen des appareils numériques personnels puisse avoir lieu strictement dans le contexte des examens à la frontière.

La composante la plus importante de ce projet de loi est le nouveau pouvoir d’examen prévu à l’article 99.01 de la Loi sur les douanes. Cet article énonce qu’il doit y avoir des préoccupations générales raisonnables avant qu’un agent des services frontaliers désigné puisse examiner des documents sur l’appareil numérique personnel d’un voyageur afin de déterminer si l’appareil contient de la contrebande ou des preuves d’infraction aux lois frontalières concernant l’importation de biens. Certains agents des services frontaliers, ou une certaine catégorie d’entre eux, seraient désignés par le président de l’ASFC, en vertu du paragraphe 99.01(2) modifié par le projet de loi S-7, pour effectuer les examens en question.

De la même manière, la Loi sur le précontrôle autorise les contrôleurs américains à examiner sans limites des biens à destination des États-Unis. Le précontrôle renvoie à l’accord conclu entre deux pays permettant aux agents des douanes et de l’immigration du pays de désignation de se trouver dans le pays d’origine pour déterminer si les voyageurs ou les biens peuvent entrer dans le pays désigné. Nous savons tous que les États-Unis effectuent des précontrôles aux frontières canadiennes depuis 1952 conformément à divers accords. Ce programme est en place dans les huit principaux aéroports du Canada.

L’Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique relatif au précontrôle dans les domaines du transport terrestre, ferroviaire, maritime et aérien est le traité de précontrôle en vigueur actuellement avec les États-Unis. La Loi sur le précontrôle incorpore dans les lois canadiennes les dispositions négociées dans le cadre de cet accord.

Au sens de la Loi sur le précontrôle, les « biens » englobent les espèces et les effets, les animaux, les plantes et leurs produits, les moyens de transport et tout document, quel que soit son support. Sur ordre du contrôleur, le voyageur doit présenter, ouvrir ou déballer tous les biens en sa possession.

En outre, le contrôleur américain doit exercer ses pouvoirs en vertu du droit canadien, notamment de la Charte canadienne des droits et libertés.

Étant donné que les pouvoirs d’examen de précontrôle existants sont semblables à ceux prévus dans la version actuelle de la Loi sur les douanes, les modifications proposées à la Loi sur le précontrôle continueraient d’harmoniser ces pouvoirs avec ceux qui s’appliquent aux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada. Plus précisément, elles exigeraient également que l’examen d’un appareil numérique personnel pendant le précontrôle découle d’une préoccupation générale raisonnable. Les modifications à la Loi sur le précontrôle garantiraient que les contrôleurs américains qui travaillent en territoire canadien sont tenus de respecter les mêmes normes que les agents canadiens ainsi que la Charte.

Parmi les autres changements apportés au précontrôle, de nouveaux pouvoirs seraient accordés au gouverneur en conseil, qui pourrait prendre des règlements encadrant le déroulement des examens des appareils numériques personnels. De plus, le ministre de la Sécurité publique pourrait donner des directives.

De façon générale, les modifications établiront les procédures que les contrôleurs américains doivent suivre lorsqu’ils examinent un appareil numérique personnel d’un voyageur, ou cherchent des documents sur celui-ci, ainsi que les exigences relatives à la rétention ou au transfert de l’appareil, le cas échéant.

Le projet de loi proposé offrira un fondement juridique renouvelé selon lequel les contrôleurs de l’Agence des services frontaliers du Canada et les contrôleurs américains pourront faire de tels examens en toute légalité. L’Agence des services frontaliers du Canada et les contrôleurs pourront ainsi continuer à reconnaître efficacement les infractions à la législation frontalière et à intercepter la contrebande tout en offrant aux voyageurs des mesures de protection de la vie privée, conformément au droit canadien.

Pour clarifier les choses, en vertu de ces pouvoirs, l’examen des appareils numériques personnels doit être effectué conformément à la réglementation visant les formalités d’usage à la frontière. L’objectif de ces examens est d’assurer le respect des diverses dispositions réglementaires qui régissent l’importation et l’exportation des biens, conformément aux lois frontalières.

Comme c’est le cas pour les biens matériels, dans les rares cas où les agents procédant à des examens découvrent une éventuelle preuve d’une infraction criminelle, la preuve doit être remise aux autorités policières locales, qui peuvent ensuite mener leur propre enquête criminelle et décider s’il y a lieu de porter des accusations.

En ce qui concerne les changements proposés au pouvoir d’examen prévu par la loi, même si on a envisagé d’établir un critère plus élevé que le motif raisonnable de soupçonner, ce critère ne s’applique que dans des circonstances très restreintes de traitement à la frontière et il a été jugé inapproprié pour ce type d’examen.

En outre, le nouveau critère concernant les préoccupations générales raisonnables garantit que les agents n’ont pas besoin de soupçonner une infraction précise avant d’entreprendre un examen. Aux frontières, il peut s’avérer difficile de repérer des infractions particulières, étant donné la brièveté des échanges entre les agents de l’ASFC et les voyageurs, et l’accès limité à l’information.

Les agents frontaliers recueillent des renseignements supplémentaires lors de leurs interactions avec les voyageurs, notamment par l’entremise de l’inspection des bagages et des questions de routine. Grâce à ces interactions, les agents peuvent éprouver des préoccupations en raison d’éléments qui indiquent un éventuel non-respect des lois frontalières. Il peut s’agir d’un comportement qui ne reflète pas nécessairement une infraction réglementaire précise.

Ces types d’indicateurs sont bien connus des agents, qui sont formés pour les repérer. Le fait d’établir un critère plus élevé qu’un motif raisonnable de soupçonner a été jugé trop lourd pour les appareils personnels. En outre, comme il est difficile de répondre à ce critère pour ces appareils, il pourrait en résulter un affaiblissement des contrôles aux frontières en général et une diminution probable des saisies de matériel prohibé, comme la pornographie juvénile.

(1750)

Après avoir effectué un examen approfondi et consulté des intervenants clés, de nouvelles exigences ont été établies qui répondent activement à la décision d’inconstitutionnalité rendue par les tribunaux tout en tenant compte de la protection des renseignements personnels des voyageurs et des priorités opérationnelles en matière d’application de la loi.

Comme je l’ai dit, des « motifs raisonnables de soupçonner » sont actuellement requis en vertu de la Loi sur les douanes afin d’initier des fouilles exceptionnelles comme la fouille personnelle dont j’ai parlé, soit une fouille corporelle ou une fouille à nu. Étant donné qu’il s’agit d’un examen plus invasif qui va au-delà de ce qui est considéré comme un examen de routine, il faudra satisfaire à des exigences plus strictes sur le plan des « motifs raisonnables de soupçonner ».

Ces nouvelles exigences relatives aux préoccupations générales raisonnables nécessitent que les préoccupations soient adaptées à l’appareil numérique personnel du voyageur au moment du passage à la frontière; toutefois, elles ne nécessitent pas la désignation d’une contravention présumée précise.

Les exigences ont été adaptées pour tenir compte du contexte frontalier particulier où les tribunaux ont depuis longtemps confirmé que les voyageurs ont une attente réduite de protection en matière de vie privée. Elles sont censées nécessiter un degré de préoccupation plus faible que celui des motifs raisonnables de soupçonner. Parallèlement, les exigences relatives aux préoccupations générales raisonnables nécessitent que les indicateurs soient objectifs et fondés sur des faits. Cela permettra que la conduite des agents de l’ASFC fasse l’objet d’un examen sérieux.

Il s’agit d’une approche nouvelle uniquement en ce sens que ce nouveau seuil législatif n’existe pas actuellement dans la législation canadienne. Pour la première fois, et après une délibération et une analyse minutieuses, un nouveau seuil pour les appareils numériques personnels a été établi pour répondre spécifiquement au contexte frontalier. Il s’agit d’un seuil unique pour les examens d’appareils numériques personnels exclusivement. Ce seuil exige que l’agent ait des doutes raisonnables et objectifs liés à un endroit précis — la frontière — et à une personne précise — le voyageur. Pour résumer, à l’heure actuelle, la Loi sur les douanes ne prévoit aucun seuil pour les fouilles d’appareils numériques personnels, mais le projet de loi S-7 vise à en instaurer un.

Honorables sénateurs, le fait qu’il n’y ait pas de seuil prévu par la loi pour les fouilles d’appareils numériques personnels ne signifie pas que nos agents des services frontaliers agissent de façon inconstitutionnelle. L’Agence des services frontaliers du Canada est très consciente des droits de la protection des renseignements personnels et des effets que les fouilles peuvent avoir sur ces droits. Depuis un certain temps déjà, l’agence utilise ses politiques internes pour orienter les fouilles d’appareils, dans la mesure où elles concernent des marchandises telles que les définit la Loi sur les douanes.

Le projet de loi S-7 vise à légiférer sur les pratiques et les politiques opérationnelles internes que l’Agence des services frontaliers du Canada utilise déjà, mais aux termes d’un nouvel article spécifiquement adapté aux documents contenus dans les appareils numériques personnels. Ce nouvel article n’enlève rien aux pouvoirs de l’agence de fouiller les appareils numériques personnels en vertu de ses propres politiques internes. Il ne fait que légiférer sur ce qu’elle fait déjà.

Par exemple, la version la plus à jour de cette politique, qui remonte à 2019, stipule ceci :

L’examen du dispositif numérique d’un voyageur peut seulement être mené s’il existe de multiples indicateurs laissant entendre que des éléments de preuve d’une infraction à la législation frontalière de l’ASFC pourraient se trouver sur le dispositif.

Aux termes de cette politique de l’ASFC, un « indicateur » est :

[...] un élément unique d’information, une tendance, une anomalie ou une incohérence qui, conjugué à d’autres informations ou données, attire l’attention d’un agent quant à la menace posée par un voyageur ou une expédition. Il est possible qu’au cours de son interaction avec un voyageur, un agent de l’ASFC observe un indicateur unique, considérable et précis qui peut à lui seul justifier la tenue de l’examen d’un dispositif numérique.

Ce sont de tels indicateurs qui permettent à un agent des services frontaliers d’avoir des motifs raisonnables de croire qu’il y a infraction à la réglementation. Je le répète, ces indicateurs sont de nature générale et il n’est pas nécessaire qu’ils renvoient à une infraction précise, mais il est clair que l’ASFC a agi d’une façon discutable sur le plan législatif. Elle effectue déjà des fouilles avec le même empressement que ce qui a été constaté dans le cadre du projet de loi S-7.

La politique de l’ASFC clarifie également le contexte dans lequel un dispositif numérique personnel peut faire l’objet d’un examen. Elle souligne que l’examen du dispositif ne devrait pas être considéré comme allant de soi, que les agents de l’ASFC n’ont pas le droit d’examiner les dispositifs numériques dans le seul but de chercher des preuves d’une infraction criminelle, et que les examens des dispositifs numériques doivent seulement être effectués lorsqu’il y a une justification claire liée à l’application et au respect de la législation qui touche le mandat de l’ASFC.

Pour faire en sorte que les actions des agents frontaliers qui ont pour but de trouver des indicateurs pour justifier l’examen d’un dispositif soient conformes à la loi, la politique énonce des exigences relatives à la prise de notes, même si l’examen ne donne pas de résultat. Ces exigences sont nécessaires pour aider les agents frontaliers à bien articuler les étapes de l’examen d’un dispositif numérique pour répondre à l’objectif de la loi, pour servir d’élément de preuve en cas de poursuites judiciaires, pour demander des comptes aux agents et à l’ASFC en cas d’allégations d’inconduite dans des plaintes et, enfin, pour servir de registre de l’utilisation des pouvoirs légaux des agents.

À propos des types de renseignements qui sont pris en note dans le processus de vérification, on retrouve, entre autres, les indicateurs observés par les agents des services frontaliers, la raison qui a justifié la vérification de l’appareil numérique personnel, le modèle de l’appareil et sa description, les étapes entreprises pour désactiver la connectivité de l’appareil, la date et l’heure telles qu’elles apparaissent sur l’appareil, la date et l’heure locales, la durée de la vérification, les parties et les éléments qui ont été vérifiés dans l’appareil, la raison qui justifie la vérification de chaque type de donnée — par exemple des photos ou des documents —, le comportement du voyageur et les échanges pertinents avec ce dernier en lien avec l’appareil et son contenu, les personnes qui ont participé à la vérification et la façon dont s’est déroulée la vérification.

Or, une question a été soulevée par rapport aux mots de passe. Au sujet des mots de passe des appareils, un processus en deux étapes a été instauré si des éléments de preuve ou du contenu prohibé sont trouvés. La première étape est d’écrire le mot de passe numérique ou alphanumérique sur une feuille. Les mots de passe activés par données biométriques, par exemple les empreintes digitales ou la numérisation faciale, devraient être évités, pour la simple raison que les appareils ont normalement aussi un mot de passe numérique ou alphanumérique. Si la vérification est non concluante, la feuille sur laquelle est inscrit le mot de passe est remise au voyageur qui veut entrer au Canada. Ce mot de passe n’est pas officiellement inscrit dans les notes des agents. Si des éléments de preuve ou du contenu prohibé sont trouvés, le mot de passe est officiellement inscrit dans les notes des agents pour les étapes subséquentes.

Comme on l’a mentionné, les agents ne peuvent examiner le contenu des appareils numériques personnels que lorsque la connectivité réseau est désactivée, ce qui veut dire que la fouille peut seulement porter sur ce qui se trouve dans l’appareil lui-même et exclut ce qui est stocké dans le nuage. Les agents des services frontaliers n’ont pas le droit d’accéder à des données stockées ailleurs.

Honorables sénateurs, c’est ainsi que procède actuellement l’Agence des services frontaliers du Canada, conformément à ses procédures internes. Les examens se limitent au contenu préoccupant lié au régime de la législation frontalière et aux sections des appareils et des données qui sont liées directement aux indicateurs ou aux préoccupations cernés par l’agent pendant son interaction avec le voyageur.

Les motifs de l’examen doivent être clairement expliqués, et il est essentiel de prendre de bonnes notes. Des rapports destinés à l’administration centrale de l’Agence des services frontaliers doivent aussi faire état de tous les examens portant sur des appareils numériques personnels, y compris le nombre d’examens, leur date et le point d’entrée où ils ont été faits.

L’établissement du nouveau seuil pour l’examen d’appareils numériques personnels prévu dans le projet de loi S-7 ne modifiera pas outre-mesure le travail des agents des services frontaliers. En effet, ils effectuent déjà leur travail en fonction de certaines restrictions bien qu’aucune loi ne l’exige.

L’Agence des services frontaliers a déjà pris l’initiative de mettre en place des mesures de protection afin de trouver un juste équilibre entre protéger la vie privée des personnes qui entrent au Canada et protéger la sécurité du Canada. La cour a d’ailleurs salué ces efforts dans l’arrêt R. c. Canfield. Je suis sûre que la mise en œuvre du régime législatif pourrait se faire facilement.

Bien que la décision de la cour ne s’appliquait qu’aux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada de la province de l’Alberta, ces modifications législatives signifient que tous les agents de l’agence et les agents de prédédouanement américains opérant au Canada doivent avoir une préoccupation générale raisonnable pour entreprendre un examen d’appareils numériques personnels.

Le projet de loi S-7 est encore plus opportun, étant donné que, pas plus tard que la semaine dernière, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a aussi conclu à l’inconstitutionnalité de l’alinéa 99(1)a) dans deux affaires, R. c. Pike et R. c. Scott. Ces causes sont analogues à Canfield , en ce sens qu’il est question d’importation de pornographie juvénile dans les deux cas.

La cour de l’Ontario a décidé que son jugement serait coextensif à la décision rendue dans Canfield, en ce sens que sa suspension de la prise d’effet de la déclaration d’invalidité constitutionnelle prendrait fin le même jour que celle de l’Alberta.

Le pouvoir de procéder à un examen en cas de préoccupation générale raisonnable est assorti de limites précises, ce qui assure que l’examen est de nature réglementaire et est restreint au contenu présent dans l’appareil au moment du passage à la frontière.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et aux ordres adoptés le 25 novembre 2021 et le 31 mars 2022, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive. Si vous voulez suspendre la séance pendant une heure, veuillez dire « suspendre ».

J’ai entendu un « suspendre ». Nous reprendrons la séance à 19 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(1900)

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Boniface, appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle (2016).

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, le pouvoir de procéder à un examen en cas de préoccupation générale raisonnable est assorti de limites précises, ce qui assure que l’examen est de nature réglementaire et est restreint au contenu présent dans l’appareil au moment du passage à la frontière. Toutefois, il est tout aussi important que les préoccupations de l’agent soient raisonnables, dans la mesure où elles peuvent être identifiées objectivement et être vraiment examinées, ce qui correspond aux pratiques actuelles de l’ASFC.

C’est cet aspect, combiné aux nouvelles mesures de contrôle juridiquement contraignantes qui seront incluses dans le règlement, qui guiderait la conduite de l’examen. Ces mesures de contrôle visent à établir les limites appropriées entourant les examens et comprendraient des exigences précises de prise de notes ainsi que des restrictions concernant l’accès aux documents se trouvant dans l’appareil seulement, et non à ceux dans le nuage. Cela correspond encore une fois aux pratiques internes actuelles de l’ASFC.

Chers collègues, dans un monde où les téléphones intelligents sont omniprésents et où la technologie portative évolue sans cesse, cette modification législative est nécessaire pour maintenir l’intégrité de nos frontières et pour garder les Canadiens en sécurité, tout en maintenant un engagement à respecter le droit à la confidentialité des voyageurs. C’est peut-être une approche novatrice, mais elle a été élaborée avec soin, considérant le caractère unique des appareils numériques personnels et de la réglementation frontalière.

Comme c’est souvent le cas lorsqu’on s’aventure sur un nouveau terrain, ces modifications législatives risquent de présenter de nouvelles difficultés. Cela dit, l’approche établie pour ce projet de loi répond aux problèmes juridiques que la cour a cernés dans l’affaire Canfield et, plus récemment dans les causes instruites en Ontario, tout en préservant l’intégrité opérationnelle de l’agence des services frontaliers, ce qui devrait être d’une importance capitale pour tous les Canadiens.

Les modifications proposées dans ce projet de loi permettront à l’agence de continuer de remplir son mandat de protection des frontières du Canada tout en respectant le droit à la vie privée des voyageurs. On veillera aussi à harmoniser les pouvoirs d’examen des agents de l’agence et des agents de précontrôle des États-Unis, qui, dans les deux cas, sont assujettis à la Charte canadienne des droits et libertés. À mon avis, c’est une approche mesurée qui permet d’assurer l’équilibre nécessaire entre le respect de la vie privée et la sécurité.

Selon vous, qu’est-ce que ces modifications changeront concrètement pour le voyageur moyen? En toute franchise, honorables collègues, je ne crois pas que nous verrons une grande différence dans la procédure lorsque nous reviendrons au Canada après un voyage. Comme on l’a déjà mentionné, une grande partie des mesures proposées dans le projet de loi S-7 sont déjà appliquées. Ce projet de loi ne crée pas de nouveaux pouvoirs substantiels pour les agents de l’agence des services frontaliers. En fait, il vise plutôt à limiter les pouvoirs qui sont jugés inconstitutionnels et auxquels l’agence a elle-même déjà imposé des limites dans le cadre de ses politiques et de ses activités internes visant les voyageurs qui entrent au pays. Cependant, il ne faut pas croire que cela rend le projet de loi moins important.

Honorables sénateurs, la suspension de l’invalidité constitutionnelle était d’un an à l’origine, ce qui correspond à octobre dernier. Le gouvernement a demandé et obtenu une prolongation de six mois de cette suspension. Cette prolongation doit maintenant prendre fin aujourd’hui, étant donné que le tribunal a refusé de la renouveler. À partir de demain, il y aura deux régimes au pays. L’Alberta et l’Ontario devront utiliser l’alinéa 99(1)e) de la Loi sur les douanes, qui oblige les agents des services frontaliers à soupçonner, pour des motifs raisonnables, qu’il y a eu une infraction pour examiner des appareils numériques personnels, alors que partout ailleurs au pays, on pourra continuer à utiliser l’alinéa 99(1)a), comme c’est le cas depuis l’arrêt Simmons. La nécessité d’avoir des motifs raisonnables de soupçonner une infraction constitue une norme plus stricte qui nuit au mandat des agents des services frontaliers de même qu’à la sécurité publique du pays. En effet, il est plus difficile d’établir des motifs raisonnables que de fonder des soupçons sur une multiplicité d’indicateurs pointant vers une infraction, comme le font les agents des services frontaliers à l’heure actuelle.

Il est impératif que nous prenions au sérieux cette incongruité entretemps. Je vous exhorte, chers collègues, pas en tant que marraine de ce projet de loi, mais en tant que personne ayant travaillé dans le milieu de l’application de la loi pendant longtemps, à accorder la priorité d’examen au projet de loi S-7. Nous ne pouvons pas laisser cette incongruité persister une journée de plus qu’il le faut pour deux raisons. D’abord, les modules de formation des agents des services frontaliers ne peuvent pas être rédigés avant que la version définitive du projet de loi soit adoptée par le Parlement. Ensuite et par-dessus tout, chaque jour qui passe à partir de maintenant pourra servir à l’importation au Canada de matériel obscène, comme de la pornographie juvénile. À partir de demain, il sera beaucoup plus facile de le faire en passant par l’Alberta et l’Ontario. Voilà pourquoi il nous faut être prudents, efficaces, mais aussi critiques, parce que ce projet de loi cherche à faire appliquer aux points d’entrée de nouveaux critères en matière de preuves.

Faisons en sorte d’examiner ce projet de loi en fonction de ce qui est bon pour nos frontières et pour les collectivités canadiennes.

Merci. Meegwetch.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Boniface, de nombreux sénateurs voudraient poser des questions. Accepteriez-vous d’y répondre?

La sénatrice Boniface : Oui, bien sûr.

L’honorable Bev Busson : Merci, sénatrice Boniface. Je comprends le raisonnement concernant les critères que le projet de loi S-7 permettra d’instaurer, mais je crains que la mise en place de ces nouveaux critères ait une incidence opérationnelle négative sur le travail important que nos agents des services frontaliers et les contrôleurs américains accomplissent quotidiennement pour protéger les frontières canadiennes et, par le fait même, tous les Canadiens. Comme vous l’avez mentionné, les frontières présentent un contexte unique comportant ses propres normes et critères relatifs à la protection des renseignements personnels, qui sont habituellement moins stricts que dans la plupart des autres contextes. Je crains toutefois que ce projet de loi rende plus difficile pour les agents des services frontaliers de fouiller des appareils numériques douteux et de détecter du matériel obscène et de la pornographe juvénile, et qu’il facilite, par le fait même, l’entrée de ce matériel épouvantable au Canada. Pouvez-vous m’assurer que la mise en place de ces critères n’aura pas d’incidence négative sur les opérations et l’efficacité des agents des services frontaliers?

La sénatrice Boniface : Je vous remercie de la question, sénatrice Busson. Permettez-moi d’abord de dire que, ayant fait carrière dans le même domaine que vous, j’avais les mêmes préoccupations lorsque j’ai pris connaissance du projet de loi.

Ce que nous savons à la suite de la décision dans l’affaire Canfield, en Alberta, c’est que la cour a laissé à la discrétion de l’Agence des services frontaliers du Canada l’établissement d’un seuil qui serait inférieur à celui qu’elle utilise en ce moment, qui est en fait plus élevé en Ontario et en Alberta, comme j’en ai parlé.

Pour l’Agence des services frontaliers du Canada, je crois qu’elle n’a d’autre choix que de répondre à cette obligation. Elle s’est montrée particulièrement adroite pour s’adapter à ce que sera ce modèle législatif. Elle a aussi commencé à penser plus précisément à la formation qui sera donnée. Pour toutes ces raisons, je suis convaincue — chose certaine, les conversations que nous avons eues avec leurs représentants m’ont aussi persuadée, et j’espère que le comité est du même avis — qu’elle est fin prête à effectuer la transition et que le processus reflétera clairement la politique qu’elle suit depuis 2019.

L’honorable Tony Dean : Sénatrice Boniface, merci d’avoir accepté de marrainer ce projet de loi. Vous êtes déjà bien occupée et nous vous sommes reconnaissants d’assumer ce rôle.

Je remarque que les modifications proposées à la Loi sur les douanes et à la Loi sur le précontrôle s’accompagneront de changements dans la réglementation, et nous savons tous, d’expérience, que la modification d’un règlement peut retarder l’application de la loi ou des modifications elles-mêmes. C’est un problème auquel nous devons souvent faire face, et je soupçonne que ce sera le cas en l’occurrence.

Que pouvez-vous nous dire concernant l’éventualité d’un retard? J’aimerais vous demander, et je crois le faire au nom de tous les sénateurs : pourriez-vous communiquer au ministre qu’il serait dans l’intérêt de toutes les parties concernées que la modification de la réglementation se fasse dans le plus bref délai?

La sénatrice Boniface : Je vous remercie de la question. D’après les séances d’information de l’Agence des services frontaliers du Canada auxquelles j’ai assisté, le ministère travaille déjà à la modification de la réglementation. Il est tout à fait conscient que les règlements et la loi serviront mieux les agents et la population s’ils sont harmonisés. L’un de nos collègues a soulevé cette question à la séance d’information et on lui a assuré que c’est effectivement l’objectif. Comme vous le savez, et comme vous l’avez dit, la modification des règlements a tendance à traîner. Je crois que le ministère en est tout à fait conscient. J’en reparlerai à l’Agence des services frontaliers du Canada. Je crois que nos collègues qui sont membres du comité où sera renvoyé le projet de loi voudront également être rassurés à ce sujet.

(1910)

L’honorable Paula Simons : Merci, sénatrice Boniface, d’accepter de répondre à ma question. Une chose me préoccupe du point de vue des libertés civiles au sujet de l’ajout de critères de « préoccupations générales raisonnables », parce qu’il n’y a aucun précédent dans la législation canadienne. Il n’y a aucune définition de ce que cela signifie en droit canadien. Aux termes de la Loi sur les douanes, pour faire l’examen du bon vieux courrier au format papier, un agent doit avoir des motifs raisonnables de douter. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit qu’une fouille ne peut être menée que si l’agent a des motifs raisonnables de le faire, et, dans l’affaire Canfield, le tribunal a parlé du critère du soupçon raisonnable.

J’ai du mal à comprendre pourquoi le gouvernement considérait qu’il était nécessaire de créer un critère de préoccupation générale raisonnable entièrement nouveau pour lequel il n’y a aucun précédent en droit canadien; à ma connaissance, il n’y aurait d’ailleurs aucun précédent dans tout le Commonwealth. Je crains que cela ouvre la porte à plus de fouilles intempestives que sous le régime réglementaire utilisé actuellement par les agents frontaliers.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Boniface, il vous reste 20 secondes. Souhaitiez-vous demander cinq minutes de plus? Il y a cinq autres sénateurs qui voudraient poser des questions.

La sénatrice Boniface : Puis-je avoir cinq minutes de plus, avec le consentement de la Chambre?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, est-ce d’accord?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Boniface : Merci de votre question, sénatrice Simons. La façon dont la décision Canfield a été interprétée — j’espère en avoir parlé de façon claire — est que la cour a reconnu qu’il y aurait quelque chose d’intermédiaire entre un contrôle de routine et des motifs raisonnables. Je vous enverrai le numéro du paragraphe.

La sénatrice Simons : Ça va, je l’ai devant moi.

La sénatrice Boniface : La cour a dit qu’il s’agirait d’une mesure intermédiaire. C’est un nouveau concept. Cependant, permettez-moi également de dire que si vous regardez ce qui se fait ailleurs, vous constaterez que le seuil utilisé aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie est inférieur à ce qui est proposé au Canada dans le projet de loi. Comparativement à certains pays aux vues similaires, il s’agit d’un seuil plus élevé.

C’est une question importante et c’est pourquoi j’ai dit à la fin de mon discours que le comité qui a le privilège d’étudier ce projet de loi doit poser ces questions. Il s’agit d’une situation particulière à la frontière. Les dispositifs sont uniques en ce qui concerne le temps dont disposent les agents frontaliers pour les examiner et prendre leurs décisions. Je pense que l’intégration d’une partie de la responsabilité des agents est un mécanisme important qui nous aide à mettre de la viande autour de l’os. Il ne fait aucun doute que les tribunaux devront un jour se pencher sur cette question; la loi sera contestée et ils devront se pencher sur la question. J’ai bon espoir que nous serons en mesure de reconnaître la position équilibrée qu’il faut adopter dans ce dossier. J’encourage les membres du comité qui étudieront le projet de loi à poser ces questions.

L’honorable Yuen Pau Woo : Merci, sénatrice Boniface. Vous venez de dire que le seul est supérieur à celui utilisé aux États-Unis. Cela soulève des questions au sujet des accords de précontrôle que nous avons signés avec les Américains et des changements au précontrôle qui seront apportés par le projet de loi. Est-il nécessaire de négocier avec les Américains pour que cela se produise?

La sénatrice Boniface : Je vous remercie de votre question, sénateur Woo. On a déjà discuté du sujet avec le gouvernement américain. Il comprend déjà la situation. Bien sûr, comme les Américains mènent des activités au Canada, ils doivent déjà se conformer à la Charte des droits et libertés. Par conséquent, ils sont déjà bien au fait de la situation et sont prêts à aller de l’avant.

L’honorable Ratna Omidvar : Merci, sénatrice Boniface, d’avoir aussi bien décortiqué ce projet de loi. Je l’apprécie.

J’ai peut-être mal compris, mais lorsque vous avez parlé des nouveaux seuils que ce projet de loi prévoit établir, je crois avoir entendu le mot « comportement ». Ma question porte sur ce point, car l’évaluation d’un comportement est un geste profondément subjectif. Comment peut-on s’attendre à ce que les agents de l’ASFC jugent le comportement d’une personne de façon appropriée, et si ce comportement est l’expression d’une réelle inquiétude, d’un trouble mental quelconque ou d’une autre condition physique? J’aimerais que vous précisiez les choses.

La sénatrice Boniface : Ces agents jouent un rôle unique et disposent d’un temps d’interaction très court. Ils font cela chaque jour. Ils ont été formés pour cela. À chaque personne qu’ils rencontrent, ils évaluent leur interaction avec cette personne et quels sont les indicateurs.

Lorsqu’ils abordent la question des appareils personnels, il se peut que les voyageurs soient envoyés à l’examen secondaire, ce qui signifie une interaction avec plus d’un agent, mais c’est ce que les agents des douanes font chaque jour. Ils font des évaluations en fonction des questions qu’ils posent et des comportements qu’ils observent. Tout comme d’autres personnes qui travaillent dans ce domaine, ils sont jugés en fonction de leur précision. Pour revenir aux appareils personnels, j’attire votre attention sur le fait que 27 % des agents — ce que j’appellerais le taux de réussite — trouvent de la contrebande dans ces appareils. Cela me porte à croire qu’ils sont très efficaces si on les compare à d’autres métiers du même genre. Ils sont très concentrés et cherchent les bonnes choses.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le temps est écoulé, mais il reste quatre sénateurs qui souhaitent poser des questions. Sénatrice Boniface, demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Boniface : Je suis heureuse de continuer à répondre aux questions si le Sénat est d’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

L’honorable Colin Deacon : Merci, sénatrice Boniface, pour votre leadership dans ce dossier. Votre jugement et votre expérience sont très importants pour trouver le juste équilibre sur cette question. En ce qui concerne la difficulté de bien faire les choses, j’ai pensé à l’évêque Lahey. Il avait négocié un règlement pour les victimes d’agressions sexuelles dans le diocèse d’Antigonish, mais il a été arrêté à l’aéroport d’Ottawa peu après avec un ordinateur rempli de pornographie infantile qu’il importait au pays. Il a par la suite été accusé et condamné, mais cela a eu un effet dévastateur sur la communauté catholique de la Nouvelle-Écosse et la collectivité en général. Il y a eu une perte de confiance. Vous travaillez sur quelque chose de très important.

Je veux comprendre. Les agents n’ont la possibilité de consulter les données que sur le téléphone, et pas sur le nuage. À ce moment-là, ils peuvent prendre une décision. Est-ce que la prochaine décision qu’ils prendront sera de conserver l’appareil ou est-ce qu’ils saisiront d’une manière ou d’une autre les données de l’appareil? S’ils saisissent les données, comment les conservent-ils ou les détruisent-ils selon ce qui a été découvert? Pouvez-vous m’éclairer un peu à cet égard?

La sénatrice Boniface : Il y a beaucoup de choses qui dépendent de ce qu’ils trouvent précisément et de ce qu’ils font. Un aspect important — que j’ai d’ailleurs mentionné dans mon discours — est que si on en arrivait à une enquête criminelle, comme celle dont vous parlez, cela serait normalement acheminé à une autre autorité. On conserverait la preuve — le téléphone — et on l’enverrait à l’autorité responsable de l’enquête, soit probablement à la police locale, pour que des accusations soient portées.

La différence, c’est que ce qu’on cherche initialement ce sont des infractions réglementaires sous le régime de la législation douanière. J’aurais dû le mentionner avant, mais il y a 90 lois différentes concernant les contraventions. L’aspect criminel est généralement traité par la police locale, avec laquelle on assure donc une liaison. C’est elle qui mène l’enquête criminelle, qui est distincte du travail des douaniers. Normalement, c’est ainsi que le processus fonctionne à l’échelle locale.

(1920)

L’honorable Hassan Yussuff : Je vous remercie, sénatrice Boniface, de l’important travail que vous accomplissez. J’en profite pour remercier, parallèlement, les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada pour le travail colossal qu’ils font aux différents points d’entrée pour protéger les frontières de notre pays. Ce n’est pas une tâche facile, étant donné la multitude de personnes qui les franchissent.

Dans le document d’information, on indique que le commissaire à la vie privée n’a pas encore commenté le projet de loi. J’imagine que cela ne saurait tarder. Si des commentaires étaient formulés de manière à justifier une modification de certains aspects de cette mesure législative, le gouvernement serait-il disposé à en tenir compte — évidemment, dans le contexte où les droits relatifs à la vie privée au Canada sont très différents de ceux des États-Unis?

La sénatrice Boniface : Sénateur Yussuff, je vous remercie de votre question. Comme il est indiqué dans le document d’information que j’ai reçu, de même que dans celui mis à la disposition des sénateurs ce matin, des discussions sont en cours depuis un certain temps avec le commissaire à la vie privée. Pour ce point en particulier, aucune discussion avec le commissaire à la vie privée n’a mené à une décision à ce jour. Cependant, j’encourage le comité — peu importe quel comité héritera de ce dossier — à inviter le commissaire à la vie privée pour connaître son point de vue et approfondir ces points de discussion. Je serais portée à croire que, à l’instar de ce que nous constatons constamment dans cette enceinte, tout le monde sera disposé à apporter des amendements. Il ne fait aucun doute que l’opinion du commissaire à la vie privée doit être prise en compte.

L’honorable David M. Wells (leader adjoint suppléant de l’opposition) : J’aurais quelques questions, sénatrice Boniface, si vous le permettez.

Vous avez parlé de la multiplicité des indicateurs. Comment définissez-vous la notion de « préoccupations générales raisonnables » ou, en fait, ce qui serait « inférieur à des motifs raisonnables »? À quel genre d’indicateurs ou de comportements les agents des services frontaliers sont-ils attentifs? C’est surtout le seuil le plus bas qui me préoccupe. Si je sors d’un avion après un vol de huit heures, que je suis à l’aéroport, que je n’ai pas dormi et que je suis contrarié, peut-être échevelé, et vraiment pas aussi agréable et charmant qu’à l’habitude, comment un agent des services frontaliers saura-t-il que mon état actuel ne reflète pas ma nature habituelle?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Chers collègues, nous avons déjà accordé deux prolongations de cinq minutes. Le sénateur Wells et la sénatrice McCallum souhaitent poser des questions. Sénatrice Boniface, désirez-vous demander cinq minutes de plus?

Une voix : Non.

La sénatrice Boniface : Je suis à la merci du Sénat. Peut-être pourrions-nous convenir que je répondrai aux questions du sénateur Wells et de la sénatrice McCallum, puis que nous nous arrêterons là.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs acceptent-ils d’accorder cinq minutes de plus, au maximum?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Wells, vous avez mentionné que vous aviez plusieurs questions. Vos questions devront être brèves pour que la sénatrice McCallum puisse poser la sienne.

Le sénateur Wells : Je suis d’accord. J’ai posé une question et j’attends la réponse.

La sénatrice Boniface : Sénateur Wells, merci beaucoup de votre question, qui cadre très bien avec celle de la sénatrice Omidvar. Je précise que la « préoccupation générale raisonnable » est légiférée, mais elle n’est pas aussi rigoureuse que le « motif raisonnable ». Pour dire les choses clairement, c’est la distinction entre les deux. En fait, avant Canfield, il n’existait pas d’exigence relative à un seuil; cela faisait partie d’une fouille de routine. Je tiens à ce que ce soit clair.

Vous soulevez la même question que celle posée par la sénatrice Omidvar sur les indicateurs. Comme je l’ai dit, c’est le travail que les agents de l’ASFC font tous les jours. Par exemple, sans savoir que vous êtes le sénateur Wells, ils pourraient vous poser une question comme : « Qu’avez-vous sur vous? Qu’y a-t-il sur votre téléphone? », ce à quoi vous pourriez répondre : « Rien ». Ils pourraient ensuite vous interroger davantage pour voir s’ils peuvent obtenir des indicateurs. Ils sont à l’affût d’éléments comme l’évitement dans les réponses aux questions ou la nervosité.

Il est important de se rappeler que les agents travaillent dans cet environnement chaque jour. Ils tiennent donc compte des explications que vous fournirez ou non sur votre comportement ou sur votre apparence. Ce sont des professionnels formés pour noter ce genre de choses. La prise de notes au sujet des appareils personnels est un élément important à ranger dans les difficultés possibles, mais il faut également présumer que la répétition de cette tâche au fil du temps — à une fréquence pas particulièrement élevée, comme en témoignent les statistiques — leur permettra de peaufiner leur art. Il ne faut pas oublier que c’est ce qu’ils font chaque jour, et pas uniquement lors de cette tâche en particulier.

Le sénateur Wells : Vous avez mentionné que la politique appliquée par les agents de l’ASFC serait incorporée dans une loi. Évidemment, nul n’est censé ignorer la loi. Il y a plusieurs années, j’ai été intercepté à la frontière. Ils m’ont demandé mon téléphone, et je leur ai donné. Ils m’ont demandé mon mot de passe, et je leur ai fourni. Je ne connais pas la politique de l’ASFC. Le fait d’ignorer une politique est une sorte d’excuse, et je pense que cela pourrait être contesté.

Puisque le projet de loi énonce l’obligation de désactiver la connexion au réseau avant d’effectuer la fouille, pensez-vous que la loi devrait exiger des agents de faire part aux voyageurs de leur droit de désactiver la connexion? Serait-ce raisonnable d’exiger cela des agents frontaliers? Selon la politique, ils ne sont pas tenus de dire quoi que ce soit au voyageur.

Pensez-vous que ce serait raisonnable que la loi prévoie l’obligation de donner un avertissement, quelque chose comme une mise en garde Miranda, c’est-à-dire le fait de faire part de ses droits à un individu faisant l’objet de soupçons?

La sénatrice Boniface : La question que vous posez est tellement précise que je vous demanderais de la poser aux agents de l’ASFC lorsqu’ils témoigneront devant nous. En toute franchise, je n’ai jamais été à leur place et je ne connais pas en détail toutes les étapes du processus. C’est la meilleure interprétation que j’en ai. Je vous suggère de poser la question sur toutes les étapes du processus. Vous soulevez une bonne question lorsqu’il s’agit de savoir dans quelle mesure ils doivent informer les gens. Je crois que les renseignements qu’ils vous fourniront sur leur façon de procéder seront plus instructifs que toute réponse que je pourrais vous donner.

Le sénateur Wells : Merci.

Votre Honneur, j’ai d’autres questions, mais je cède la parole.

L’honorable Mary Jane McCallum : Lorsque vous parlez de la difficulté de faire les choses comme il faut en tenant compte des questions juridiques concernant les peuples autochtones, cela a toujours posé problème, et c’est encore le cas, surtout avec le profilage racial. J’estime que trouver des produits de contrebande dans 27 % des cas, c’est très peu. Pendant combien de temps les agents devront-ils chercher ces sites qui sont souvent très bien protégés par des dispositifs de chiffrage? Si on veut être juste, ne pensez-vous pas que cela devrait s’appliquer à tous les Canadiens?

La sénatrice Boniface : Sénatrice McCallum, je ne peux pas répondre de façon complète, mais je serais heureuse de faire un suivi afin, je l’espère, de répondre à votre question. Je sais que le problème du profilage racial sera une question importante lors de l’étude en comité.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Projet de loi concernant la modernisation de la réglementation

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Woo, appuyée par l’honorable sénateur Dean, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.

L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, je prends la parole en qualité de porte-parole au sujet du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.

L’objectif déclaré du projet de loi est de modifier ou d’abroger des dispositions dans diverses lois qui sont devenues des « obstacles à l’innovation et à la croissance économique » et d’ajouter certaines dispositions en vue d’encourager l’innovation et la croissance économique. Plus important encore, le projet de loi propose de modifier, au moyen de plus de 40 modifications, 29 lois, notamment la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz et la Loi sur les pêches, pour ne nommer que celles-là.

Les changements proposés, qui semblent à première vue être mineurs et techniques, élimineraient, comme l’a très bien exprimé le sénateur Woo, « des irritants législatifs » qui augmentent le fardeau administratif non seulement du gouvernement, mais aussi du secteur privé.

Par exemple, le projet de loi S-6 modifie la Loi sur les arpenteurs des terres du Canada afin de simplifier la manière dont le public peut porter plainte, et afin d’harmoniser les versions française et anglaise de la loi pour en uniformiser le libellé.

(1930)

À l’instar du sénateur Woo, je n’aurai pas le loisir de captiver le Sénat en parlant de chacune des modifications, car je n’aurais pas assez de temps pour le faire. C’est pourquoi je considère qu’une étude plus détaillée de ce projet de loi aux divers comités serait justifiée.

Chers collègues, la réglementation joue un rôle essentiel pour protéger les Canadiens et l’environnement, car elle offre des lignes directrices aux entreprises et aux consommateurs pour assurer le respect des lois et pour remédier aux situations de non-conformité.

Plusieurs personnes pourraient être étonnées d’apprendre à quel point nos vies sont réglementées, qu’il s’agisse des maisons dans lesquelles nous vivons, des voitures que nous conduisons, des produits que nous utilisons, des services que nous exigeons, des aliments que nous consommons ou du contenu que nous visionnons. La réglementation joue un rôle important pour préserver notre sécurité et celle de notre entourage.

Un bref coup d’œil à la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation, qui est conçue pour protéger le public en s’attaquant aux menaces liées aux produits de consommation, fait ressortir près de 40 règlements, qui concernent les bijoux pour enfants, les berceaux, les couvre-fenêtres, les portes en verre, les bouilloires, les matelas, les casques de hockey et même la céramique émaillée et la verrerie. Dans la plupart de ces cas, la réglementation est primordiale. Sans elle, la santé et la sécurité des Canadiens seraient en jeu.

Néanmoins, il existe des règlements désuets qui nuisent à la productivité, à la compétitivité et à l’efficacité. L’imposition aux entreprises et aux consommateurs de règlements périmés, inefficaces et coûteux occasionne des dépenses d’ordre administratif inutiles.

Par exemple, les entreprises qui sont visées par la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments doivent, selon le texte de la loi, interagir avec l’agence au moyen de transactions papier. Vous avez bien entendu. En 2022, l’Agence canadienne d’inspection des aliments administre et applique les dispositions de la loi en utilisant le papier. Heureusement, le projet de loi S-6 modifie la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments en éliminant la nécessité d’utiliser des transactions papier et en permettant à l’agence d’administrer et d’appliquer la loi par voie électronique.

C’est précisément ces types de processus réglementaires désuets et, bien honnêtement, lents qui minent la compétitivité des entreprises canadiennes, mais qui compliquent aussi la tâche aux entreprises étrangères qui veulent investir ici.

Un rapport publié par Deloitte en 2019 sur l’état de la réglementation, La réglementation en tant qu’avantage concurrentiel, souligne que le contexte réglementaire du Canada est une grande faiblesse. C’est un sentiment que partageait la Banque mondiale qui, en 2019, a classé le Canada au 23e rang de son indice de la facilité de faire des affaires, une dégringolade de 18 places depuis 2006. De plus, le Forum économique mondial a classé le Canada au 53e rang parmi 140 pays où l’on a évalué le fardeau de la réglementation gouvernementale.

Enfin, selon les indicateurs de réglementation des marchés de produits de l’Organisation de coopération et de développement économiques, le Canada, en 2019, a eu des résultats inférieurs à ses pairs, qu’ils fassent partie de l’OCDE ou non, en ce qui concerne la réglementation des activités commerciales.

On a aussi rapporté que le Canada a été deux fois moins concurrentiel que la moyenne de l’OCDE en ce qui a trait au fardeau administratif imposé aux jeunes entreprises. Les délais et les coûts associés à l’approbation des demandes de permis et de licences en sont des exemples.

Honorables sénateurs, étant donné le bilan du Canada en matière de réglementation, il n’est pas difficile de concevoir que notre pays n’est pas des plus attractifs pour les investissements étrangers.

L’indice de restrictivité de la réglementation à l’investissement direct étranger est une base de données de l’OCDE qui mesure la restrictivité des règlements d’un gouvernement en matière d’investissements étrangers dans divers secteurs. D’après cet indice, le Canada était le pays le plus restrictif de l’OCDE en la matière en 2020, avec le Mexique, l’Islande et la Nouvelle-Zélande.

D’autres données provenant de la Banque mondiale suggèrent que les entrées nettes d’investissements directs étrangers au Canada — exprimées en pourcentage du PIB — représentaient toujours 1,6 % en 2020. Dans ce classement, le Canada vient après des pays comme la Suède, l’Allemagne et l’Espagne, qui sont des pays classés comme étant moins restrictifs en matière d’investissements étrangers.

Toutefois, après mes échanges avec des fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, et après avoir écouté le sénateur Woo, je suis heureux d’apprendre que d’autres révisions réglementaires auront lieu en parallèle de l’examen législatif prévu dans le projet de loi S-6.

En plus de l’engagement à produire des examens législatifs annuels, comme le projet de loi S-6, d’autres révisions de la réglementation sont en cours à l’interne au sein de la fonction publique fédérale. D’après le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, les ministères et les organismes ont été chargés de réaliser des feuilles de route pour la révision, la mise à jour et l’épuration des règlements qui sont de leur ressort.

De surcroît, le gouvernement a pris note des collaborations avec les provinces et territoires dans le cadre de la Table de conciliation et de coopération en matière de réglementation pour uniformiser les règlements entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires.

Pour finir, il existe divers forums bilatéraux et multilatéraux sur la coopération en matière de réglementation auxquels le gouvernement participe pour remédier aux racines mêmes des problèmes qui entravent les investissements.

Ensemble, toutes ces initiatives permettront au gouvernement fédéral de se fixer des objectifs ambitieux. Il nous incombe de vérifier que le gouvernement atteindra ses cibles. En tant que Chambre de second examen objectif, le Sénat doit sans cesse procéder à des contrôles et demander des comptes au gouvernement à cet égard.

Le projet de loi S-6 constitue un pas, bien que modeste, dans la bonne direction. C’est pourquoi je pense qu’il faut l’envoyer au comité pour générer de plus amples discussions et pour donner la possibilité aux sénateurs de collaborer afin d’étudier certains processus réglementaires qui nuisent à notre productivité, à notre efficacité et à notre croissance.

Merci à tous.

Des voix : Bravo!

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’appui du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.

Le projet de loi S-6 s’inscrit dans le cadre d’une initiative de modernisation de la réglementation visant à remédier à des problèmes soulevés par les entreprises et les Canadiens concernant des exigences trop compliquées, incohérentes ou dépassées qui font obstacle à l’innovation et à la croissance économique. Vous ne serez pas étonnés d’apprendre que j’estime qu’il s’agit d’une très bonne initiative.

D’abord, j’aimerais remercier le sénateur Woo, qui a décrit de façon exceptionnelle l’importance des 47 modifications visant 29 lois qui sont proposées dans ce projet de loi. Je n’aurais jamais pu en faire autant, je vous l’assure. J’ai particulièrement aimé qu’il ait qualifié le projet de loi de premier pas important dans la bonne direction. Vous constaterez dans mon discours que je suis entièrement d’accord avec lui sur ce point.

J’ai également aimé que le sénateur Smith nous rappelle avec brio l’importance de la réglementation intelligente et le fardeau que les règlements représentent pour les entreprises, notamment les entreprises en démarrage. Sénateur Smith, merci.

Les modifications proposées rejoignent d’importants thèmes économiques et sociaux, notamment faciliter les affaires, assouplir et adapter la réglementation et améliorer l’intégrité du régime réglementaire. Ce sont là des objectifs incroyablement importants. Cela dit, je dirais, humblement, qu’un quatrième s’impose, soit celui de veiller à ce que nos lois et règlements ne soient pas anticoncurrentiels. J’y reviendrai plus tard.

Le projet de loi S-6 est la deuxième mouture d’un nettoyage annuel dirigé par le Conseil du Trésor. Il s’agit du premier projet de loi annuel de modernisation de la réglementation provenant du Sénat. Je crois que cela lui confère une réelle importance.

Les 47 modifications législatives qu’il contient visent à régler certains irritants concernant des questions non controversées, comme l’a souligné le sénateur Woo, qui limitent la capacité d’adapter les règlements connexes à l’évolution de la science, de la technologie et des modèles d’affaires, entre autres. Ce sont des modifications dont la nécessité est largement reconnue, alors je ne vais pas en parler dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture.

Je vais plutôt axer mon intervention sur le point qui me semble le plus pressant et le plus crucial et sur lequel nous devrions porter notre attention. Il s’agit du fait que ces 47 modifications législatives ne constituent qu’une fraction des changements nécessaires pour la modernisation du fardeau réglementaire au Canada, qui, comme l’a souligné le sénateur Smith, améliorera la compétitivité et la productivité du pays et assurera la prospérité de nos petits-enfants.

Je proposerais que, à l’avenir, on nomme ce projet de loi « Loi de l’élimination des irritants réglementaires », parce qu’il fait un excellent travail, vraiment, un excellent travail. Cela dit, il est très loin de relever le défi de taille qu’est la modernisation de la réglementation au Canada.

(1940)

En effet, le taux de croissance potentiel du Canada — le taux de croissance qui est possible sans déclencher l’inflation — est en baisse. À mon avis, c’est parce que, trop souvent, les innovations qui pourraient rendre l’économie plus productive ne sont pas intégrées à nos façons de faire des affaires au Canada, que l’on pense au secteur privé, au secteur public, au secteur universitaire ou à d’autres encore.

Si nous ne modifions pas de toute urgence notre façon de légiférer, de réglementer et de s’approvisionner, les innovations canadiennes continueront de s’appliquer ailleurs, ce qui pousse souvent les entreprises qui en sont la source à déménager à l’étranger, en emportant avec elles les emplois bien rémunérés.

Selon les données de 2018 de l’OCDE, le Canada arrive au premier rang des pays de l’OCDE en ce qui a trait à la réglementation de type « commandement et contrôle ». Ce n’est pas une bonne nouvelle. La réglementation de type « commandement et contrôle » sert à définir le processus à suivre pour obtenir un résultat réglementaire donné. En raison de leur conception même, ce type de législation et les règlements qui en découlent éliminent simplement la possibilité d’innover.

Prenons un exemple bien concret : inscrire dans la loi et dans les règlements l’utilisation d’une technologie en particulier, comme le télécopieur, ce qui est encore le cas dans de nombreuses administrations. Cette approche rend les vendeurs canadiens de télécopieurs très heureux, mais elle limite la croissance de notre productivité et, par conséquent, notre compétitivité et notre prospérité.

Plus préoccupant encore, l’OCDE a prédit récemment que l’économie canadienne accuserait les pires résultats de toutes les économies avancées jusqu’en 2030, et au cours des trois décennies suivantes. Je sais que beaucoup d’entre nous se préoccupent de cette question depuis longtemps, notamment ceux qui ont participé, l’an dernier, au Groupe d’action pour la prospérité du sénateur Harder.

C’est préoccupant, mais je trouve cela surtout très, très frustrant parce que le Canada abrite la deuxième grappe d’innovation en importance en Amérique du Nord, qui y connaît aussi la croissance la plus rapide : le corridor Toronto-Waterloo. Nous sommes des novateurs et des inventeurs de calibre mondial, mais les gouvernements de toutes les allégeances et de tous les ordres ont tous été incapables d’accomplir le travail difficile d’intégrer ces innovations dans notre façon de légiférer, de réglementer et de s’approvisionner.

Voilà donc ce sur quoi j’espère que nous pourrons nous concentrer lorsque sept comités sénatoriaux étudieront le projet de loi S-6. Penchons-nous sur le processus qui sous-tend la modernisation réglementaire annuelle du gouvernement et trouvons des moyens d’élargir substantiellement ce processus et de lui assurer plus de ressources à l’avenir, afin de répondre au besoin urgent de moderniser la réglementation à l’échelle du Canada.

Quand je parle de ressources adéquates, est-ce que je suggère d’augmenter encore davantage les dépenses du gouvernement? La réponse est non. On a annoncé vouloir investir des milliards de dollars dans l’innovation dans le dernier budget. Je suis convaincu qu’on peut prélever une infime fraction de ces investissements pour financer la réforme réglementaire obligatoire et permettre au Canada d’avoir plus d’agilité réglementaire. En octroyant seulement une petite fraction de ces ressources à cette fin, on pourrait améliorer significativement l’innovation et la croissance des entreprises.

Le constat est simple. Lorsque votre économie dépend de lois et de règlements qui obligent le recours à des télécopieurs et qui limitent l’utilisation de drones ou d’autres technologies, vous choisissez que votre économie périclite alors que nous progressons dans l’ère du numérique. Les Canadiens deviendront les victimes des perturbations au lieu d’être les perturbateurs.

Je pense que ces difficultés donnent une occasion inédite au Sénat de jouer un rôle pour faire avancer ce processus au gouvernement. Si je dis cela, c’est parce que la volonté politique de l’autre endroit n’a pas pris la forme de résultats concrets.

Si c’était le cas, nous n’aurions pas besoin du projet de loi S-6. Pour prouver ce que j’avance, laissez-moi vous lire certaines déclarations du gouvernement dans l’autre endroit.

Voici la première citation :

[L]a clé de la prospérité réside dans l’augmentation de notre productivité [...]

Nous devons nous adapter aux nouvelles réalités mondiales ou nous condamner à voir stagner ou diminuer notre prospérité future.

Cependant, les Canadiens s’inquiètent de plus en plus de notre capacité concurrentielle.

Les gouvernements se doivent de créer un climat propice à la croissance d’entreprises compétitives.

En voici une autre :

Les tracasseries administratives et la lourdeur des réglementations font obstacle à la croissance économique, notamment aux créations d’emplois, en drainant les énergies des PME [...]

Il faudra consulter étroitement les autres pouvoirs publics pour alléger et rationaliser les réglementations et supprimer celles qui font double emploi.

Voici la dernière citation :

Pour promouvoir la création d’emplois et améliorer les conditions propices aux investissements des entreprises, le gouvernement a adopté un éventail de mesures afin [...] d’améliorer le climat de réglementation, de promouvoir la compétitivité des entreprises [...]

Ce document a également proposé de « [moderniser] la réglementation et la législation pour mieux protéger les investisseurs et les contribuables [...] »

Je parie que vous avez remarqué que ces citations sont un peu répétitives. Il est intéressant de noter que la première est tirée du budget de 1991 du gouvernement Mulroney. La deuxième est tirée de la plateforme des libéraux pour les élections de 1993, qui a été rédigée par Paul Martin et mise en œuvre dans une certaine mesure par le gouvernement Chrétien. La troisième est tirée du budget de 2014 du gouvernement Harper.

Depuis près de 40 ans, tous les gouvernements fédéraux tentent d’améliorer la croissance de la productivité. Pendant ce temps, le fardeau réglementaire du Canada continue de s’alourdir et la productivité continue de diminuer.

Je veux m’arrêter ici et être très clair. Je ne parle pas de déréglementation. Je parle de faire en sorte que notre réglementation n’entrave pas notre capacité à innover et à nous améliorer, à être de plus en plus concurrentiels au niveau mondial et à accroître la prospérité des générations futures.

Le fait est qu’une entreprise cause des perturbations ou les subit. Cela se produit beaucoup, beaucoup plus vite aujourd’hui qu’il y a dix ans. Nos organismes de réglementation ont le devoir absolu d’appuyer l’innovation et de contribuer à ce que notre économie soit du bon côté du clivage entre ceux qui causent et ceux qui subissent les perturbations. Nous devons nous attaquer sérieusement à la modernisation de la réglementation, dès maintenant.

Je demande donc aux sept comités qui étudient des parties du projet de loi S-6 de considérer ce projet de loi comme une première étape importante. Nous avons toutefois besoin de bien plus. Veuillez choisir quelques témoins et réserver quelques questions afin d’examiner la manière dont le gouvernement pourrait mettre en place un processus de modernisation de la réglementation beaucoup plus large, plus rigoureux et plus transparent.

Je crois qu’au Sénat, nous sommes peut-être beaucoup mieux placés pour examiner l’authenticité du processus qui a donné lieu aux 47 modifications incluses dans le projet de loi S-6 que pour tenter de déterminer la pertinence de chacune de ces modifications législatives de nature hautement procédurale. Plus le processus est efficace, plus nous pouvons avoir confiance dans les modifications qui en résultent.

Par conséquent, chers collègues, je vous demande d’envisager d’examiner ce qui suit :

Premièrement, le processus de sélection. En ce moment, les ministères proposent des modifications par l’entremise d’une lettre d’appel du Secrétariat du Conseil du Trésor. Les Canadiens et les entreprises peuvent partager des suggestions, mais il est probable que ce processus pourrait être plus rigoureux et consultatif. Il est possible que les lobbyistes, qui représentent invariablement les candidats les plus établis, saturent le processus, submergeant et diminuant l’influence de nouveaux candidats innovateurs.

Deuxièmement, penchons-nous sur le processus d’examen lui-même. J’aimerais maintenant que vous teniez compte des trois points suivants :

Premièrement, l’approche utilisée est-elle fondée sur des principes et définit-elle clairement les risques qu’il faut gérer plutôt que de définir une manière particulière de résoudre le problème? Nous devons donner aux entreprises canadiennes la latitude nécessaire pour innover.

Deuxièmement, je vous demande d’envisager s’il est possible de créer un processus transparent de modernisation de la réglementation à partir de normes techniques sous contrôle public et vérifiables, ce qui pourrait limiter le processus et le rendre moins risqué pour les organismes de réglementation, et par conséquent plus souple.

Troisièmement, je vous demande d’envisager la possibilité d’incorporer un outil utile élaboré par le Bureau de la concurrence en 2019. Cette liste de vérification en cinq étapes comprend une évaluation visant à s’assurer qu’un règlement n’est pas anticoncurrentiel. Une approche semblable pourrait être appliquée à cet examen.

En dernier lieu, je vous demande d’examiner les limites potentielles sur le plan des capacités. Réfléchissez aux obstacles et aux limites, réels ou éventuels, — par exemple, le nombre limité de rédacteurs législatifs — qui ont pu apparaître au fil des étapes du projet de loi S-6 ou qui pourraient créer un effet de goulot d’étranglement à la fin du processus qui, je l’espère, deviendra un processus public beaucoup plus vaste et de plus en plus inclusif et efficace.

Chers collègues, si nous voulons agir sérieusement pour accorder la priorité à des changements durables dans ce domaine, nous devons adopter une approche de réforme de la réglementation qui est systématique, inclusive et fondée sur des principes et qui met l’accent sur une réglementation visant l’atteinte de résultats plutôt que le contrôle de processus.

Pour ce faire, nous devrons veiller à ce que les processus prévus, d’une part, pour éliminer les irritants relatifs à la réglementation et, d’autre part, pour moderniser notre réglementation ne soient pas anticoncurrentiels. Autrement dit, ils ne devront pas favoriser les fournisseurs actuels par rapport aux nouveaux fournisseurs. Ils devront aussi être indépendants des technologies, c’est-à-dire ne pas définir l’utilisation de la technologie, peu importe laquelle. Il est possible que vous trouviez d’autres facteurs de risque à prendre considération, et j’espère que ce sera le cas.

J’aimerais conclure avec une anecdote pertinente qui est survenue dernièrement. Comme certains d’entre vous le savent, le réseau Starlink de SpaceX fournit des services à large bande par satellite à l’Ukraine depuis l’horrible invasion par la Russie. La Russie a tenté de contrecarrer le service avec une puissante attaque électromagnétique comme tactique de guerre. Alors que l’attaque faisait rage, les ingénieurs de Starlink ont reprogrammé les codes sur-le-champ, ce qui a immédiatement coupé court à l’attaque qui visait à geler les services. Dave Tremper, directeur de la division de la guerre électronique du Pentagone, a été soufflé par la rapidité incroyable de la réponse de Starlink. M. Temper a expliqué que le Pentagone ne peut pas réagir aussi rapidement. En effet, l’organisme doit attribuer des contrats à des consultants, car il n’a pas les ressources internes permettant de régler les problèmes sur-le-champ.

(1950)

Les règles sur l’approvisionnement du Pentagone le rendent vulnérable aux perturbations et fragilisent ses mécanismes de sécurité. La façon dont le Pentagone gère son approvisionnement crée des risques au lieu de les éliminer.

C’est tout à l’opposé de ce qu’il veut faire, j’en suis certain.

Le gouvernement doit exploiter la capacité d’innover et la rapidité d’exécution qui caractérisent le secteur privé. Nous devons tous gagner en souplesse, car le monde évolue de plus en plus rapidement. Nous devons changer les règles que nous pouvons contrôler si nous voulons suivre le rythme, demeurer concurrentiels et assurer notre prospérité.

Donnons la priorité aux thèmes de l’initiative annuelle de modernisation de la réglementation, qui a mené à l’élaboration du projet de loi S-6. Nous faciliterons les processus d’affaires, accroîtrons la souplesse et l’agilité de la réglementation et améliorerons notre système de réglementation au pays. Nous nous assurerons également que nos règlements ne sont pas anticoncurrentiels, car la concurrence favorise l’innovation, la croissance de la productivité et la prospérité.

Le gouvernement doit continuer à miser sur les éléments que j’ai énumérés aujourd’hui si le Canada veut atteindre ces objectifs importants ainsi qu’assurer et accroître la prospérité de nos petits-enfants.

J’appuie le projet de loi S-6, plus particulièrement les efforts accrus visant à éliminer les irritants et moderniser les règlements.

Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Quelqu’un a une question? Il nous reste 30 secondes.

L’honorable Terry M. Mercer : J’ai une question rapide. Tout au long du processus, les gens vous proposeront toutes sortes d’éléments à ajouter au projet de loi. S’il vous est impossible de les ajouter au fur et à mesure, vous engagez-vous à prendre note de toutes ces suggestions et à les intégrer à un nouveau projet de loi qui tiendra compte de ce que vous avez appris?

Le sénateur C. Deacon : Il me reste quelques années au Sénat, sénateur Mercer. Je verrai ce que je peux faire.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Des voix : Bravo!

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Woo, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

Recours au Règlement—Report de la décision de la présidence

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, j’invoque le Règlement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La sénatrice Lankin invoque le Règlement.

La sénatrice Lankin : Vous dites cela avec un point d’interrogation à la fin, avec une pointe d’étonnement, Votre Honneur.

Honorables sénateurs, en prévision de la possibilité ou de la probabilité que nous siégions en personne la semaine prochaine, je veux parler de nos règles concernant l’endroit où les gens doivent s’asseoir, et où ils doivent se tenir à leur place ou dans leur espace s’ils interviennent.

Durant les préparatifs entourant la manière dont nous allions gérer les séances pendant la pandémie de COVID — nous avons fini par opter pour le modèle hybride — nous avons réfléchi aux façons de maintenir la distance physique, et il a été suggéré de faire asseoir des sénateurs dans les tribunes. Je sais que le Président peut ouvrir ou fermer les tribunes au public et que cela pourrait se faire, mais nos règles s’y opposent.

Tout à l’heure, dans le cadre d’une question, j’ai mentionné nos collègues qui peuvent être extrêmement immunodéprimés, ayant subi un traitement contre le cancer, par exemple, ou dont un membre de la famille pourrait avoir contracté la COVID et qui doivent donc s’isoler eux aussi pendant un certain temps.

Mon point de vue est nourri de l’expérience que j’ai acquise au sein de l’Assemblée législative de l’Ontario concernant les lois visant les femmes et le droit de connaître les dangers. Je me demande comment ces collègues vont se sentir à l’idée de revenir s’ils doivent être assis côte à côte.

Je dois admettre que je fais partie de ces personnes. Je participe aux débats ici, à Ottawa, mais mon époux est extrêmement immunodéprimé. Si j’ai l’espace nécessaire et si je peux prendre toutes les mesures de précaution comme dans tous les aspects de ma vie, je peux être à l’aise. Autrement, je ne le peux pas.

Les personnes qui sont peut-être dans une situation plus grave que la mienne seront privées de la possibilité de participer aux travaux du Sénat en personne si elles jugent qu’elles ne pourront pas éviter de se retrouver dans un espace confiné, sans distanciation physique. Cela me préoccupe, et je suis consciente que, pour s’adapter à la situation, il faudra un ordre du Sénat, car c’est une question qui touche les règles voulant qu’on soit à son siège pour prendre la parole.

J’invoque le Règlement à ce sujet, car je sais, Votre Honneur, que c’est le genre de chose dont on discuterait normalement avec la présidence. Le groupe de leaders entendra peut-être ceci, mais je crois que c’est un problème considérable qui nuit grandement à la capacité des sénateurs de jouir du privilège et du droit qu’ils ont de prendre part aux travaux sur place si ce genre de mesures ne sont pas mises en place.

Vous n’êtes peut-être pas en mesure de rendre une décision sur un processus obligatoire, et nous devons revenir dans cette enceinte pour régler cette question, mais je porte cette question à votre attention et à l’attention de mes collègues du Sénat.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, si on me le permet, je voudrais participer au débat sur ce recours au Règlement. Je veux simplement remercier la sénatrice d’avoir soulevé cette question et m’engager en ma qualité de représentant du gouvernement — mais, plus important encore, en tant que sénateur — à travailler avec les autres leaders. Je m’engage à travailler avec les leaders dans l’espoir de préparer une motion appropriée au sujet de la distanciation, qui serait présentée la semaine prochaine. Je suis persuadé que les leaders collaboreront avec moi et que nous y arriverons. La motion inclurait également les places à la tribune afin que tous se sentent en sécurité, et le soient, au moment où nous serons ici en personne.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je tiens à remercier la sénatrice Lankin d’avoir soulevé cette question très importante qui doit faire l’objet de discussions. Les détails doivent être réglés pour permettre à tous les sénateurs de respecter les règles par rapport à la distanciation, au port du masque lorsqu’ils sont assis et lorsqu’ils prennent la parole, et à l’espace utilisé.

Je vous remercie encore une fois. Je vais porter ce sujet à l’attention du Président parce que c’est une question importante qui doit être réglée avant les séances de la semaine prochaine. Merci.

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 3 mai 2022, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(2000)

Projet de loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, appuyée par l’honorable sénatrice Ringuette, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-211, Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes, tel que modifié.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)

La Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Projet de loi modificatif—Adoption du premier rapport du Comité de l’agriculture et des forêts

Le Sénat passe à l’étude du premier rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts (projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois), avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 7 avril 2022.

L’honorable Robert Black propose que le rapport soit adopté.

 — Honorables sénateur, à titre de président du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, j’aimerais attirer l’attention sur un amendement au projet de loi S-222, qui a été adopté en comité. L’amendement concerne le remplacement, dans la version anglaise, du mot « must » par le mot « shall » concernant le fait de tenir compte de toute réduction potentielle des émissions de gaz à effet de serre et de tout autre avantage pour l’environnement, ce qui s’harmonise avec les formulations utilisées dans la loi originelle, la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Black, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—
Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice Mégie, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-218, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Ataullahjan, appuyée par l’honorable sénateur Boisvenu, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-224, Loi modifiant le Code criminel (traite de personnes).

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

(Sur la motion du sénateur Wells, au nom de la sénatrice Ataullahjan, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des droits de la personne.)

La Loi sur l’assurance-emploi
Le Règlement sur l’assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—
Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Griffin, appuyée par l’honorable sénateur Tannas, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard).

L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi, parrainé par la sénatrice Diane Griffin.

Chers collègues, avant de parler plus longuement du projet de loi S-236, permettez-moi de prendre quelques instants pour rendre hommage à notre ancienne collègue la sénatrice Griffin. Bien qu’elle n’ait fait partie du Sénat qu’un peu plus de cinq ans, la sénatrice Griffin y a laissé une marque durable. Elle a lutté pour ce qu’elle estimait juste et a défendu l’intérêt de sa chère île et province, l’Île-du-Prince-Édouard, dès que l’occasion se présentait. Par conséquent, je suis ravie d’assumer le rôle de porte-parole — mais une porte-parole favorable — à l’égard du projet de loi S-236.

Le projet de loi S-236 vise à apporter des modifications cruciales et fondamentales aux régions économiques de l’assurance-emploi de l’Île-du-Prince-Édouard. L’objectif est simple : réunir l’ensemble de l’Île-du-Prince-Édouard en une seule région économique de l’assurance-emploi. À l’heure actuelle, la province est divisée en deux régions économiques de l’assurance-emploi, l’une pour Charlottetown et l’autre pour tout le reste de l’Île-du-Prince-Édouard. Dans une petite province où la mobilité est grande et où il est donc facile de vivre dans une région et de travailler dans une autre, le fait d’avoir deux régions économiques de l’assurance-emploi peut poser problème.

Par exemple, pour la période actuelle allant du 10 avril au 7 mai, pour une personne qui demeure à Charlottetown, mais qui a travaillé à Summerside, la période de prestations d’assurance-emploi peut être de 16 semaines au minimum et de 42 semaines au maximum. Or, si la personne habite à Summerside et qu’elle travaille à Charlottetown, la période de prestations peut être de 18 semaines au minimum et de 44 semaines au maximum. Si on prend la période du 10 octobre 2021 au 6 novembre 2021, la différence est encore plus grande. La durée minimale des prestations pour quelqu’un de Charlottetown était de 14 semaines, alors que, dans le reste de l’Île-du-Prince-Édouard, elle était de 24 semaines.

Ces 10 semaines, honorables sénateurs, peuvent faire toute la différence. Pour certaines familles, elles peuvent entraîner de l’insécurité alimentaire. En tant que sénatrice d’une région dont l’économie est saisonnière et où le taux de chômage est élevé, je comprends entièrement et sincèrement l’importance de l’équité en matière d’assurance-emploi. Si ma région, le comté de Kent, devait être incorporée à la région économique de l’assurance-emploi de Moncton, ce serait tout aussi injuste.

De plus, je comprends le sentiment de frustration qu’on ressent lorsque les décisions sont prises à des milliers de kilomètres de loin et ne correspondent pas à la réalité de la région. Bien trop souvent, ces décisions sont prises rapidement, avec peu ou pas de consultations. Lorsqu’il s’agit d’une région qui n’a ni autant d’habitants ni autant de poids politique que les autres, les enjeux et les priorités sont parfois traités différemment. Par exemple, la dernière décision du ministère des Pêches et des Océans, qui a fermé les pêches au maquereau et au hareng, a fâché les pêcheurs du Canada atlantique. Ce n’est pas nécessairement le fait d’avoir fermé les pêches qui les a irrités, mais plutôt la manière dont le gouvernement est arrivé à cette décision. C’est parce qu’il n’y avait eu aucune consultation auprès des pêcheurs, et parce que la décision a été prise très près du début de la saison de pêche qu’elle a occasionné beaucoup de frustration et d’anxiété.

À l’avenir, j’espère que les ministères et les agences du gouvernement s’efforceront d’améliorer leur façon d’évaluer les répercussions de leurs décisions sur les régions qu’ils ne connaissent pas très bien. Dans bien des cas, on peut éviter des conséquences indésirables si on consulte les gens sur le terrain.

(2010)

J’appuie le projet de loi S-236, car il pourrait rendre l’assurance-emploi un peu plus équitable à l’Île-du-Prince-Édouard. Comme la sénatrice Griffin l’a dit pendant son discours, il y a déjà sept ans que le gouvernement fédéral promet un retour à une zone économique unique pour l’assurance-emploi. Un rapport de la Chambre des communes recommande la même chose. Défendons les intérêts de la province : commençons par renvoyer ce projet de loi au comité pour pouvoir, plus tard, donner à la Chambre des communes l’occasion de rendre l’assurance-emploi plus équitable pour les gens de l’Île-du-Prince-Édouard. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Adoption de la motion tendant à autoriser le comité à étudier le Cadre fédéral de prévention du suicide

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Kutcher, appuyée par l’honorable sénateur Boehm,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, dès qu’il sera formé, le cas échéant, soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, le Cadre fédéral de prévention du suicide, y compris :

a)à déterminer si le cadre a permis de faire diminuer les taux de suicide de façon importante, fondamentale et durable depuis son adoption;

b)à examiner les taux de suicide chez la population canadienne et des groupes particuliers au Canada comme les Autochtones, les personnes racialisées et les jeunes;

c)à faire rapport sur la somme des subventions fédérales accordées aux initiatives et aux programmes de prévention du suicide de 2000 à 2020, et à déterminer quels critères fondés sur des données probantes en matière de prévention du suicide ont orienté les choix;

d)à déterminer, pour chaque initiative ou programme mentionné au paragraphe c), s’il y a eu une baisse importante, fondamentale, durable et démontrable des taux de suicide chez la ou les populations ciblées;

e)à formuler des recommandations pour que le Cadre fédéral de prévention du suicide du Canada et les subventions fédérales destinées aux activités de prévention du suicide soient fondés sur les meilleures données probantes disponibles concernant les causes de la baisse des taux de suicide;

Que le comité soumette au Sénat le rapport final sur son étude au plus tard le 16 décembre 2022.

L’honorable Patrick Brazeau : Honorables sénateurs, en trois ans, c’est la troisième fois que je prends la parole au sujet de la prévention du suicide pour des raisons liées à ce que j’ai vécu personnellement il y a quelques années. Lorsque nous traitons de la prévention du suicide et de la santé mentale, nous devons faire preuve d’ouverture, de transparence et d’honnêteté si nous voulons réellement changer les choses.

Il y a plusieurs années, j’éprouvais des problèmes et j’ai suivi une thérapie. Les personnes qui participent à ce genre de thérapie sont surtout des ex-détenus et des hommes qui s’y présentent volontairement pour obtenir de l’aide. J’ai rapidement appris que le taux de réussite des centres provinciaux où les hommes peuvent obtenir de l’aide est d’environ 2 %. Ce n’est pas très élevé.

À mon arrivée au centre, on avait su que j’allais me présenter là pour avoir de l’aide et on a déroulé le tapis rouge. Or, je ne voulais pas d’un tapis rouge. Les hommes et les femmes qui vont à de tels endroits ont besoin d’aide; ils souffrent. Dans mon cas, c’était parce que j’avais presque atteint le fond du baril. Je voulais y demeurer. Comme vous pouvez le constater, cela n’a pas été facile, mais aujourd’hui, je suis ici.

Selon mon expérience personnelle avec ces thérapies, beaucoup de personnes qui souffrent, qui envisagent le suicide ou qui se sont suicidées ont des points en commun. Je ne suis pas un expert, mais cela a beaucoup à voir avec deux choses. Je n’ai pas fait d’études dans ce domaine, mais grâce aux relations humaines que j’ai établies avec les autres participants à ces thérapies, les gens souffraient et avaient l’impression d’être incompris. Ce sont les points communs que j’ai observés chez ceux qui envisageaient le suicide.

Après avoir été à ces endroits et avoir lentement commencé à me sentir mieux, tant sur le plan physique que mental, j’ai voulu redonner au suivant, mais à l’époque je ne savais pas comment je pouvais le faire. Il y a beaucoup de suicides parmi les Autochtones au Canada, et ils passent souvent inaperçus. Maintenant, en 2022, nous savons ce que le système des pensionnats a fait aux Autochtones génération après génération. Il a brisé des personnes, des familles et des nations. Des gens souffrent encore aujourd’hui. Même si nous obtenons des excuses à gauche et à droite, cela ne change rien au fait que le gouvernement du Canada et d’autres ont fait du mal aux peuples autochtones.

Les Autochtones n’ont pas accès aux services dont ils ont désespérément besoin. Nous parlons souvent de réconciliation, mais qu’en est-il de la réparation? Je sais qu’un gouvernement antérieur avait présenté des excuses aux survivants des pensionnats autochtones et je sais que certaines choses sont faites, mais tant que les gouvernements fédéral et provinciaux n’offriront pas de concert les services dont les peuples des Premières Nations et les Autochtones ont besoin partout au Canada, comment pourrons-nous arriver à la réconciliation? Faudra-t-il attendre encore 20 ans? Nous parlerons encore de problèmes de santé mentale et de prévention du suicide chez les Autochtones et les Canadiens en général dans 20 ans.

C’est pour cette raison que, en décembre 2019, j’ai présenté une motion sur la santé mentale qui mettait l’accent sur les jeunes hommes, les garçons et les Autochtones. Pourquoi ai-je présenté cette motion en 2019? C’était ma façon de donner en retour, mais ce n’était pas la seule raison. Mon bureau a mené des recherches et les conclusions étaient bien simples. Nous avions demandé à tous les gouvernements provinciaux et territoriaux de nous indiquer ce qu’ils avaient fait en matière de prévention du suicide. Vous vous en souviendrez, le rapport avait été communiqué à tous les sénateurs.

Nous avions constaté que les jeunes femmes et les filles avaient accès à davantage de services dans les provinces et les territoires comparativement aux garçons et aux jeunes hommes, alors que 75 % des suicides au Canada sont commis par des hommes. Les hommes ont besoin de services.

Je suis le premier, mais loin d’être le seul, à affirmer que ces thérapies ne valent pas grand-chose. Les chiffres ne sont que des chiffres et les faits ne sont que des faits. Le taux de réussite est de 2 %, et je vous dirai que j’ai eu l’impression d’avoir perdu mon temps pendant mes six mois de thérapie. J’ai des choses à dire sur la manière d’améliorer ces thérapies et d’offrir plus de services aux jeunes garçons et aux hommes.

S’il existait des services pour les jeunes garçons et les hommes, il y aurait peut-être moins d’hommes qui consomment des substances et de l’alcool. Il y aurait peut-être moins de problèmes de gestion de la colère. Il y aurait peut-être moins de démêlés avec la justice. Les hommes se trouveraient peut-être moins souvent dans des relations abusives. Cependant, ces programmes ne sont pas nécessairement offerts aux jeunes garçons et aux hommes partout au pays.

Beaucoup d’hommes apprennent à un très jeune âge à cacher leurs émotions, à s’endurcir, à accepter leur situation et à ne pas se plaindre. Pour certains d’entre nous qui suivons ces leçons, cela signifie que plus nous gardons de choses à l’intérieur, plus nous explosons lorsque les choses tournent mal.

(2020)

Je suis le premier à admettre que je n’avais pas les outils nécessaires. J’ai rencontré différents psychiatres. J’ai eu de mauvaises expériences. J’ai eu une bonne expérience. Tout se fait au cas par cas.

Mais cette motion n’a jamais été vraiment débattue parce qu’ensuite la COVID est arrivée. En novembre 2020, j’ai dû présenter de nouveau cette motion. Si vous vous rappelez, je vous ai également demandé de l’aide, chers collègues. En particulier, je suis allé voir le sénateur Kutcher — parce que nous sommes saisis de sa motion aujourd’hui — et je lui ai demandé son aide parce qu’il est un spécialiste. Le sénateur Kutcher m’a dit qu’il allait m’aider, que lui et son personnel allaient rester en contact avec mon bureau. Malheureusement, je n’ai jamais eu de nouvelles du sénateur Kutcher.

Je veux donner un peu de contexte. Je ne prends pas la parole aujourd’hui pour pointer du doigt ni dénoncer qui que ce soit, mais j’ai été un peu surpris par la présentation de cette motion, car j’ai appris son existence environ une semaine avant sa présentation. En fait, j’ai appris par d’autres collègues autochtones que le sénateur Kutcher allait la présenter. Cela m’a pris par surprise parce que pendant deux ans, j’ai eu une motion qui, comme je l’ai mentionné, n’a pas été débattue correctement à cause d’éléments extérieurs, et pendant cette période, je n’ai pas eu de nouvelles du sénateur Kutcher. Et maintenant, le sénateur Kutcher a décidé de présenter cette motion.

Je le répète, ce n’est pas une question de rancœur, pas plus que ce n’est une question de m’attribuer le mérite. Ce n’est pas une question d’ego, parce qu’en ce qui me concerne, j’ai casé mon ego en janvier 2016 quand j’ai fait une tentative de suicide. Mon ego y est resté.

Quand on parle de prévention du suicide, beaucoup de gens, moi y compris — j’étais souffrant, j’avais honte de demander de l’aide. Quand j’ai prononcé mes discours en 2019 et en 2020, j’étais fier parce que c’était ma façon non seulement de guérir, mais d’essayer d’apporter une contribution, car j’avais blessé beaucoup de personnes sur mon parcours.

C’est pourquoi cette motion m’a pris par surprise. Je sais que la sénatrice Batters et le sénateur Patterson ont abordé le sujet, et je suis d’accord avec leurs préoccupations. J’ai moi-même des préoccupations. Je sais que le sénateur Kutcher est un expert et je le respecte. Cependant, je dois avouer, chers collègues, qu’il y a des gens qui pensent que les Autochtones n’ont pas leur place au Sénat. Je l’ai entendu auparavant. Il y a des gens qui croient que les Autochtones ont seulement des connaissances ou de l’expertise sur les enjeux des Autochtones. C’est pourquoi j’ai été quelque peu blessé et surpris.

De toute évidence, le sénateur Kutcher a le droit de présenter ce qu’il désire. J’ai toutefois été un peu surpris. Je suis resté assis pendant un instant, et je me suis dit que si on ne reconnaît pas que j’ai, moi qui suis une personne autochtone, peut-être pas une expertise mais certainement et malheureusement de l’expérience avec cet enjeu, et qu’on n’a pas entendu mon appel ou qu’on n’en a pas tenu compte, je dirais que cela va à l’encontre de ce qu’on prêche quand on parle de santé mentale et de demander de l’aide.

Je vais appuyer la motion. J’espère que le sénateur Kutcher et le comité travailleront avec moi car, en tant que personne autochtone, je tends toujours la main. Ma main est toujours ouverte. Mon cœur est ouvert. Mon esprit est ouvert et clair. Ce n’est pas pour m’attribuer le mérite de quelque chose que je souhaite travailler sur ces enjeux. Je veux apprendre et je veux aider si je le peux.

Sénateur Kutcher, cela fait aussi partie de la réconciliation. Vous avez consacré votre vie entière à cet enjeu; vous avez votre expertise, j’ai une expérience personnelle. Par exemple, quand on parle de prévention du suicide, certaines personnes disent que si on élimine des armes à feu, il y aura moins de suicides. C’est vrai, mais ce n’est qu’une des façons d’interpréter les statistiques. On sait en effet que plusieurs des policiers qui se suicident utilisent leur arme à feu.

À propos du suicide autochtone, signalons tout d’abord qu’il n’y avait pas de suicides commis chez les Autochtones avant l’arrivée de l’homme blanc. Je dis « l’homme blanc » et ma mère était blanche. J’espère donc que je n’offense personne en disant cela. Le suicide autochtone n’est pas nécessairement commis à l’aide d’une arme à feu. On utilise d’autres méthodes. Il n’y a donc pas de solution unique pour régler le problème. Il faut vraiment procéder au cas par cas. Il n’existe pas de recette unique pour remédier à la situation. C’est pourquoi nous devons travailler de concert.

Pensons à l’autre endroit. Depuis combien de temps y discute-t-on de l’établissement d’un numéro à trois chiffres pour les personnes en détresse? La question ne devrait pas être partisane. Je sais que c’est un conservateur qui a proposé l’idée. Une des lignes de prévention du suicide a pour numéro le 833-456-4566. Facile à retenir, n’est-ce pas? L’établissement d’une ligne téléphonique d’urgence à trois chiffres pour les gens avec un problème de santé mentale ou d’une ligne de prévention du suicide a fait l’objet d’une motion adoptée à l’unanimité à l’autre endroit en novembre 2020, je crois, et nous n’y sommes pas encore. Nous n’avons toujours pas de numéro à trois chiffres. La question ne peut donc pas être partisane.

Comme je l’ai dit, je ne veux pas dénigrer qui que ce soit, mais, sans vouloir parler de moi, cela montre que les Autochtones peuvent apporter au Parlement une contribution qui va au-delà des questions autochtones. À l’avenir, j’espère que vous collaborerez avec moi, parce que je suis impatient de travailler avec vous, sénateur Kutcher, et avec le comité pour que nous fassions les choses correctement et que nous apportions un changement véritable — véritable et qui va au-delà des mots. Kitschimegwetch de votre écoute.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Brazeau, votre temps de parole est écoulé, mais je vois que la sénatrice McCallum souhaite poser une question. Voudriez-vous demander cinq minutes de plus?

Le sénateur Brazeau : Je serai toujours prêt à répondre à une question de mon honorable collègue la sénatrice Mary Jane McCallum.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, accordez-vous cinq minutes de plus?

Des voix : D’accord.

L’honorable Mary Jane McCallum : Je vous remercie d’accepter de répondre à la question, sénateur Brazeau. Compte tenu des circonstances très particulières qui touchent les peuples autochtones du Canada lorsqu’il est question du suicide et des mesures de prévention qui doivent être prises à cet égard, convenez-vous que le comité devrait comprendre qu’il faut faire appel à des Autochtones qui ont acquis des connaissances autochtones traditionnelles et qui ont suivi une formation... Eh bien, certains ont suivi une formation, mais il s’agit surtout de décoloniser les thérapies en santé mentale, et je connais bien des gens qui répondent à ce critère. Croyez-vous qu’ils ont un rôle important à jouer pour mieux faire comprendre les problèmes auxquels les Autochtones doivent faire face?

Le sénateur Brazeau : Je vous remercie infiniment de votre question.

Je suis tout à fait d’accord. Comme je l’ai dit, il n’y a pas et il ne peut y avoir qu’une seule solution. Il faut intervenir au cas par cas. Il y a certains points en commun, évidemment. Dans la communauté du lac Barrière, juste au Nord de ma communauté, Kitigan Zibi, un jeune s’est suicidé en août dernier. Deux mois après ce suicide, 12 membres de la communauté du lac Barrière — j’ai bien dit 12 — ont tenté de se suicider.

(2030)

Il n’existe pas de recette magique permettant de faire la lumière sur cette question. Existe-t-il vraiment des experts en prévention du suicide? Je ne sais pas. Existe-t-il vraiment un expert qui peut tout régler avec sa baguette magique? Non. Il existe des pratiques traditionnelles de guérison, mais comme pour tout le reste, il faut des ressources. Les gens ne travaillent pas gratuitement, et les Autochtones non plus.

Il leur faut de telles ressources pour poursuivre le travail qu’ils ont déjà commencé, et j’espère qu’une grande partie des travaux du comité sera consacrée à cet aspect, parce que nous savons que des Autochtones se suicident. Ils sont surreprésentés lorsqu’il s’agit de suicide. Réglons ce problème. Nous savons que 75 % des suicides sont commis par des hommes. Il faut réduire ce nombre. C’est facile à comprendre.

Il nous faut des experts autochtones avec leurs propres programmes et leurs propres processus de guérison, de thérapie, qui peuvent venir jeter de la lumière et partager leurs connaissances à l’avenir avec des professionnels de la santé non autochtones qui, je suis désolé de le dire, n’ont pas le monopole des idées. Voilà pourquoi les peuples autochtones de même que les experts et les professionnels non autochtones doivent travailler ensemble sur cette question. Nous n’arriverons pas à prévenir tous les suicides, parce que personne n’a de baguette magique.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

(À 20 h 32, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 3 mai 2022, à 14 heures.)

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